Propriété intellectuelle et simpifications abusives


Une citation célèbre d’Albert Einstein dit qu’il faut rendre les choses aussi simples que possible, mais pas plus simples. C’est pourtant ce à quoi s’emploie Sylvain Charat à propos de la protection des brevets de médicaments, en militant pour une « forte protection » afin de ne pas nuire à l’innovation. Son point de vue publié par Les Echos du 20 juin est d’autant plus surprenant que l’on trouve, sur le site Internet de son think tank Eurolibnetwork, l’analyse beaucoup plus nuancée d’un de ses collègues en matière de propriété intellectuelle appliquée aux brevets pharmaceutiques.

On préfèrera passer sur l’emploi du champ lexical soviétique – « expropriation », « collectivisme » – pour qualifier les décideurs qui rejettent l’hypothèse maximaliste de l’auteur. Celui-ci prend d’ailleurs grand soin d’y donner un vernis scientifique en affirmant qu’Alan Oxley, ancien ambassadeur du GATT, aurait « démontré » la nécessité d’une protection élevée des brevets. Il suffit de se procurer sur Internet ce « rapport » de 18 pages pour réaliser qu’il ne contient aucune démonstration, mais plutôt une suite de grands principes économiques.

Le principal reproche qu’il faut faire à ce point de vue est d’occulter que la durée de protection accordée aux brevets pharmaceutiques correspond à un point d’équilibre économique entre incitation à l’innovation et répression du monopole d’exploitation, et que le calibrage de cet équilibre est extrêmement délicat. Personne n’a mieux formulé cette problématique que Claude Henry, Michel Trommetter et Laurence Tubiana dans un rapport du Conseil d’Analyse Economique : « Si l’extension du brevet n’est pas excessive, cette révélation de l’information pertinente est un meilleur tremplin pour l’innovation ultérieure que le secret, qui pourrait être utilisé comme moyen de protection en l’absence de brevet. En revanche, si l’extension est excessive, elle va réserver au détenteur de brevet ou à ses licenciés toute possibilité ultérieure d’innover dans tout le champ couvert, situation dont on a rappelé à quel point elle est en général défavorable à l’innovation. »

Oublier d’exposer ce questionnement qui, aujourd’hui encore, divise les économistes, revient à déconnecter le débat sur la propriété intellectuelle du champ des réalités pratiques dans lequel il prend lieu. Le lectorat des Echos mérite mieux que cela.

Auteur : François Briatte, Etudiant en sciences politiques à l’IEP de Grenoble.

Source : www.agoravox.fr


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