La recherche en France : polémique sur un rapport


L’État français dépense proportionnellement plus pour la recherche que la plupart des autres pays développés. Il y a consacré 0,85 % du produit intérieur brut (PIB) en 2003. Au sein de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), seuls des pays scandinaves affichent un meilleur score. Mais cet effort ne porte pas suffisamment ses fruits, estiment les auteurs du rapport d’enquête sur la valorisation de la recherche, réalisé par l’inspection des finances et l’inspection générale de l’éducation nationale et de la recherche. Ce document de 200 pages, disponible sur Internet depuis lundi 29 janvier, souligne l’absence de progrès dans ce domaine depuis quinze ans.

Qu’il s’agisse des partenariats entre laboratoires publics et privés, des redevances de brevets déposés par les laboratoires publics ou de la mobilité des chercheurs entre les secteurs public et privé, les résultats restent médiocres.

Pour en comprendre les causes et proposer des solutions pour y remédier, les auteurs ont comparé le fonctionnement et les résultats des laboratoires publics français et étrangers, des laboratoires privés et des structures de transfert, chargées de mettre en contact les uns avec les autres. Des dysfonctionnements existent à chaque maillon de la chaîne.

Côté public, « la bonne recherche fait la bonne valorisation », insistent-ils. Selon une étude du Milken Institute, un groupe de réflexion américain cité dans le rapport, « une augmentation de 10 points de l’indice de publications d’un établissement [fondé sur le nombre de publications et citations dans les revues scientifiques] se traduirait par un surcroît de transfert de technologie évalué à 1,7 million de dollars de revenus de licences ».

A l’inverse, il serait faux de penser que la valorisation des travaux de recherche nuit à la recherche fondamentale au profit de la recherche appliquée : « Une étude portant sur 3 400 enseignants chercheurs dans six universités américaines, de 1983 à 1999, montre que la part de la recherche fondamentale est demeurée inchangée alors que les revenus de licences ont plus que décuplé » sur la même période. Une autre étude sur l’Université catholique de Louvain (Belgique) « établit que les chercheurs engagés dans des activités inventives et de dépôt de brevet publient relativement plus que leurs collègues dans les revues scientifiques ».

MOINS DE MOYENS

L’éparpillement des chercheurs français et leur système actuel d’évaluation ne favorisent pas les meilleures équipes. La France compte 3,7 chercheurs publics pour 1 000 emplois, soit bien plus que la moyenne européenne (2,94). Conséquence : un chercheur français dispose de moins de moyens pour mener ses travaux que ceux d’autres pays. La dépense pour un chercheur du CNRS serait de 30 % inférieure à celle d’un chercheur de l’Institut Max-Planck, son équivalent en Allemagne, par exemple.

Résultat : le nombre de publications scientifiques est faible au vu des moyens engagés, et ces articles sont peu cités par d’autres auteurs dans les revues scientifiques. En outre, « la valorisation des inventions, qui ne fait nulle part partie des critères d’évaluation les plus décisifs, est inégalement prise en compte selon les disciplines et les établissements », souligne le rapport.

Côté privé, les entreprises françaises sont particulièrement choyées par l’État. « A l’exception de l’Italie, la France est le pays de l’OCDE pour lequel la part de dépense intérieure de recherche et développement des entreprises (Dirde) financée par l’État est la plus élevée. » Elles reçoivent plus de subventions que la plupart des autres pays de l’OCDE et bénéficient de plus d’avantages fiscaux. Mais, pour le privé aussi, les disparités sont grandes entre les firmes.

Celles qui en auraient le plus besoin ne sont pas forcément celles qui en bénéficient : les PME de moins de 250 salariés sont parmi les moins aidées au monde. De plus, les aides financières n’incitent pas les firmes à étoffer leurs équipes de chercheurs. A l’inverse de ce qui se passe dans le public, les labos privés français emploient relativement peu de chercheurs, comparés aux États-Unis. De 2000 à 2004, ils ont embauché davantage de jeunes diplômés issus d’écoles d’ingénieurs, mais moins de l’université. Le recrutement de doctorants et post-doctorants a baissé de 13 % durant cette période. Et les entreprises embauchent des chercheurs confirmés venant d’autres entreprises plutôt que de laboratoires publics.

Les spécialistes du transfert scientifique et technologique entre laboratoires publics et secteur privé pourraient atténuer ce phénomène en faisant mieux connaître aux entreprises les avantages de la recherche publique. Mais le niveau de salaire qui leur est proposé, moitié moindre qu’outre-Atlantique, ne permet pas d’attirer les meilleures compétences.

Auteur : Annie Kahn

Source : www.lemonde.fr


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