Ted Nelson a présenté à Paris son projet Transliterature, un «système alternatif au web».
Ted Nelson n’était pas venu officiellement en France depuis 2001, quand il avait été décoré officier des Arts et des Lettres. Dans le grand auditorium de la Bibliothèque nationale de France, il évoque encore ému les termes employés alors à son égard par la ministre de la Culture Catherine Tasca : «philosophe et poète». L’inventeur du concept d’hypertexte en 1965 à l’époque où «un ordinateur avait la taille d’un train» n’a rien perdu de ses utopies. Invité star des neuvième rencontres internationales de l’Ichim (International Conference on Hypermedia and Interactivity in Museums), il a présenté jeudi sous l’intitulé «La liberté, la culture et la romance», un «système alternatif au web», baptisé «Transliterature». Rien moins. Dans les années 60, il avait déjà imaginé le monumental projet Xanadu (du nom du palais de l’empereur mongol Kubilai Khan). Il s’agissait de construire une bibliothèque hypertexte, «démocratique et universelle», dont il a dû faire le deuil en 1992.
A 68 ans, le sociologue américain déjanté n’a donc pas baissé les bras. «Je suis un humaniste et je ne suis pas spécialisé dans la technique», prévient celui qui voit dans l’histoire de l’informatique le triste triomphe de la standardisation industrielle, loin de son rêve de babel universelle. Pour lui, l’ordinateur s’est contenté «d’imiter le papier, d’établir un système très hiérarchisé, alors que tout doit être en parallèle, sans fenêtre, sans hiérarchie, avec des feuilles qui volent dans l’espace» comme la pensée humaine.
Transliterature, dont il promet le lancement dans une quinzaine de jours, fonctionne avec des liens bidirectionnels qui relient deux documents entre eux et non unilatéralement. Chaque partie de texte se trouve liée à son contexte d’origine. «Le lien entre la citation et l’origine est fait, donc le droit moral est respecté; l’original est visible et s’il faut s’acquitter d’un paiement pour un petit bout, vous êtes tout de suite mis au courant», ainsi résout-il d’une pichenette le problème du copyright. Difficile à se représenter concrètement, son invention a le mérite de réinterroger l’acquis.
Une autre star parcourait le même jour les couloirs de la BNF, l’Américain Steven Mayer, le co-fondateur d’Atari, l’entreprise de jeux vidéo et d’informatique. Au menu de la table ronde à laquelle il participait, cette question: «Les jeux vidéos, vecteurs d’identités culturelles ?» La veille, le colloque avait surtout traité de numérisation du patrimoine. Sujet en vogue depuis que, face à la volonté de Google de numériser 15 millions de livres en dix ans, Jean-Noël Jeanneney, le patron de la BNF, a lancé un projet de création d’une bibliothèque numérique européenne. Il aura été question également d’archivage du web et du dépôt légal de la Toile. En parallèle du colloque scientifique, peut se visiter jusqu’à ce soir, à la Cité Internationale Universitaire de Paris, l’exposition Transmissions qui «cristallise la transversalité de la créativité entre arts, sciences et technologies».
Auteur : F. Rl.
Source : www.liberation.fr
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