Nouvelle mode en R&D


Il est courant de dire qu’il y a plus d’idées dans deux têtes que dans une. En France, la mode est clairement aux projets collaboratifs dans les départements recherche et développement des PME. C’est ainsi que naît la copropriété de brevets. Comment fonctionne-t-elle ? Est-elle à 50/50 ? Explications.

Ces dernières années, différents fonds se sont mis en place pour soutenir des petites et moyennes entreprises qui se trouvent des complémentarités et cherchent à innover ensemble. Citons en particulier, le FUI – le fonds unique interministériel – mis en place par l’État pour soutenir les projets recherche et développement (R&D) collaboratifs labellisés par les pôles de compétitivité, et doté de 490 millions d’euros sur la période 2009-2012. Comme d’autres fonds, le FUI finance des projets de recherche appliquée portant sur le développement de produits ou services susceptibles d’être mis sur le marché à court ou moyen terme.

Or, qui dit chercher ensemble, dit souvent aussi trouver ensemble. C’est ainsi que naît la copropriété. En effet, deux sociétés qui ont trouvé ensemble une belle idée, et qui déposent ensemble un brevet, se situent de fait dans une copropriété de brevets.

Un règlement de copropriété plus que nécessaire

Mais passé l’enthousiasme des départs, chaque copropriétaire a tendance – et c’est humain – à agir de son côté. Il est donc fortement recommandé d’établir un règlement de copropriété. Un tel règlement permet de clarifier un point important : les contributions des parties. Si l’un a travaillé et l’autre a payé, la copropriété est-elle à 50/50 ? Il est souvent indiqué dans les contrats de consortium que les quote-parts de propriété seront établies « au prorata des apports respectifs des parties ». On sent déjà poindre les récriminations des uns et des autres…

Dans un arrêt récent de la cour d’appel de Paris, un prothésiste dentaire et un chirurgien dentiste, copropriétaires d’un brevet concernant une prothèse dentaire et qui s’étaient un peu perdus de vue, se sont retrouvés devant la cour pour une affaire pourtant bien évitable. Le prothésiste, qui s’était occupé du brevet français, s’était mis d’accord avec son copropriétaire sur la liste des pays étrangers et avait procédé à des extensions à l’étranger.

Il a ensuite cédé ses brevets à une société, Newave Medical, qui a cédé presque immédiatement son fonds de commerce à une autre société, Dentsply International. Notre prothésiste avait un peu oublié la clause du règlement de copropriété, qui l’obligeait à prévenir son copropriétaire avant toute cession ! La cour a considéré que le prothésiste n’avait pu vendre que ce qui lui appartenait et donc uniquement la moitié du brevet (cour d’appel de Paris, 23 septembre 2009, PIBD 909, III-1) !

Faire respecter ses droits

Dans une autre affaire, un copropriétaire oubliant totalement son autre copropriétaire avait concédé une licence exclusive à une société. Or, la loi est claire : « une licence d’exploitation exclusive ne peut être accordée qu’avec l’accord de tous les copropriétaires ou par décision de justice » (article L613-29 alinéa d du Code de la propriété industrielle). Le nouvel exploitant s’est retrouvé contrefacteur du copropriétaire oublié ! Il a été condamné, et avec lui le copropriétaire étourdi, à payer 100 000 euros de dommages et intérêts et 30 000 euros de plus pour les frais de procès.

Un autre exemple, encore plus récent, est frappant : deux sociétés s’étaient rapprochées pour faire des dalles de polystyrènes pour des systèmes de chauffage au sol. L’une des deux avait déposé un brevet toute seule sans prévenir sa co-inventrice, qui a protesté vigoureusement et a attaqué en revendication de propriété. La cour lui a donné raison et l’a déclaré copropriétaire. Cela fait, la nouvelle copropriétaire, qui n’exploitait pas, a demandé à la cour d’être indemnisée en application de l’article L613-29 alinéa a : « chaque copropriétaire peut exploiter l’invention à son profit, sauf à indemniser équitablement les autres copropriétaires qui n’exploitent pas […] ». La cour a envoyé un expert et la nouvelle copropriétaire s’est vue indemnisée de 216 000 euros, plus 50 000 euros pour les frais de procès (cour d’appel de Paris, 24 mars 2010 PIBD, 920, III-381-385).

La morale de l’histoire est la suivante : on n’oublie pas son copropriétaire. On peut parfois le considérer comme un fil à la patte ou un opportuniste, mais en tout état de cause, le copropriétaire moderne fait respecter ses droits !

Auteur : Caroline de Mareüil-Villette, cabinet Icosa, conseil en PI, mandataire européen – European Patent At

Source : www.actu-cci.com


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