L’Inspection des finances veut tailler dans ses crédits sans s’interroger sur les responsabilités du privé.
Si votre frère se comporte mal, punissez sa sœur. Cette recommandation ubuesque vient d’un rapport de l’Inspection des finances sur la valorisation de la recherche. Le frère, ce sont les entreprises. Déjà plus faible que dans d’autres pays développés, leur capacité à innover, créer des emplois et des services à partir des résultats de la recherche scientifique et technologique s’est encore affaiblie ces dernières années face aux concurrents. Pas assez de brevets, d’emplois, d’innovations, affirment les comparaisons avec les États-Unis, le Japon, les pays scandinaves. La sœur, c’est la recherche publique, jugée responsable de cette évolution. La solution ? Réduire encore ses crédits «libres». Et la contraindre à se diriger vers les sujets susceptibles de générer contrats avec le privé, brevets, innovations technologiques.
Ce rapport a été ainsi résumé en titre de une par le Monde en janvier : «En France, la recherche manque de performances, pas d’argent.» Son message : les chercheurs français sont mauvais, et c’est pour cela que la recherche n’est pas valorisée. Les auteurs n’ont manifestement pas vu que les indicateurs censés démontrer la première partie du raisonnement (taux de citation des articles scientifiques) sont supérieurs en France à ceux du Japon… où, c’est bien connu, la recherche n’est pas valorisée par l’industrie.
L’heure serait donc à la concentration des crédits sur les «meilleurs», qui seraient, selon les inspecteurs des finances, meilleurs en tout, contrats privés comme excellence académique. A l’appui : trois graphiques consternants, censés montrer la corrélation entre l’abondance des contrats privés et publics de trois groupes de laboratoires, qui feraient sauter au plafond un étudiant en statistiques.
Ce rapport fait l’impasse sur les causes de la baisse de la dépense de recherche et développement des entreprises 7 % depuis 2002 en part de PIB , entraînant la stagnation du montant des contrats des labos : la frilosité du système bancaire, les privatisations, la réticence du patronat à embaucher des jeunes docteurs. La mise en cause récente de l’alliance entre industriels de la micro-électronique à Crolles (Isère) prouve pourtant qu’il ne suffit pas d’arroser le privé de subventions pour sécuriser les emplois induits par la recherche publique.
Auteur : Sylvestre HUET
Source : www.liberation.fr
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