« Propriété industrielle : les entretiens de Paris » : l’édition 2007, organisée demain et vendredi à Paris par l’Inpi, HEC et Les Echos Conférences est consacrée, cette année, au management stratégique de la propriété intellectuelle. Nous publions ici le point de vue de Benoît Batistelli, le directeur général de l’Inpi.
Pour une entreprise, la stratégie « propriété intellectuelle » doit impérativement, pour être efficace, être cohérente avec la vision que le management a du développement de la firme et de son positionnement futur sur les marchés. S’agissant des brevets, le management stratégique réunit la R&D et la propriété industrielle dans un processus de prise de décision qui examine régulièrement un certain nombre de questions. Quelles sont les technologies nécessaires à l’entreprise pour atteindre ses objectifs de développement ? Comment l’entreprise peut-elle développer ces technologies et les protéger de manière efficace ou, si ces technologies sont détenues par d’autres, comment l’entreprise peut-elle y avoir accès ? Sur ces technologies essentielles, la position « brevets » de l’entreprise est-elle forte par rapport à ses concurrents ? Quelles sont les opportunités et les menaces qui en résultent ? Quels sont les axes d’amélioration ? Quels partenariats sont-ils souhaitables et possibles ? Le portefeuille de technologies de l’entreprise peut-il faire l’objet d’une valorisation externe par voie de licensing ? Le portefeuille de brevets existant est-il utile à l’entreprise ? Ne contient-il pas des titres qui n’ont plus de raison d’être et qui devraient être cédés ou abandonnés ?
L’entreprise doit mettre en place, avec un engagement clair du management, un ensemble de procédures de décision et de règles d’organisation pour s’assurer que l’activité « brevets » est efficace et cohérente avec la stratégie générale : procédure de signalement des inventions, veille technologique, évaluation des inventions, gestion des procédures, audit régulier du portefeuille, suivi de la concurrence, liberté d’exploitation, coordination avec les autres droits de PI, engagements contractuels, évaluation financière, dispositif de détection de la contrefaçon, etc.
La protection des éléments confidentiels et du savoir-faire est un élément essentiel de ce dispositif. Si le secret n’est qu’un non-dépôt, il ne protège rien. Complémentaire du brevet, la protection par le secret est une démarche organisée qui suppose des procédures, des actions de sensibilisation du personnel, des mesures concrètes (contrôle des accès, protection des documents, surveillance systématique des sous-traitances, etc.), ainsi que des moyens contractuels (accords de confidentialité avec des tiers, clauses de secret et de non-concurrence dans les contrats de travail, etc.).
Enfin, les droits de propriété intellectuelle doivent être solides sur le plan juridique et utilisables en cas de contentieux. Il faut ainsi, dès le stade de la rédaction de la demande, anticiper les contrefaçons possibles. Si un litige survient, il faut en définir clairement les objectifs, car la conduite sera très différente suivant que l’on cherche à obtenir une interdiction d’exploiter ou une compensation financière (dommages intérêts, redevances de licence) ou simplement à construire une réputation.
Où en sont, de ce point de vue, les entreprises françaises ? Les États-Unis sont souvent présentés comme un modèle dans la prise de conscience de l’importance de la mise en place d’un management stratégique de la propriété intellectuelle. On ne compte plus les exemples cités dans la presse, tels que l’importance de certains revenus de licensing, la pratique très poussée du « licensing in and out » d’entreprises comme Procter & Gamble, ou encore l’abandon du paradigme du « not invented here » vers le « proudly found elsewhere ».
Du côté des organismes de recherche, le récent rapport de l’Inspection générale des finances pointe les difficultés de mise en place des politiques de valorisation en France, par comparaison aux pratiques outre-Atlantique.
Concernant la pratique du management de la PI en France, l’Observatoire de la propriété intellectuelle de l’INPI a mené une enquête auprès de responsables de services propriété industrielle d’entreprises ou d’organismes de recherche qui ont un service « brevets ». Il ressort des réponses obtenues un bilan encourageant, même s’il reste des efforts à faire pour formaliser et structurer le management de la PI dans l’entreprise. Parmi les points positifs, l’enquête fait ressortir que les processus de décision sont largement formalisés, notamment dans la gestion des procédures. Par ailleurs, il faut souligner que les services PI ne restent pas isolés dans les processus décisionnels des choix de protection : les décisions sont généralement prises par des comités mixtes.
Le bilan est plus nuancé sur la prise en compte de l’importance de la complémentarité des droits de propriété industrielle. S’il est rare que les services PI ne gèrent que des brevets – ils ont en charge également les marques et les modèles – la coordination n’est pas avérée lorsque les différents DPI ne relèvent pas du même service. Majoritairement situés au niveau n – 2 ou n – 3, les services PI sont rattachés à la direction juridique et/ou à la R&D, mais rarement à la direction générale. Les responsables PI ne siègent qu’exceptionnellement au comité de direction. Même si tous les responsables déclarent avoir une mission de sensibilisation aux questions de PI auprès des autres services, il reste certainement des efforts à faire pour que les dirigeants intègrent les questions de PI dans leurs choix stratégiques.
Auteur : BENOÎT BATTISTELLI est directeur général de l’Institut National de la Propriété Industrielle.
Source : www.lesechos.fr
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