Guiguoz : l’innovation est dans le biberon


Invention essentielle, il y a un siècle, pour combler le déficit alimentaire des nourrissons, le lait infantile a su rester indispensable aux mamans.

Lorsqu’en 1908, le Suisse Maurice Guiguoz invente le lait en poudre, l’alimentation des enfants est un réel problème. La mortalité infantile touche quasiment toutes les familles, les nourrices sont de moins en moins nombreuses, et le lait de vache ne convient pas aux nourrissons. Les besoins d’une solution nutritionnelle sont donc considérables et le succès immédiat. Mais pour le conserver un siècle durant, cette innovation a dû s’adapter aux changements de marchés, aux nouveaux circuits de distribution, et surtout aux bouleversements de la société, tant les mentalités et les pratiques concernant la relation mère-enfant ont évolué au cours de ce siècle. Plus que sa réussite, c’est donc aujourd’hui sa longévité qui mérite d’être saluée.

Et comme la marque a voulu inscrire son nom dans la modernité, c’est via la Toile que Nestlé, son propriétaire depuis 1971, invite, depuis le mois de mai, les mamans à fêter cet anniversaire avec une adresse http://www.100 ans.guiguoz.fr afin d’échanger conseils et astuces et surtout créer un album souvenir. Chaque mère peut envoyer les photos les plus expressives et les plus touchantes d’elle avec son bébé. Objectif de la marque : garder le contact en créant avec ses clientes un lien autour d’une préoccupation identique, le développement du nourrisson. Parmi les 100 meilleures photos sélectionnées, l’une d’entre elles sera choisie pour l’annonce presse de la fin de l’année.

Côté grand public, Guiguoz a également souhaité marquer ce tournant, pas d’une pierre blanche, mais d’un arbre, le pin de Salzmann, espèce menacée et dont seuls les sujets centenaires peuvent assurer la reproduction d’un patrimoine génétique. L’opération consiste à prélever des greffons sur les quelques arbres encore bien portants et relancer un vaste programme de reproduction.

Sauver des arbres

Au-delà du clin d’œil évident, Guiguoz n’en est pas à sa première action avec l’Office national des forêts (ONF) : depuis dix-sept ans, la marque collabore avec lui autour de l’opération Un Bébé, un Arbre. Elle sollicite les parents pour que leur nouveau-né parraine un arbre choisi par l’ONF dans un souci de préservation de la nature. Le végétal en question est planté dans la forêt la plus proche de chez l’enfant parmi des sites recensés par l’ONF dans différentes régions françaises. Dans chacun d’eux, un panneau Un Bébé, un Arbre indique la parcelle reboisée grâce aux « bébés Guiguoz ». A la fin de 2008, cette opération aura permis de planter plus de 1.600.000 arbres au total, dans 110 forêts.

Sauver aujourd’hui des arbres, comme hier des bébés. C’est ce fil rouge que Nestlé Nutrition entend tirer entre les générations : « Les pédiatres et les mamans apprécient notre opération un Bébé, un Arbre au point que la marque n’apparaît pas toujours à ses côtés. Du coup, nos concurrents n’hésitent pas à copier l’initiative », remarque Serge Elbaz, directeur marketing Nutrition infantile de Nestlé. Plus grosse marque de ce département devant Natureness, avec près de 100 millions d’euros de chiffre d’affaires prévu en 2008, elle assoit aussi son développement sur d’incessantes innovations produits.

A l’origine donc, l’invention de Maurice Guiguoz qui obtient du « lait en poudre pour bébé » grâce à un procédé de dessiccation consistant à chauffer le lait sous vide et à basse température pour en conserver toutes les qualités nutritionnelles et les vitamines. Son produit se nomme « Crémo » et fait très vite la une des journaux. En 1914, ce lait décroche une médaille d’argent à l’Exposition nationale de Berne. Et cette même année, l’entrepreneur fonde la société anonyme Fabrique suisse des produits au lait Guiguoz. Pendant la guerre, cette dernière fait son apparition en France sous le nom de son inventeur. A sa mort en 1919, son fils, Louis Guiguoz, fait reconnaître par le corps médical la supériorité du lait en poudre sur les autres laits « modifiés ». Une caution scientifique qui va faire décoller les ventes : dès 1928, elles sont pour moitié réalisées grâce aux particuliers, l’autre partie venant toujours des médecins, des officines, et de certains boulangers, chocolatiers ou biscuiteries. En 1937, le laboratoire Guiguoz est le premier à utiliser le tout nouveau procédé UHT de stérilisation et fusionne avec le holding suisse Oursina qui va lui permettre d’étendre son réseau de distribution dans le monde entier. En 1969, ce même procédé va lui permettre de lancer un lait liquide upérisé conditionné dans de petits biberons. D’autant que la cause féministe va servir la croissance de la marque, le biberon devenant symbole de liberté pour la jeune maman. Dans les années 1970, les produits Guiguoz sont vendus dans plus de 80 pays. Au cours de la décennie suivante, le grand public s’intéressant de plus en plus à la diététique, l’entreprise lance son premier lait infantile hypoallergénique, bientôt suivi de Bio Guiguoz, un lait infantile acidifié enrichi en probiotiques, des micro-organismes qui contribuent à la digestion des aliments.

La carte du « one to one »

Au même moment, le Conseil de la concurrence contraint les marques jusqu’alors uniquement distribuées en pharmacie à vendre également leurs produits dans les grandes et moyennes surfaces. L’époque du partenariat exclusif avec les pharmacies est révolue. S’ouvre celle de la concurrence exacerbée avec les autres marques comme Gallia (groupe Danone) mais aussi Nidal, appartenant également à Nestlé mais plus internationale que Guigoz. Cette dernière va rester concentrée sur les marchés francophones et jouer la carte du « one to one » : à chaque bébé, ou presque, une offre adaptée. La gamme s’étend dans les années 1990 avec des formules infantiles acidifiées Guiguoz Transit et d’autres liquides : Guiguoz 2, Guiguoz Confort 2 et des laits de croissance. En 2003, c’est encore Guiguoz Evolia, indiqué en relais de l’allaitement maternel et en 2005 Guiguoz Confort Plus. « Le travail constant sur les formules a contribué à maintenir le dynamisme de la marque pendant toutes ces années », souligne Serge Elbaz, qui se félicite aujourd’hui de ses 25 % de parts de marché et de ses 90 % de taux de notoriété.

Il n’empêche, le marché est complexe. Pour y entrer, la marque doit à la fois se placer auprès des maternités, chacune travaillant de façon privilégiée avec l’une d’entre elles via des appels d’offres, mais aussi auprès des mamans. Celles-ci ont, aujourd’hui, pour moitié recours dès la naissance de leur bébé au lait artificiel premier âge (plus de 60 % dans les années 1970, au temps glorieux du lait infantile). Quant à celles qui allaitent, 11 % d’entre elles panachent avec des biberons et viennent définitivement au lait maternisé aux environs de quatre mois de l’enfant. Là, soit elles choisiront elles-mêmes une marque de lait, soit elles s’en remettront au corps médical qui peut préconiser de changer un produit pour un autre. « 40 à 50 % des mères optent elles-mêmes pour un lait déterminé lorsqu’elles passent du lait premier âge au deuxième âge [à partir de six mois]. Mais il nous faut être présent à chaque étape », admet Serge Elbaz. Cet homme de marketing doit se souvenir avec nostalgie du temps où, dans les années 1960, les slogans publicitaires affirmaient : « Pour le deuxième âge le docteur a dit : «Continuez Guiguoz». »

Auteur : SOPHIE PÉTERS

Source : www.lesechos.fr


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