La voix qui chante «Au clair de la lune» sur la première bande sonore réalisée au monde est celle de Léon Scott, et non pas celle d’une femme.
Vingt ans avant Thomas Edison, l’inventeur du phonographe, le Français Édouard-Léon Scott de Martinville a réalisé la première gravure sonore sur un rouleau de papier enduit de noir de fumée. C’est une équipe du Lawrence Berkeley National Laboratory, en Californie, qui avait réussi l’an dernier à reconstituer la phrase musicale enregistrée par le savant français. Il s’agissait de la célèbre chanson «Au clair de la lune», interprétée par une voix féminine. L’enregistrement avait été diffusé pour la première fois à l’Université de Stanford.
Des recherches plus approfondies ont amené les chercheurs américains à ralentir la vitesse de défilement du rouleau. Ils se sont aperçus à cette occasion que l’interprète de la chanson n’était pas une femme mais un homme. Ils ont présenté les résultats de leurs travaux à l’occasion de la conférence de l’Association des collections d’enregistrements sonores, qui s’est tenue il y a peu à Washington. La voix n’a effectivement plus rien de féminin. Elle est celle de l’inventeur lui-même qui s’adresse ainsi à nous, à près d’un siècle et demi de distance.

Léon Scott de Martinville fut l’inventeur du phonautographe, l’ancêtre du phonographe d’Edison.
Découverte de nouveaux enregistrements
C’est l’étude d’autres gravures sonores datant de la même année, 1860, réalisées elles aussi par Léon Scott, qui a mis les chercheurs sur la piste. En effet, la technologie de reconstruction des sons à partir d’images numériques a des limites. Elle s’applique mal en particulier aux tracés les plus mal formés, ont expliqué les membres de l’association First Sounds, qui s’intéresse aux premiers enregistrements sonores.
Patrick Feaster, de l’Université d’Indiana, a eu l’idée d’adapter à la lecture des scanners des «phonautogrammes» une méthode destinée à la lecture optique des bandes-son des films. Il a donc appliqué sa technique à une gravure sonore, décrite par Léon Scott comme étant la récitation des premières lignes de la pièce italienne Aminta, de Torquato Tasso. Mais lorsqu’il l’a écoutée à la même vitesse qu’Au clair de la lune, il a entendu un discours accéléré et incompréhensible. Ce n’est qu’après l’avoir ralentie que les chercheurs ont pu entendre un texte déclamé par une voix masculine relativement claire.
Après comparaison des notes accompagnant divers phonautogrammes, les chercheurs ont modifié la vitesse de jeu d’ «Au clair de la lune». Ils ont ainsi découvert une interprétation musicale traînante d’un chanteur masculin au timbre semblable à celui de l’acteur d’Aminta. Pour eux, il ne fait pas de doute qu’il s’agit là aussi de Léon Scott.
L’équipe de First Sounds a retrouvé, depuis l’an dernier, de nouveaux enregistrements datant des années 1857 et 1858 avec l’aide de l’Institut national de la propriété industrielle et de la Société pour l’encouragement de l’industrie nationale, créée en 1801. Ces pièces viennent s’ajouter aux documents découverts aux archives de l’Académie des sciences de l’Institut de France qui comprenaient, outre les quatre enregistrements maintenant audibles, des ébauches datant de 1853 et 1854. Cette collection représente un continuum allant du son le plus déformé, que l’on ne peut pas interpréter, à la chanson d’Au clair de la lune.
Auteur : Isabelle Trocheris
Source : www.lefigaro.fr
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