La création d’un Institut en charge de la propriété intellectuelle annoncée par le gouvernement reçoit des échos favorables du privé. L’ambition est de mieux se coordonner, l’enjeu est aussi de mieux communiquer.
Annoncée lors du conseil de gouvernement qui précédait les vacances politiques, le 1er août dernier, la création d’un Groupement d’intérêt économique pour donner naissance à un Institut «de la propriété intellectuelle Luxembourg» (Ipil) émane de la volonté de l’exécutif d’accorder les notes d’un orchestre qui doit faire entendre la musique au-delà des frontières.
«Coordonner la mise en œuvre de la politique publique et fédérer les acteurs impliqués; développer et offrir des services de support et d’accompagnement pour les entreprises, les acteurs de la recherche, les institutions publiques et tout autre public intéressé ; développer et assurer des formations ainsi que des activités de promotion et de sensibilisation ; conduire des projets et études afin de conseiller le gouvernement», voici les missions du futur Ipil telles que décrite par le communiqué de l’exécutif.
Annoncé pour le 1er janvier 2015, dans le contexte de la fusion des Centres de recherche publics, l’Ipil tirera la majeure partie de ses ressources du Centre de veille technologique (CVT) du CRP Henri Tudor.
Échanger les bonnes pratiques
«La création de l’institut est une bonne idée, cette initiative devrait permettre de mieux communiquer sur un sujet qui n’est pas toujours clair pour tous les acteurs et de réexpliquer l’importance de la propriété intellectuelle», déclare Pierre Kihn, CEO de l’Office Freylinger spécialisé dans le conseil en protection de la propriété industrielle, l’une des deux composantes, avec la propriété littéraire et artistique de la propriété intellectuelle.
«Il sera intéressant de favoriser l’échange d’expériences positives recueillies dans une industrie pour en faire profiter une autre. Je pense notamment aux biotechnologies qui pourraient s’inspirer de bonnes pratiques en provenance de l’ICT», déclare Franck Muntendam, associé chez EY Luxembourg et expert de la question.
Car la propriété intellectuelle est devenue un créneau sur lequel le pays veut miser, entre autres, pour diversifier son économie. Le Luxembourg qui n’est pas seul en lice pour accueillir brevets et autres marques doit rivaliser sur un plan international avec des pays aux moyens importants. À chacun de trouver sa voie, en fonction de ses spécificités.
La loi du 5 juin 2009 caractérise ainsi une première phase de développement autour d’un cadre législatif favorable, particulièrement avec des exonérations d’impôts à la clé, selon les principes du fameux article 50bis.
De la fiscalité à la substance
À l’instar du e-commerce dont l’essor originel au Luxembourg est dû à une fiscalité avantageuse, l’argumentaire et le «packaging» du Luxembourg s’est étoffé aussi dans le champ de la propriété intellectuelle.
«L’article 50bis était en quelque sorte la cerise sur le gâteau pour attirer des entreprises», note Pierre Kihn. «Au-delà de cette mesure, nous devons conserver une attitude d’ouverture générale à l’égard des entreprises étrangères afin de pouvoir les attirer et de faire en sorte qu’elles puissent trouver les bons interlocuteurs pour s’établir au Luxembourg.»
Autre point commun avec d’autres pans de l’économie, l’Union européenne veille au grain. Les politiques de propriété intellectuelle de tous les États-membres sont en effet dans le viseur de Bruxelles qui réfléchit activement à l’émergence d’une nouvelle législation qui surplomberait les codes nationaux.
Loin d’être abouti, notamment au regard du droit communautaire et de la libre circulation des actifs, dont ceux immatériels que sont les brevets, le projet introduirait davantage de notions de substance. Soit la volonté de faire en sorte que les pays où sont gérés les droits de propriété intellectuelle soient ceux de l’activité qui s’y rapporte. Ce qui pourrait compliquer quelque peu la donne pour le Grand-Duché, sauf si cette notion de substance se conçoit à une échelle européenne.
Un hub européen
Cette hypothèse pourrait d’ailleurs conforter l’ambition de considérer Luxembourg comme un hub européen de la propriété intellectuelle. «Il sera important de s’assurer de disposer de suffisamment de compétences adéquates pour répondre aux besoins des sociétés qui s’établiront au Luxembourg pour y gérer leur propriété intellectuelle», relève Pierre Kihn.
Cette «porte d’entrée» en devenir a d’ores et déjà engrangé des premiers résultats tangibles. En 2012, le Luxembourg se classait à la 5e position des 38 États membres de la Convention ad hoc pour les demandes de brevets européens. Selon les données de l’exécutif, plus ou moins 22.000 brevets seraient actuellement en vigueur sur le territoire luxembourgeois.
«Le Luxembourg a été sensible à l’élaboration d’incitants fiscaux, mais il devra aussi demeurer attractif via son expertise financière», ajoute Frank Muntendam. «Nous disposons d’un secteur financier reconnu et qui doit être utilisé comme un atout pour l’essor de la R&D et l’innovation.»
Récemment désigné pour accueillir le greffe et l’instance d’appel de la nouvelle juridiction unique sur le brevet européen, le Luxembourg doit donc crédibiliser son positionnement sur le long terme, avec le soutien d’un institut qui devra jouer le rôle de conseiller privilégié du gouvernement.
Le secteur privé semble déjà disposé à appuyer l’initiative. Les responsables de l’Ipil auront tout intérêt à l’inclure car, comme l’indique Pierre Kihn, la propriété intellectuelle est aussi «un des aspects du nation branding».
Auteur : Thierry Raizer
Source : www.paperjam.lu
En savoir plus sur Invention - Europe
Abonnez-vous pour recevoir les derniers articles par e-mail.
