La Chine constructeur du Monde et l’Inde développeur de logiciels de la Planète. L’idée est-elle exagérée ? Voire ! Intel devrait prochainement annoncer qu’il allait investir quelque 2,5 milliards de dollars dans la construction d’une unité de fabrication de wafers (galettes) dans la ville de Dalian, au Nord-Est du Pays. Ce sera la cinquième usine construite dans l’Empire du Milieu en une décennie, la première ayant été inaugurée en 1997 à Pudond. Mais la Chine n’est pas seulement un fabricant, c’est aussi un marché en pleine croissance constituant un débouché important pour les entreprises des autres pays. Quelle stratégie adopter pour y réussir ? Une étude réalisé par IBM auprès de 180 multinationales présentes en Chine indique que les entreprises devront développer « des stratégies centrées sur les marchés de masse, et s’écarter progressivement des plus grandes villes, où la concurrence fait rage et les marchés arrivent à maturité ».
Ce sera donc la cinquième usine créée en Chine par Intel en 10 ans. La première avait été ouverte à Pudong pour fabriquer des mémoires flash en 1997 et a été complétée d’un deuxième en 2001. Une troisième a été inaugurée en 2004 à Chengdu dans le Sud du Pays avec une quatrième prévue pour cette année. La nouvelle usine de Dalian marque une avancée dans la mesure où Intel y fabriquera des éléments plus sophistiqués, en l’occurrence des chipsets. Cette information n’a pas encore été confirmée par le fabricant de semi-conducteurs. Intel domine largement ce marché des chipsets puisqu’il représente près de la moitié des 8 milliards de dollars réalisé en 2006 selon le cabinet Mercury Research. Les clients pour ce type de produit sont les constructeurs de PC. Ils sont commercialisés en moyenne entre 20 et 25 dollars. L’implantation en Chine va permettre à Intel de réduire un peu plus les coûts.

En dehors des États-Unis, Intel possède des unités de fabrication (référencées comme Fab Sites dans la terminologie du secteur) en Israël et en Irlande et des usines d’assemblage en Chine, Malaisie, Philippines, Costa Rica et Vietnam. Le degré de technicité est évidemment beaucoup plus avancé dans les premières que dans les secondes. Ce serait donc la première « wafer-fabrication plant » qui serait mise sur pied dans un pays en voie de développement. Mais cette appellation vaut-elle toujours pour ce qui est désormais la quatrième puissance économique du monde ?
Y a-t-il un risque de perte de l’expertise technologique pour Intel en procédant ainsi ? En fait, Intel y développera des composants de la génération des 90 nm, soit deux générations de retard par rapport aux 45 nm que vient de lancer Intel dans son unité de Chandler en Arizona. Mais, même à ce niveau de technologie, Intel pourrait rencontrer quelques difficultés pour obtenir le feu vert des autorités américaines soucieuses de perdre son avance technologique. Au total, la puissance de fabrication du constructeur de semi-conducteurs est encore largement située aux États-Unis : 11,6 milliards des 17,6 milliards de dollars que représente l’ensemble des usines y sont implantées, contre 2,8 milliards en Irlande.
La Chine un fabricant, certes, mais aussi un débouché pour de nombreuses entreprises. Selon le dernier rapport annuel déposé par Intel auprès de la SEC (le gendarme de la bourse américaine), le chiffre d’affaires réalisé en Chine par Intel (incluant Taïwan) est de l’ordre de 12 milliards de dollars, soit 34 % de ses revenus. Cela, tout simplement, parce que de nombreux constructeurs tels que Dell, Gateway, HP ou Apple y fabriquent leurs ordinateurs. Les perspectives sont plutôt alléchantes. Les entreprises interrogées réalisent aujourd’hui 9 % de leur chiffre d’affaires en Chine, chiffre qu’elles prévoient de porter à 14 % d’ici à trois ans, ce qui représente une croissance de 57 %.
Comment donc tirer parti de ce formidable marché ? IBM a enquêté auprès de 180 multinationales présentes en Chine (dans les secteurs de l’électronique, de l’automobile des produits grands publics et du commerce de détail) et publié un rapport intitulé : Winning in China’s Mass markets : New Business Models, New operations for profitable growth. La conclusion peut-être exprimée simplement : en sortant des sentiers battus. C’est-à-dire en s’écartant des grandes métropoles car la concurrence y est très forte et en s’orientant sur « les marchés de masse », définis comme la combinaison entre les petites villes à croissance rapide, telles que Fuzhou ou Hefei (la qualificatif petit n’a pas la même connotation qu’en Europe, puisque Fuzhou et sa banlieue comptent plus de 6 millions d’habitant, Hefei plus de 4 millions), et la classe moyenne qui représente 40 % de la population urbaine chinoise (234 millions) dont le revenu est compris entre 3000 et 6000 dollars par an. Les 10 villes émergentes qui font partie de cette cible connaissent une croissance de 28 % par an contre 18 % pour les 10 premières villes du pays.
Les entreprises devront transformer leurs modèles économiques et leurs opérations pour être en mesure d’exploiter les opportunités de ces marchés de masse et concurrencer les entreprises locales.

Autre impératif pour espérer la réussite : il leur faut créer des produits de qualité répondant aux besoins d’offres simples et fonctionnelles à faible prix, ce qui impose de faire davantage appel à des fournisseurs locaux, ce qui n’est pas toujours simple.
L’enquête met en exergue quatre domaines de la R&D et de l’approvisionnement où les multinationales doivent intervenir pour développer des produits positionnés efficacement sur les marchés de masse chinois : établissement de spécifications R&D et produits correspondant aux attentes des marchés locaux ; amélioration de l’identification et de la qualification des fournisseurs locaux ; protection de la propriété intellectuelle tout en développant la collaboration avec les fournisseurs locaux ; enfin, l’extension des capacités d’approvisionnement.
Mais, il y aura quelques problèmes à résoudre, notamment la probable pénurie des talents, un manque de connaissance de l’anglais et de compétences dans des domaines comme la communication et le management. Les entreprises devront donc développer des filières internes. Pour cela, elles devront nouer des partenariats avec les universités et les grandes écoles.

Auteur : Guy Hervier
Source : www.itrmanager.com
En savoir plus sur Invention - Europe
Abonnez-vous pour recevoir les derniers articles par e-mail.
