N’oubliez pas la recherche !


Présenté comme l’une des priorités de la législature, le projet de loi sur l’université fait pour l’heure l’impasse sur la question de la recherche. On évoque quelques décrets à venir sur la vie étudiante, la carrière des enseignants-chercheurs. De nouvelles joutes s’annoncent sur la sélection et l’employabilité des étudiants, mais la recherche, maillon essentiel de l’université, semble étrangement absente des débats. Pourtant, non seulement la moitié de la recherche publique française est issue des laboratoires de l’université, mais le principal retard révélé par les classements internationaux concerne justement ce secteur.

Si l’autonomie financière et la gouvernance des universités sont un préalable indispensable à une réforme en profondeur de l’enseignement supérieur, il ne faudrait pas que le chiffon rouge des grèves, brandi par les syndicats, repousse aux calendes grecques une réorganisation vigoureuse du système de recherche, plus que jamais confronté au défi de la performance et de l’innovation.

Les prochains mois feront office de test. Ce gouvernement aura-t-il le courage d’imposer une véritable stratégie ? Le Pacte pour la recherche, lancé par ses prédécesseurs, a certes offert aux équipes les plus performantes une série d’outils destinée à les affranchir de lourdeurs administratives (PRES, RTRA), mais il leur aura soigneusement laissé la charge de se défaire de la tutelle des grands organismes…

Au fond, le Pacte pour la recherche n’a pas remis en cause l’archaïsme du système. Contrairement à ce qui se passe dans le reste du monde, les recrutements ne sont toujours pas dictés par des choix stratégiques ou la volonté d’orienter les efforts de recherche vers certains domaines considérés comme prioritaires (énergie, sciences du vivant, nanotechnologies…).. A l’université, les postes sont exclusivement créés en fonction du nombre d’inscriptions dans chaque filière. Ce sont les étudiants qui déterminent ces choix.

Autre exemple : les budgets. Même si l’on constate une évolution, la quasi-totalité de la recherche publique reste financée par dotations globales de fonctionnement. Le financement par projet est minime, alors qu’il offre justement la possibilité d’allouer des ressources en fonction de priorités stratégiques, de l’excellence des équipes ou même de la valeur scientifique exceptionnelle de certains projets.

Une profonde réforme s’impose. Elle devra aussi mettre l’accent sur la valorisation de la recherche qui implique de transférer technologies et connaissances des universités vers l’industrie ou la société. Cette capacité est essentielle dans un univers où les plus innovants imposent leurs lois et leurs standards au reste du monde. Les pays les plus dynamiques dans ce domaine – la Grande-Bretagne, Israël, les États-Unis ou la Belgique – doivent en grande partie leur succès aux structures de valorisation ad hoc créées dans les universités. Dirigées par des professionnels, animées par des entrepreneurs de talent, des experts scientifiques ou des spécialistes de la propriété intellectuelle, elles sont à l’origine d’un cercle vertueux. Ces filiales, privées pour la plupart, optimisent la diffusion et l’exploitation des résultats de recherche. Elles s’autofinancent et finissent par générer des bénéfices redistribués aux chercheurs ou réinvestis dans la recherche académique. Or ces structures n’ont pas leur équivalent en France. C’est d’autant plus regrettable qu’elles pourraient protéger les universités contre les raids menés par des professionnels d’un genre nouveau : les « traders » de l’immatériel, des sociétés à but lucratif dédiées à la gestion de la propriété intellectuelle. Elles se sont multipliées outre-Manche, commercialisent leurs services avec succès en démarchant une à une… les universités.

La valorisation de la recherche autant que la recherche elle-même sont vecteurs de performances. Ne laissons pas passer le train de la réforme !

Auteur : ANNE DUMAS est chercheur associé à l’Institut Montaigne.

Source : www.lesechos.fr


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