En l’absence d’un statut juridique spécifique, les entreprises ont tout intérêt à systématiser le recours au contrat pour préserver leurs œuvres numériques.
Le temps du numérique n’est pas celui du droit. Alors que les entreprises cherchent à adapter leur business model à la transformation digitale de l’économie, le cadre légal peut parfois accuser un train de retard, notamment en matière de propriété intellectuelle. « En l’absence d’un statut juridique ad hoc, la jurisprudence a d’abord rapproché l’œuvre numérique de l’œuvre logicielle, ou de l’œuvre audiovisuelle ou encore de l’œuvre multimédia, assure Fatima Ghilassene, chargée de l’étude « La propriété intellectuelle et la transformation numérique de l’économie » récemment publiée par l’Institut national de la propriété industrielle (Inpi). Or ces hésitations sont source d’insécurités juridiques majeures pour l’employeur. »
En cause, notamment, la question de la titularité des droits patrimoniaux liée à la multitude de créateurs à l’origine d’une œuvre numérique. En fonction de la qualification juridique retenue, ces droits peuvent appartenir soit à l’employeur, soit directement au salarié. « Dès lors, des tensions peuvent émerger à cause d’une inégalité de traitement entre les différents contributeurs qui seraient titulaires, ou non, des droits patrimoniaux selon la nature de leur contribution, souligne la juriste. Surtout, l’entreprise prend le risque d’être dépossédée de son œuvre ou de voir sa sortie compromise si un salarié titulaire de certains droits manifestait son opposition. »
Assurer un suivi dans la durée
Pour se prémunir, la société a donc tout intérêt à systématiser le recours au contrat pour assurer sa mainmise sur l’ensemble des droits à gérer par la suite : marque, brevet, design, logiciel, droit d’auteur, etc. « Il est très important de soulever cette question, dès le départ, pour garantir la liberté d’exploitation des droits », prévient Fatima Ghilassene.
Mais il y a plus. Tout au long du processus de création, qui peut être très long, la société doit formaliser la gestion des droits de propriété intellectuelle. A cet effet, l’Inpi conseille de se doter d’outils de gestion dédiés à ce domaine. « Cela peut aussi se faire avec Excel ou Access, nuance la chargée d’études. L’important est qu’un suivi formalisé soit organisé dans la durée. » Un tel process n’est-il pas naturel pour toute entreprise concernée par cette problématique ? « Si cela peut paraître évident, toutes les sociétés sont loin de mettre de telles pratiques en œuvre, notamment pour les éléments qu’elles pensent déjà couverts par les règles de propriété intellectuelle », affirme Fatima Ghilassene.
Source : business.lesechos.fr