Le monde change, emporté qu’il est par la plus forte vague de croissance économique de l’histoire, source de création de richesses et d’inégalités extrêmes, de progrès et d’inquiétudes. C’est une vague irréversible, car la mondialisation des échanges commerciaux et des circuits financiers devient, chaque jour qui passe, une palpable réalité pour des millions d’individus.
Bien sûr, cette vague ne produit pas partout d’identiques effets. Sur la décennie 1998-2007, la zone euro a eu une croissance moyenne de 2 %, les États-Unis de 3 % et le reste du monde de 6 %. A cet égard, nos performances, disons-le, pourraient être meilleures qu’elles ne le sont, car trop souvent l’exception française s’est dressée telle une citadelle face aux bouleversements du monde.
Nous souffrons ainsi de « conservatisme articulaire ». Le résultat est là : une croissance faible, des dépenses publiques parmi les plus élevées de tous les pays de l’OCDE, qui ne parviennent pas à limiter durablement la courbe d’un chômage qui fragilise notre tissu social.
Or rien ne nous condamne au déclin. La France dispose d’atouts exceptionnels : une forte natalité, que nos voisins envient, un système d’éducation et de santé de haut niveau, des infrastructures modernes, des entreprises créatives, qui inventent, exportent et créent cette richesse qui nous fait vivre tous.
Bien sûr, des efforts doivent être accomplis, et nous sommes les premiers à reconnaître l’insuffisance d’offres de biens et services adaptés à la demande. Répétons que la recherche et l’innovation sont des leviers majeurs de réussite de notre pays dans la mondialisation, et que nous devons tout faire pour en favoriser l’essor.
Au-delà, quatre points méritent d’être rappelés, voire martelés. Le premier consiste à privilégier les réformes, même si elles ne sont pas toujours bien accueillies, même si elles déplaisent aux corporatismes, car elles finiront par payer, tôt ou tard. Pour cela, notre pays doit réapprendre à envisager son avenir avec confiance, véritable hormone du développement, nécessaire au dynamisme des sociétés. Or, la nôtre a peur. Peur du changement, peur de l’avenir. Un défi et deux vérités doivent contribuer à redonner à notre société la confiance qui lui manque.
Le défi c’est de faire comprendre aux Français que c’est l’industrie qui permet l’évolution du niveau de vie et la création d’emplois directs et indirects, car c’est elle qui met en œuvre et diffuse les progrès technologiques et scientifiques. Notre société est confrontée à de nombreux défis, environnementaux, alimentaires, énergétiques… C’est bien l’industrie, source d’innovation et de solutions techniques, qui peut y répondre. Elle est, et restera, la richesse des nations par son effet d’entraînement sur l’ensemble de l’économie. Certains feignent de l’ignorer, oubliant que tout pays avancé doit s’appuyer sur une industrie compétitive, indispensable pour équilibrer ses échanges.
Au reste, c’est une erreur manifeste que d’opposer l’industrie aux services alors qu’ils sont le plus souvent complémentaires. Ce qui est vrai, en revanche, c’est que l’externalisation de tâches autrefois assurées au sein des firmes industrielles représente aujourd’hui 40 % de l’activité du secteur des services aux entreprises. Ce qui est vrai, c’est qu’en prenant en compte ces activités, le poids de l’ensemble des activités industrielles est de 30 % de la valeur ajoutée française en 2006, et de plus de 40 % de la valeur ajoutée marchande. Ce qui est vrai, c’est que la contribution de l’industrie manufacturière à la croissance moyenne du PIB a été identique à celle des autres secteurs. La réduction du poids de l’industrie a pour seule origine la baisse de ses prix relatifs, laquelle exprime en fait son efficacité. Ainsi, paradoxalement, plus l’industrie est efficace, plus son poids dans l’économie diminue. Son poids, non son efficacité !
La première vérité c’est que le monde industriel est, quoi qu’en disent ses détracteurs, aux avant-gardes du dialogue social. Faut-il rappeler que l’UIMM a signé, avec cinq organisations syndicales, un accord national relatif à l’égalité professionnelle et à la suppression des écarts de rémunération entre les femmes et les hommes ? Rappeler, également, que c’est la société PSA qui s’est, la première, engagée sur cette voie, dès le 4 novembre 2003 ? Faut-il rappeler que ce dialogue social se décline quotidiennement dans nos chambres syndicales territoriales ? Faut-il s’en étonner ?
En vérité, non, car l’UIMM n’a de cesse de rappeler que la « décision » doit être prise, pour une large part, au niveau des acteurs sociaux, que la société progresse mieux par le dialogue que par la contrainte ou la réglementation. Culture encore assez nouvelle pour notre pays, mais démarche essentielle pour « décoloniser la société civile », et mettre en place un dialogue social apaisé, où les partenaires sont reconnus dans leur dignité et dans leurs droits.
La seconde vérité, c’est que l’industrie recrute et recrutera ! Dans la prochaine décennie, en effet, la métallurgie va devoir recruter en moyenne plus de 100 000 salariés par an, dont 50 % de jeunes. L’industrie, et c’est une autre vérité méconnue, offre ainsi de réelles possibilités de carrière, tant en France qu’à l’étranger, pour de nombreux jeunes, motivés et mobiles, désireux de s’investir dans la grande aventure technologique du siècle qui s’ébauche.
Ce sont ces jeunes qui réclament de l’initiative et des responsabilités dont notre avenir dépend, et c’est une industrie compétitive qui leur permettra de se réaliser avec une gamme variée de métiers allant de la conception d’un produit à sa maintenance. Affirmons-le haut et fort, l’industrie a son avenir devant elle !
Auteur : Frédéric Saint-Geours, président de l’Union des industries et métiers de la métallurgie (UIMM)
Source : www.lemonde.fr
En savoir plus sur Invention - Europe
Abonnez-vous pour recevoir les derniers articles par e-mail.
