Les organes artificiels


Si, aujourd’hui, le cœur artificiel de l’homme bionique est bien palpable, ses autres organes vitaux n’ont pas encore tous pris corps.

Avoir un cœur artificiel à portée de main sur une étagère. C’est le rêve que caresse depuis vingt ans le chirurgien cardiaque Alain Carpentier. Son aspiration : pouvoir sauver un patient victime d’un infarctus du myocarde massif, sans devoir attendre un hypothétique greffon compatible. Cet inventeur de génie est à deux doigts de réaliser cet exploit médico-technologique. Le cœur artificiel le plus avancé au monde, qu’il a peaufiné au sein de la société Carmat, est techniquement prêt pour sa première implantation, programmée pour la fin de cette année.

Est-ce à dire que l’homme bionique est en marche ? Loin de là. Pour donner corps à d’autres organes vitaux artificiels (reins, pancréas, foie…), il faudra reproduire une alchimie médicale, technologique et financière très particulière. Pas facile. Car le financement reste le talon d’Achille de ces projets pionniers. «  On n’investit pas assez, si l’on compare à d’autres pays comme l’Allemagne ou les États-Unis. Il y a désormais des efforts de regroupement, mais la recherche pluridisciplinaire est toujours difficile à faire reconnaître en France », estime Cécile Legallais, directrice de recherche au CNRS.

En dépit de ce frein financier, l’innovation avance. Deux voies sont explorées de front pour le pancréas. «  Des travaux sont en cours sur l’organe artificiel qui comprend un capteur, une pompe et un moniteur, dont une grande partie peut être implantable », explique Cécile Legallais, directrice du département de génie biologique à l’Université de technologie de Compiègne (UTC). D’ores et déjà, le pancréas artificiel existe en milieu hospitalier. Et sa miniaturisation, qui permettrait aux patients de gagner en autonomie, est en bonne voie. «  Le développement de la technologie appliquée au diabète a ouvert récemment des perspectives réelles de passer du rêve à la réalité », estime Eric Renard, professeur au service des maladies endocriniennes du CHU de Montpellier. Grâce aux progrès de la microélectronique, la pompe à insuline est l’élément le plus abouti du pancréas autonome. «  La question qui demeure est la voie de perfusion d’insuline à utiliser pour atteindre la meilleure efficacité. »

En parallèle, sont menées des recherches sur une autre technologie : la culture de cellules pour aboutir un jour à un pancréas bio-artificiel. « Mais les perspectives paraissent beaucoup plus lointaines pour des raisons de compatibilité avec le corps humain et de survie à long terme des cellules », précise Cécile Legallais.

Cultiver des cellules de foie

Dans le cas du foie bio-artificiel, on s’oriente actuellement vers des dispositifs extracorporels pour des suppléances de courte durée, adaptés à des pathologies qui ne nécessitent pas d’implantation. Quelles chances d’aboutir ? «  Il y a des hauts et des bas, mais les premiers essais cliniques ont été encourageants. Cependant, une mise sur le marché impose de nombreux ses validations très coûteuses et les industriels sont peu enclins à investir », souligne-t-elle. Le problème financier tourne en boucle.

Pour pouvoir mener des essais précliniques, l’UTC s’est rapproché de l’Hôpital Paul-Brousse à Villejuif : «  Notre approche est originale. Nous souhaitons intégrer notre dispositif au sein de moniteurs de circulation extracorporelle industriels déjà homologués. » La technologie utilisée consiste à cultiver des cellules de l’organe humain « sain » dans un biomatériau poreux. Quelles barrières reste-t-il à lever ? Il faut obtenir une masse suffisante de cellules pour suppléer les fonctions de l’organe. Les pistes actuelles visent à constituer des banques de cellules et à utiliser des cellules souches en orientant leur différenciation.

Double obstacle pour le rein

Quant au rein artificiel implantable, il se heurte à un double obstacle. Sur le plan économique, «  un tel projet pourrait être difficile à justifier et à rentabiliser compte tenu des techniques existantes », explique le professeur François Haab de l’hôpital Tenon à Paris. Il estime que la dialyse, combinée à la transplantation rénale, répond assez bien aux besoins sanitaires. Et en termes de faisabilité technique, «  l’épuration rénale suppose des échanges de liquides complexes pour filtrer le plasma ».

Pour d’autres organes, tels la vessie ou l’appareil sphinctérien urinaire, se concrétisent des projets de reconstruction biologique à partir de la thérapie cellulaire. «  Mais il reste à démontrer la survie des cellules une fois greffées, et surtout leur fonctionnalité. Les expériences préliminaires sont encourageantes, mais encore à des stades très précoces. » La gestation de l’homme bionique, dont la peau peut déjà être reconstruite à 95  %, est loin d’être à terme.

Auteur : CHANTAL HOUZELLE

Source : www.lesechos.fr


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