Une grande exposition sur la contrefaçon vient de démarrer à la Cité des sciences et de l’industrie. Objectif : ouvrir les yeux des consommateurs sur un fléau dont ils sont souvent victimes, au risque de mettre leur santé en danger.
C’est la première exposition du genre en Europe. Inaugurée hier à la Cité des sciences et de l’industrie par Claudie Haigneré, présidente d’Universcience, « Contrefaçon – La vraie expo qui parle du faux » veut sensibiliser le grand public à un fléau économique. « C’est un sujet de société complexe pour lequel nous avons trouvé un angle d’attaque original avec une scénographie contemporaine. Je tenais à aborder à la fois la création par le respect des droits d’auteur et la protection de l’innovation à travers les brevets », explique Blandine Savrda, commissaire de l’exposition.
Les visiteurs sont notamment invités à faire quelques expériences pour reconnaître eux-mêmes des objets contrefaits. Par exemple, une manipulation interactive réalisée en partenariat avec Microsoft leur montre comment repérer les faux objets introduits dans une maison à partir d’une technologie de captation infrarouge. « Grâce à la capacité d’attrait de la Cité des sciences et de l’industrie, on peut expliquer au jeune public qui est très sensible aux marques, de manière pédagogique et sans le culpabiliser, que l’achat d’une contrefaçon n’est en aucun cas une bonne affaire », explique Benoît Battistelli, directeur général de l’Institut national de la propriété industrielle (Inpi), à l’initiative de cette exposition. Selon un rapport remis ce mois-ci par l’Unifab, l’association française de lutte anticontrefaçon regroupant près de 300 membres, au ministère de l’Économie, de l’Industrie et de l’Emploi, 86 % des entreprises implantées en France estiment que l’explosion de ce trafic illicite est en partie due au fait que le consommateur n’est pas suffisamment conscient de ses incidences. Une trentaine de partenaires se sont associés à l’exposition, parmi lesquels Renault, Hermès, Bel, Philips, L’Oréal, Nike, SEB, Nintendo, Nokia, … « Toutes les entreprises sont conscientes que la lutte anticontrefaçon est une priorité forte, mais ne veulent pas forcément y associer leur nom par crainte des effets négatifs sur leur image de marque », reconnaît Benoît Battistelli.
10 % du commerce mondial
Longtemps considérée comme une économie souterraine marginale, la contrefaçon est aujourd’hui une véritable industrie qui détourne environ 10 % du commerce international au profit du crime organisé et du terrorisme. Selon les dernières données de l’Union européenne, le nombre d’articles contrefaits stoppés par les Douanes a explosé de 79 à 178 millions entre 2007 et 2008, dont 20 millions potentiellement dangereux pour la santé et la sécurité des consommateurs. Autant dire que la cible de ce trafic tentaculaire ne se concentre plus sur le luxe, mais s’est désormais élargie à tous les produits. Les plus prisés par les faussaires sont les DVD et les CD, plus faciles à reproduire, qui représentent 44 % des articles saisis aux frontières européennes, suivis par les cigarettes (23 %), l’habillement (10 %) et les médicaments (5 %). Plus de la moitié des marchandises illicites proviennent de Chine.
Dans quelle mesure l’innovation est-elle une clef de sûreté inviolable par les contrefacteurs ? « Aucun système existant n’est impossible à reproduire, même s’il rend évidemment un produit beaucoup plus difficile à contrefaire et plus facile à identifier, explique Hugues Souparis, président de Hologram Industries. Tout le monde doit comprendre que c’est un pari, mais que la technologie va jouer un rôle uniquement dans les cas où le consommateur veut acheter du vrai et doit pouvoir le vérifier. »
L’exemple des médicaments
En raison des risques pour la santé, l’industrie pharmaceutique n’a en revanche pas le choix : elle doit faire barrière aux copies frauduleuses de médicaments, qui peuvent s’avérer très dangereuses, en particulier dans les pays en voie de développement. Les laboratoires pharmaceutiques, qui opèrent à l’échelle mondiale, sont donc contraints de résoudre un vrai casse-tête technologique. « Nous sommes lancés dans une course effrénée à l’innovation pour pouvoir protéger les patients avant qu’ils n’aient pu absorber un faux médicament produit par des contrefacteurs qui font eux-mêmes appel à des technologies de plus en plus sophistiquées, notamment en Chine », explique Jean-Marc Bobée, directeur de la stratégie anti-contrefaçon industrielle de Sanofi-Aventis. « Pour maximiser nos chances, nous essayons de combiner les systèmes visibles et invisibles, car on ne peut plus se fier à une seule technologie d’authentification pour garantir une sécurité optimale sur toute la chaîne logistique jusqu’à la délivrance dans une pharmacie », explique-t-il.
Pour un médicament de prescription, trois niveaux de protection sont possibles : la boîte, le blister et le comprimé dans lequel on peut intégrer une signature chimique, mais leur combinaison systématique serait beaucoup trop coûteuse. « Il faut être capable de déployer ces technologies à grande échelle au moindre coût pour garantir la sécurité du patient et du produit », ajoute Jean-Marc Bobée.
Si, en France, un médicament est pratiquement toujours délivré dans son emballage d’origine protégé par ses étiquettes de sûreté, la problématique se complique à l’exportation en l’absence d’harmonisation internationale.
En effet, les produits pharmaceutiques sont systématiquement reconditionnés, manuellement, dans un autre emballage qui répond aux standards du pays de délivrance. Pour fermer cette porte ouverte aux contrefacteurs, « nous réclamons l’intégrité de la boîte tout au long du flux du produit sur le marché unique », insiste Jean-Marc Bobée, au titre de président du projet Efpia, qui vise à la mise en place d’une codification et d’une identification harmonisées des produits pharmaceutiques en Europe. Une expérience menée en Suède fin 2009 a montré que la technologie Data Matrix constitue une solution efficace pour construire un système de protection unique de l’industrie européenne du médicament.
Auteur : CHANTAL HOUZELLE
Source : www.lesechos.fr
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