Destination : la Californie. C’est le choix que font beaucoup de jeunes ingénieurs ou entrepreneurs suisses désirant lancer leur start-up.
Beaucoup trop, selon Alex Fries, patron grison d’une petite firme de «venture capital» basée à San Francisco. Lui est persuadé que la Suisse pourrait freiner cet exode en créant sa propre Silicon Valley.
Installé à San Francisco, Alex Fries voit arriver beaucoup de start-up helvétiques. Il est aussi bien placé pour constater combien l’Oncle Sam achète volontiers des jeunes pousses helvétiques actives notamment en informatique, nanotechnologies ou biotechnologies.
Une migration inverse à celle des grands noms de la technologie américaine qui – comme Google ou Yahoo! – s’installent en Suisse.
Fuite des cerveaux
En tant qu’investisseur (il a fondé Ecosystem Venture il y a 18 mois), il n’a pas grand chose à y redire. En tant que citoyen suisse, par contre, il estime que l’exode des start-up est «un gros problème» pour son pays. «C’est une fuite de cerveaux, une perte de savoir technologique et scientifique, une perte d’entreprises et de places de travail potentielles.»
La cause de cette immigration ? «L’argent ! Rien d’autre ne leur manque vraiment en Suisse.»
Il y a bien des «masses d’argent qui dorment au pays», note le spécialiste. Mais pas celui dont les start-up ont un besoin à leurs tout débuts : du «seed money», ces sommes «modestes» (de une à plusieurs centaines de milliers de dollars) qui leur permettent de définir leur produit, dresser un business plan ou construire un prototype. Autant d’étapes obligatoires pour réussir, ensuite, à convaincre de gros investisseurs.
Potentiel ignoré
En Suisse, ces derniers ne s’occupent guère des start-up naissantes. «Ils n’en voient pas le potentiel, ou ils sont trop conservateurs», note Alex Fries. C’est vrai aussi que, à ce stade, les jeunes pousses ne promettent pas encore de profits rapides et mirobolants.
«Investissant par millions de dollars, ils ne veulent pas non plus le faire à coups de 100 000 dollars. Alors ils préfèrent investir dans les grandes firmes de venture capital, notamment américaines. Leur cash – helvétique – profite donc surtout à des start-up étrangères !»
La Suisse n’en est pas un désert pour autant, estime le spécialiste. «La Confédération est consciente de la valeur des start-up. Elle fait notamment du très bon travail via sa Commission pour la technologie et l’innovation, qui aide les start-up liées aux universités.»
Il y a également beaucoup de business angels en Suisse. Mais, «vu l’inventivité qui règne dans notre pays, il y aurait de quoi investir dix fois plus !»
La Suisse innove beaucoup
La Suisse, rappelle-t-il, est classée dans les tout premiers au monde en terme d’innovation. «Il faut exploiter ce formidable potentiel, ne pas garder de fantastiques inventions dans les vitrines des universités !»
Alors, comment trouver le «seed money» nécessaire ? «La Suisse devrait créer un fonds mixte public-privé», propose l’investisseur. Qui pourrait aussi inclure une dimension sociale en prévoyant l’engagement de jeunes travailleurs. «Participer au lancement d’une entreprise est la meilleure école d’entreprenariat qui soit !»
Cette formation sur le tas pourrait aussi contribuer à changer les mentalités, glisse-t-il en riant. «Nous sommes trop modestes, pas assez ambitieux! Aux États-Unis, ils décrochent la Lune avec des logiciels, des inventions scientifiques ou technologiques souvent moins bons que les nôtres, juste parce qu’ils osent viser les étoiles !»
A la tête de ces start-up, il ne faut pas avoir peur de placer des mercenaires. «Engager, durant un ou deux ans, de vrais spécialistes de la création d’entreprises – peu importe d’où ils viennent – est nécessaire pour propulser une start-up sur les bons rails.»
«Notre pays a tout ce qu’il faut pour créer sa Silicon Valley !», lance Alex Fries. Il en est persuadé depuis qu’il a co-fondé l’une de ses start-up, sVox, en 2001. D’autres le sont aussi, sans doute. Reste à en persuader beaucoup. En attendant, il rêve déjà d’inverser l’exode en attirant des start-up étrangères dans une Helvétie devenue la Silicon Valley de l’Europe. Pour y arriver, la Suisse devra oser viser les étoiles.
Source : www.20min.ch
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