Le vélo bêche perd les pédales


Jean-Pierre Lavergne, bricoleur retraité de Sénestis, se bat pour que son « vélo bêche à pédale » soit reconnu par l’Inpi.

Dans le bric-à-brac de son garage de Sénestis, au milieu des outils et des chutes de bois, se cachent ses « trésors » : un distributeur automatique de mort-aux-rats, une étude de piège à frelons ou encore un bouchon à dérive, qui permet aux amateurs de carnassiers de pêcher dans les courants sans que l’appât ne s’éloigne trop de la berge…

Mais il y a surtout cet outil de jardinage, créé en 2008 et qui empêche Jean-Pierre Lavergne, ancien militaire à la retraite, de passer des nuits tranquilles. L’objet, aussi simple qu’ingénieux, a été baptisé par son inventeur « vélo bêche à pédale » : un manche, muni d’une bêche et d’une pédale, surmonté d’un guidon. « J’ai inventé cet outil qui fait appel au principe levier-point d’appui-outil », résume Jean-Pierre Lavergne. Pour pouvoir continuer à jardiner son lopin de terre. Ce petit plaisir quotidien était -comme la pêche- devenu tout bonnement impossible suite à une fracture du col du fémur. Après une première opération, un abcès se forme, l’obligeant à repasser sur le billard. Aujourd’hui, celui qui a commencé comme ébéniste marche avec une prothèse de hanche à droite… et une hernie à gauche.

Jean-Pierre_Lavergne_2009

Jean-Paul Lavergne se désole que l’Inpi rechigne à homologuer son « vélo bêche à pédale ».

Tombé « dans le piège »

Démonstration à l’appui dans le sol gelé de son jardin, Jean-Pierre Lavergne, pantoufles aux pieds, prouve qu’il n’y a « pas besoin de soulever la terre à la force des bras ». Imparable. « Ceux qui l’ont vu en action m’ont dit que je devais le faire breveter. Et comme je suis bête, je suis tombé dans le piège », renâcle le vieil homme qui n’ose pas le commercialiser par crainte de se faire copier.

Pour éviter de se voir déposséder de son invention, il a d’abord adressé deux enveloppes Soleau à l’Institut national de la propriété industrielle (Inpi). La sienne est revenue dûment tamponnée. « Mais je ne sais plus très bien ce qu’il y a dedans et je n’ai pas le droit de l’ouvrir… » Le piège se referme donc peu à peu sur Jean-Pierre Lavergne qui, du haut de ses 77 ans, se décrit comme « une relique ». Celle d’un temps où tout était plus simple…

En février 2008, l’homme envoie à l’Inpi son dossier en vue d’obtenir le précieux brevet d’invention. La réponse se fait un peu attendre et désarçonne l’inventeur. Les motifs de « non-conformité » de son dossier pleuvent : manque de caractéristiques techniques définissant l’objet revendiqué en lui-même, dessins non conformes (échelle non graphique, feuilles non numérotées, absence de marges…) et, surtout, dénomination fantaisiste de l’engin. L’ingénieur examinateur propose une appellation qu’il juge plus « conforme » : « bêche pour labourer la terre comportant un guidon et une pédale. » Ce qui revient au même tout en étant un peu mois original…

« 1 000 euros pour rien »

Jean-Pierre Lavergne répond aux différents courriers dont certains, dit-il, lui sont revenus rédigés « en allemand et en américain ». Grâce à un de ses amis, il découvre que son invention est répertoriée sur Internet. A l’Inpi, on indique qu’il ne s’agit que de la demande de dossier et que son étude peut durer jusqu’à 35 mois. En même temps, l’inventeur reçoit une « décision de constatation de déchéance ». Motif : il n’a pas payé la seconde annuité pour le maintien de son titre. Là, c’en est trop, il perd pied et se noie dans ce jargon : « Je n’ai pas d’ordinateur, j’ai 77 ans, j’y pige que dalle. Je ne sais même pas me servir d’un téléphone portable ». Jean-Pierre Lavergne espérait que son âge soit pris en considération… Il a surtout l’impression que l’on se moque de lui. Et ne veut plus rien payer. Sa retraite ne lui permet pas un tel luxe. « En tout, j’ai dépensé plus de 1 000 euros, 401 euros pour le dépôt du dossier, le reste pour la fabrication des neuf prototypes… Ça fait 1 000 euros pour rien. »

Aujourd’hui, Jean-Pierre Lavergne regrette d’avoir suivi les conseils de ses amis « même si l’outil peut servir à beaucoup de personnes handicapées ». En attendant, lui jardine avec.

Auteur : Julien Pellicier

Source : www.sudouest.com


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