L’AFDEL estime pour le moins iconoclaste le parti pris par la Commission Attali de défendre la promotion exclusive et discriminatoire du logiciel libre. Ce choix du désinvestissement dans l’innovation est fait manifestement à l’inverse de nos partenaires européens, estime l’association*, et pourrait surtout à terme fragiliser davantage le cœur et le moteur de l’écosystème français des Technologies de l’Information et de la Communication (TIC) : l’industrie française du logiciel.
La Commission Attali tourne le dos à l’innovation
A l’heure où la France subit un décrochage prolongé vis-à-vis de ses voisins européens en Recherche et Développement privée (R&D), la 58e proposition de la Commission Attali apporte de façon étonnante son soutien exclusif et discriminatoire à un modèle de développement et de commercialisation du logiciel qui ne participe que marginalement à l’innovation et à la croissance. En effet, là où les entreprises du logiciel investissent entre 20 et 30% de leur chiffre d’affaires en R&D, les sociétés de logiciel libre, dont la R&D est très faible et externalisée, ne sont pas même éligibles aux dispositifs français d’aide à la recherche (Crédit Impôt recherche ou Jeune Entreprise Innovante). Reposant économiquement sur un modèle de service, le logiciel libre n’a ainsi, de l’avis des spécialistes, pas débouché à ce jour sur des innovations de rupture. La plupart de ses produits phare s’avèrent des clones -parfois améliorés – de produits déjà existant sous modèle propriétaire. La valeur ajoutée du modèle open source résidant davantage dans une stratégie commerciale qui vise à faire tomber les barrières à l’entrée, en déplaçant le prix du produit vers le service.
De la R&D virtuelle à la croissance virtuelle ?
Lorsque la Commission Attali évoque alors un investissement « virtuel en R&D de 12 Mds € » au sujet du logiciel libre qui ne représente… que 2% du marché, l’AFDEL craint que la croissance attendue ne soit également virtuelle.. .Plutôt que d’évoquer la création de valeur, de richesses et d’emplois, le rapport évoque « des communautés en logiciels libres qui s’engagent gracieusement », oubliant de mentionner au passage que ces communautés sont en réalité composées des salariés des universités ou des entreprises informatiques. L’enjeu est le développement des emplois de nos chercheurs et développeurs, et non leur réduction…
Une stratégie coût plutôt qu’une stratégie d’investissement !
Plutôt que de tabler sur le gisement de croissance (8% en moyenne en 2007, 12% pour le ** dont sont porteuses les 2 500 entreprises françaises du logiciel qui emploient 60 000 personnes, la Commission Attali privilégie étonnamment une stratégie de coûts. Une stratégie qui table sur l’économie présupposée dans l’équipement des entreprises en logiciels qu’apporterait le choix de l’open source. Plutôt que d’être conçues comme un facteur d’amélioration de la productivité et des process en entreprises, les TIC sont ici conçues comme une charge ! Est-il besoin de rappeler que la contribution des TIC à la croissance est déjà deux fois moindre en France qu’aux États-Unis…
Un signal négatif au monde universitaire
C’est donc un signal négatif qui est donné à notre recherche publique dont la valorisation des talents fonctionne au ralenti par rapport à l’écosystème universitaire anglo-saxon. La propriété intellectuelle est pourtant bien le socle de cette économie de l’immatériel. Un déficit que soulignait il y a peu le rapport Lévy-Jouyet sur l’immatériel qui lui « recommandait de mettre en place un plan d’accompagnement des efforts de l’industrie du logiciel dans les domaines de la formation initiale, de l’internationalisation, de la R&D et de l’image de l’industrie (..) afin de faciliter le doublement du chiffre d’affaires d’une quinzaine de sociétés dont il est inférieur à 15 M €. ».
Les marchés publics fermés à l’industrie du logiciel propriétaire
La Commission prône enfin une accentuation de la discrimination dont pâtissent déjà les 2500 entreprises françaises dans leur accès aux marchés publics ! Une situation, contradictoire avec les règles des marchés publics, qui ferme de facto la porte de beaucoup de marchés publics à l’immense majorité des start-up et PME innovantes qui ont fait le choix du modèle propriétaire comme unique modèle susceptible de financer leur R&D. De la même manière, toute interopérabilité ne profiterait au marché et à la croissance, que si elle était conçue sur une base multiformats et en adéquation avec les standards existant sur le marché, sauf à définir alors une économie administrée des TIC.
L’Association Française des Editeurs de Logiciels souhaite en conclusion que la France sorte définitivement de ce débat stérile et franco-français qui veut opposer les différents modèles. L’heure étant plutôt aujourd’hui à la convergence des modèles et de leurs acquis. La vraie question est : Comment développer nos capacités de R&D en France et en particulier dans les TIC ? Comment mieux transformer ces innovations en valeur ? Comment enfin aider nos entreprises à croître et à devenir les champions de demain, quel que soit le modèle économique retenu…
* Créée en octobre 2005, à l’initiative d’une dizaine d’éditeurs, l’Association Française des Editeurs de Logiciels, AFDEL, a pour vocation de rassembler les éditeurs autour d’un esprit de communauté et d’être le porte-parole de l’industrie du logiciel en France. L’AFDEL compte aujourd’hui prés de 140 membres (CA global : 2,5 Mds €) dans toute la France : grands groupes de dimension internationale dont les premiers français, PME et Start up (www.afdel.fr/membres-afdel.html). L’association est le partenaire français de l’ESA (European Software Association)
** Le Top 100 des éditeurs français représente un investissement en R&D de 970 M €, soit davantage que Thomson, Schneider, L’Oréal ou Air Liquide. Source : Truffle 100, 2006.
Source : www.itrmanager.com
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