L’efficacité de la recherche appliquée est-elle soluble dans un bain de francophonie exacerbée… et pas forcément désintéressée ? Réponse, ces jours-ci, à Munich. L’Office européen des brevets (OEB), qui y a son siège, n’attire en général pas les foules. Pour que son président, Alain Pompidou – fils de l’ancien chef de l’État décédé en 1974 -, réussisse à le faire visiter jeudi 30 novembre et vendredi 1er décembre, par un groupe de journalistes français, il fallait donc qu’il y ait péril en la demeure. Le président de l’OEB en est convaincu.
Le système de brevets européen n’est pas aussi efficace qu’il pourrait l’être, et Paris en est la cause. La France continue d’en bloquer la simplification, faute d’avoir ratifié l’accord de Londres. Celui-ci permettrait que l’essentiel d’un brevet ne soit plus traduit dans la langue de chacun des pays dans lequel le déposant souhaite le valider, mais seulement en français, en anglais ou en allemand.
Ce blocage peut avoir de graves conséquences. Le brevet a pour rôle de protéger une innovation. Un système de brevets dissuasif, car trop coûteux, peut donc décider un inventeur, ou une entreprise, à ne pas en déposer, au risque de voir son idée pillée. A l’inverse, un système de brevets performant stimule l’innovation, et donc l’emploi.
« La ratification de l’accord de Londres pourrait réduire de 30 % le coût d’un brevet », estime M. Pompidou. Ce prix – environ 30 000 euros – n’est pas rédhibitoire pour une grande entreprise dont les coûts de recherche et développement sont d’un autre ordre de grandeur. Mais il l’est pour les PME, les chercheurs ou les inventeurs isolés, qui représentent 80 % des déposants. Cette ratification est d’ailleurs l’une des mesures préconisées, mercredi 29 novembre, par la Mission d’information parlementaire sur les délocalisations.
Tout le monde semble donc convaincu, sauf… les défenseurs de la francophonie et les conseils en propriété industrielle, des consultants spécialisés qui craignent un manque à gagner de cette simplification. Le 2 mars, ils avaient réussi à faire retirer, à l’Assemblée nationale l’amendement à la loi sur la recherche, déposé par Jean-Michel Fourgous (UMP, Yvelines), visant à ratifier l’accord. Raison invoquée : ce texte aurait été anticonstitutionnel. Mais, le 26 septembre, le Conseil constitutionnel a décidé qu’il n’en était rien.
Faute de ratification par la France, les autres États s’entendraient entre eux, et les brevets seraient alors déposés dans une seule langue, l’anglais, prévient M. Pompidou. Les défenseurs de la langue, mais aussi les chercheurs français, qui ne pourront plus utiliser leur langue maternelle pour décrire leurs inventions et les défendre devant les tribunaux en cas de litige, seront les grands perdants.
Auteur : Annie Kahn
Source : www.lemonde.fr
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