Les investissements internationaux repartent à la hausse : 2% en 2004, pour atteindre 648 milliards de dollars. Tel est le constat dressé par la Cnuced (Conférence des Nations unies pour le commerce et le développement), le bras armé de l’ONU pour l’économie et le commerce.
Cette progression, certes louable, masque un phénomène de plus en plus frappant : alors que les entrées de capitaux étrangers à destination des pays riches déclinent, elles ont fait un bond de 40% vers les économies dites «émergentes», au premier rang desquelles les pays asiatiques.
A cela, une explication rationnelle : «L’intensification de la concurrence dans de nombreuses industries conduit les sociétés à rechercher de nouveaux moyens d’améliorer leur compétitivité. Les pays émergents offrent des possibilités de réduction des coûts et sont dotés de ressources naturelles, telles que le pétrole et les minéraux stratégiques, explique Anne Miroux, chef du service de l’analyse des questions d’investissement.
Mais ce n’est pas la seule raison. Les multinationales sont de plus en plus nombreuses à délocaliser leurs activités de recherche-développement (R&D) vers des pays asiatiques. L’innovation est un élément clé dans la compétition mondiale. Un groupe comme Ford n’hésite pas à consacrer plus de 7 milliards de dollars par an à la recherche et développement (R&D), soit plus que l’Espagne (6,8 milliards) ou que la Suisse (6,3). L’exemple vaut pour des entreprises comme DaimlerChrysler ou Pfizer. Dans cette course, la Chine et l’Inde ont, à elles deux, représenté environ la moitié de tous les nouveaux projets de création et d’expansion l’année dernière. Ce sont aussi les deux destinations le plus souvent citées pour y investir en R&D dans les quatre ans à venir. Devant le Japon, la France et l’Allemagne. Singapour, Taïwan et la Malaisie figurent également dans ce palmarès des pays les plus prisés.
La part de l’Asie dans les dépenses de R&D des filiales de multinationales américaines, par exemple, est passée de 3% en 1994 à 10% en 2002. Depuis 1993, année ou l’américain Motorola a créé le premier laboratoire de recherche en Chine, le nombre d’installations de ce type aux mains de sociétés étrangères, est passé dans ce pays de zéro à… 700. Plus de 100 sociétés étrangères ont implanté des centres de recherche en Inde ou à Singapour. Ainsi General Electric, la plus grosse entreprise du monde, emploie 2 400 personnes en Inde pour l’élaboration de produits aussi différents que les moteurs d’avion, les biens de consommation durable ou le matériel médical. Les grands laboratoires pharmaceutiques comme AstraZeneca, GlaxoSmithKline et autre Sanofi-Aventis mènent depuis longtemps leurs activités de recherche clinique dans ce pays. Quant aux semi-conducteurs, 30% sont désormais conçus en Asie.
Phénomène inquiétant pour l’avenir de la recherche et de son financement dans un certain nombre de pays riches, ce sont des activités stratégiques qui sont délocalisées. Le Toyota Technical Center en Thaïlande ou le sixième centre de recherche de Microsoft basé à Bangalore, pour ne citer que ceux-là, sont à la pointe de l’innovation. Pourquoi cette ruée vers l’Asie ? Parce que c’est «un réservoir de compétences», avec une disponibilité croissante d’ingénieurs et de scientifiques, que l’on peine à trouver aujourd’hui dans les pays riches. La Chine, l’Inde et la Russie possèdent, à elles trois, un tiers des étudiants de l’enseignement technique supérieur au niveau mondial. Quand ces ingénieurs rentrent dans la vie active, il en coûte à l’employeur 300 000 dollars annuels aux États-Unis, contre 24 000 à 65 000 dollars en Asie…
«Le succès de certains pays asiatiques est tout sauf une coïncidence, poursuit Anne Miroux. Il est le résultat d’une vraie politique pour attirer les techniques, le savoir-faire, des capitaux étrangers. Sur fond de meilleure protection des droits de propriété intellectuelle et de libéralisation des marchés.»
Auteur : Sixtine Léon-Dufour
Source : www.lefigaro.fr
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