Antenna Technologies développe des techniques pour produire artisanalement de la spiruline, une micro-algue aux vertus nutritionnelles.
Qu’ont en commun un Aztèque, un astronaute en mission et un enfant africain malnutri ? L’algue bleue. Moins poétiquement, la spiruline. Plus scientifiquement, Arthrospira platensis. Il s’agit d’un micro-organisme aquatique en forme de spirale aux qualités nutritionnelles exceptionnelles. Une cyanobactérie que l’on trouve à l’état naturel dans les eaux saumâtres du lac Tchad par exemple, mais qui peut aussi être cultivée en bassin.
Riche en vitamines, en fer, en calcium, en magnésium, en acides aminés essentiels, la spiruline possède aussi une teneur en protéines de 50 à 70% de sa matière sèche, soit près de deux fois plus que le soja. Des vertus exploitées depuis vingt ans dans les pays développés sous forme de complément alimentaire, voire dans l’espace – puisque l’Agence spatiale européenne envisage de nourrir ses spationautes avec des pilules de spiruline lors de très longues missions. En revanche, la spiruline peine encore à s’imposer dans les régions en proie à la malnutrition.
Ce sont les populations de ces zones défavorisées qui sont au centre des préoccupations d’Antenna Technologies, une association genevoise spécialisée dans le développement et les questions de nutrition.
Son directeur, Denis von der Weid, était certain bien avant la création d’Antenna Technologies en 1989 que cette cyanobactérie séchée et réduite en poudre constituait une arme redoutable contre la malnutrition. Ce juriste et économiste de formation et son réseau de quarante scientifiques font aujourd’hui œuvre de pionniers dans la recherche et la production de spiruline. Ils ont mis au point une méthode de production en bassins, à petite échelle, facilement exploitable dans les zones les plus défavorisées de la planète. Avec un principe à même d’assurer la sécurité alimentaire, loin de la production industrielle et des réseaux d’importation : fournir savoir-faire et matériaux pour permettre une production locale de l’algue bleue, en toute autonomie.
«La spiruline est simple à cultiver, facile à utiliser, et 1 à 2 grammes par jour pendant quatre à six semaines suffisent pour le traitement d’un enfant malnutri, poursuit Denis von der Weid. Il y a 300 millions d’enfants dans cette situation qui rend impossible tout développement mental normal…»
La mise au point de la formule magique de production de spiruline qu’Antenna Technologies fournit à ses partenaires a nécessité plus de sept ans de recherche. Financée par des fonds privés et un soutien de la Direction du développement et de la coopération (DDC) à Berne, l’association dispose d’un budget annuel de 400000 francs pour ses projets liés à l’algue bleue. «Nous avons mis au point des méthodes de culture qui sont adaptées aux conditions de vie, au climat et aux ressources des régions de production, poursuit Denis von der Weid. Nous fournissons les souches de spiruline, les dosages et volumes idéaux, assurons la formation de personnel local et faisons des recommandations pour un rendement maximal. Un bassin de 20 m2 fournit par exemple de quoi assurer le traitement quotidien de 100 enfants.»
A ce jour, quelque 30000 enfants bénéficient des programmes d’Antenna Technologies. Pour garantir l’autofinancement des projets, une partie de la production – destinée aux malades du sida et au renforcement de leur système immunitaire – est vendue entre 6 et 12 dollars le kilo suivant les pays. Et les projets se multiplient: une trentaine de sites de production dans une douzaine de pays en développement, dont l’Inde, la République démocratique du Congo, Madagascar ou le Brésil.
Une ombre ternit ce bilan : le mutisme des agences onusiennes et de nombre d’organisations non gouvernementales pour la diffusion de ces techniques. «Même si quelques États comme le Sénégal ou le Burkina Faso soutiennent des programmes à plus grande échelle, il est incompréhensible que l’ONU et les ONG restent encore sourdes à nos appels», se désole Denis von der Weid. Raisons le plus souvent invoquées: ni médicament ni aliment, la spiruline navigue dans des eaux troubles et devrait prouver scientifiquement tous les bienfaits qu’on lui prête. Sans oublier la concurrence de produits d’importation comme le lait thérapeutique. Quant aux grandes sociétés agroalimentaires, le manque de marge bénéficiaire explique leur désintérêt.
En attendant, Antenna Technologies poursuit ses recherches, conçoit d’autres outils aux technologies simples et bon marché. Comme le Wata (150 euros), un appareil qui a obtenu la médaille d’or du Salon des inventions de Genève en 2004 et qui permet de produire du chlore actif par électrolyse pour dépolluer de l’eau en grande quantité. Encore une source d’espoir pour l’amélioration de la vie quotidienne des populations les plus pauvres.
Site Web : www.antenna.ch
Auteur : Guillaume Arbex
Source : www.letemps.ch
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