Déclin scientifique des Etats-Unis… une opportunité ?


La Suisse veut intensifier sa coopération avec les États-Unis en matière de recherche scientifique. Tandis que le leadership scientifique américain fléchit, la recherche helvétique s’affirme et attire l’attention aux États-Unis. Enquête.

Le déclin des États-Unis dans le domaine scientifique est relatif, mais important. Si important qu’en 2007, le Congrès a voté une loi pour assurer la suprématie des États-Unis dans la recherche.

«Il y a mondialisation de l’innovation dans un monde post-américain», affirme Robert Wuebker. Doctorant en gestion des technologies de l’environnement à l’Institut Polytechnique Rensselaer dans l’État de New York, il vient d’obtenir une bourse du Fonds national suisse pour la recherche scientifique (FNS).

«Le déclin de la recherche américaine est relatif et lié à la montée d’autres pays, en particulier en Asie», poursuit Dieter Imboden, président du FNS, en visite aux États-Unis.

Selon l’Association Américaine pour l’Avancement de la Science, la loi de 2007 répond à «l’inquiétude de voir les États-Unis devenir incapables de faire face à la concurrence économique d’autres pays». Prévoyant une hausse des budgets de la recherche que l’Administration Obama soutient, elle stipule que «le Congrès doit fournir un financement suffisant pour que notre pays continue à être le leader mondial de l’innovation».

Prochaine vague d’innovations

Mais depuis 2007, la récession n’a fait que saper encore le leadership scientifique américain. A Washington, l’Information Technology and Innovation Foundation ne classe les États-Unis que sixième, d’après des critères tels que l’investissement dans la recherche et le développement, l’infrastructure de haute technologie ou la proportion de chercheurs dans la population active. Plus grave: des 36 pays étudiés, les États-Unis est celui qui a le moins progressé en dix ans.

Dans certains secteurs, les États-Unis sont désormais talonnés. Ainsi demeurent-ils les leaders de la recherche environnementale, mais en subissant la concurrence de pays comme la Suisse.

«Je veux passer mon temps avec les gens les plus intelligents de mon secteur, celui de l’énergie solaire, et ces gens-là sont en Suisse et en Allemagne», explique Robert Wuebker, le boursier américain de la FNS qui entame une recherche à l’université de St-Gall.

«Les Américains ont investi pendant des décennies dans la machine de guerre, pas dans la prochaine vague d’innovation, celle des énergies renouvelables, tandis qu’en Suisse, les politiques publiques ont produit des ingénieurs, mathématiciens et physiciens de talent qui ont choisi cette orientation», estime-t-il.

Suprématie US en matière spatiale

Dans d’autres secteurs cependant, la domination américaine se maintient sans conteste. C’est le cas de la recherche spatiale. «Les opportunités dans mon domaine sont beaucoup plus grandes aux États-Unis qu’en Suisse et ailleurs en Europe», affirme Thomas Zurbuchen, professeur de robotique aérospatiale à l’université du Michigan.

Ce natif de Heiligenschwendi, dans le canton de Berne, a émigré en 1996 avec un doctorat d’astrophysique de l’université de Berne. Il a été recruté par un grand patron du programme spatial de la NASA et a travaillé sur les satellites de l’agence américaine.

«La réputation de qualité de la recherche suisse est fantastique aux États-Unis», selon Thomas Zurbuchen, qui a embauché des Suisses à l’université du Michigan.

Néanmoins, Thomas Zurbuchen pense que les États-Unis ne sont pas près d’être supplantés en tant que leader. «Il y a davantage de concurrence, mais je ne crois pas au renversement prochain de la prééminence des universités américaines».

Un financement incomparable

Certes, la récession amène l’université d’Arizona à licencier des professeurs. Du jamais vu dans le monde universitaire américain où l’emploi à vie est censé garantir l’indépendance des chercheurs. Certes, des scientifiques américains s’expatrient. Certes, les budgets consacrés à la recherche des universités américaines sont réduits de 30 à 50%.

Mais le niveau de financement de la recherche aux Etats-Unis reste incomparable. «Mon université, qui n’est pourtant pas l’une des meilleures du pays, a reçu 3 milliards de dollars ces dernières années, rien qu’en dons des anciens élèves», note Thomas Zurbuchen. «Elle consacre plus 20 millions de dollars aux technologies vertes cette année, sans parler de l’argent qui viendra du plan de relance économique de l’Administration Obama», ajoute-t-il.

Le plan de relance comprend en effet un programme de développement des énergies renouvelables et de la recherche scientifique. Pas moins de 15 milliards de dollars sont réservés à ces fins.

Pour le président du Fonds national de la recherche scientifique, la Suisse ne doit pas être intimidée par l’ampleur des ressources qui continuent d’alimenter la recherche aux États-Unis.

«La domination des États-Unis est véritable seulement en partie, elle existe en raison de la taille du pays, c’est une domination en chiffres, pas forcément en qualité, alors qu’un petit pays comme la Suisse, en termes de résultats par habitant, montre qu’il peut rivaliser», affirme Dieter Imboden.

Auteur : Marie-Christine Bonzom

Source : www.swissinfo.ch


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