La guerre des brevets est un phénomène qui existe depuis l’invention de ce concept, mais elle a pris en intensité depuis quelques années dans le secteur de l’informatique et des télécommunications. Mais avant de raconter ce qui se passe depuis quelques années, il est bon de savoir ce qu’est un brevet et de connaitre leurs limites.
Définition du brevet
Un brevet est un titre de propriété intellectuelle, qui est le pendant à une licence pour des « œuvres artistiques » mais pour des techniques industrielles.
Le brevet est basé sur le principe de donnant-donnant entre une entité, comme un État, et l’inventeur. La détention du brevet garantie à son détenteur que la concurrence ne pourra pas exploiter ce qui est protégé par le brevet. En contrepartie, la technique protégée est expliquée dans le brevet ce qui garantit, quand le brevet expire, que la société dans son ensemble (voire l’Humanité) peut l’exploiter à l’avenir même si l’inventeur décède. L’objectif final est bien entendu que l’Humanité avance technologiquement sans risque de perdre des travaux importants.
La durée d’un brevet dépend du pays et parfois du secteur technologique. Actuellement, il est en général d’environ 20 ans dans les pays développés.
Mais le brevet n’est possible que si trois conditions sont remplies :
– L’invention doit être nouvelle, c’est-à-dire qu’elle n’a pas existé avant le dépôt du brevet. Certains pays mettent en avant la priorité de l’invention (cas des États-Unis avant 2011) et d’autres à la priorité du dépôt du brevet (cas de l’Union Européenne). Dans le premier cas, on peut annuler un brevet si on a la preuve que l’invention était présente ailleurs et avant, dans le second si on découvre que l’invention a déjà été brevetée avant.
– L’invention doit être non évidente pour une personne de ce métier. C’est-à-dire qu’au moment du dépôt, il ne faut pas que l’invention découle naturellement de ce qui se fait ailleurs.
– L’invention doit être applicable industriellement, ce qui interdit les protections d’œuvres d’art ou la protection d’une idée. Par exemple, pour breveter une voiture volante, il ne suffit pas d’avoir en tête le concept de la voiture volante, il faut également détailler le mécanisme qui permet le fait qu’elle vole (ce qui demande des plans ou des prototypes fonctionnels en général).
Il existe cependant une exception, certains brevets sont considérés comme FRAND par les autorités. Cet acronyme anglais signifie que le brevet permet à la concurrence de l’utiliser dans des conditions raisonnables d’utilisation, de prix et non discriminatoire. C’est-à-dire que le détenteur d’un tel brevet détient la propriété de l’invention mais qu’il doit permettre aux concurrents de l’utiliser en s’arrangeant avec la concurrence. Notamment, ce type de brevet donne lieu du coup à un système de licence d’utilisation auprès de la concurrence ce qui nécessite de payer l’utilisation du brevet auprès du détenteur. Cependant, le détenteur du brevet ne peut fixer des prix déraisonnables ou de trop fortes conditions d’utilisation du brevet et il ne doit exercer aucune discrimination envers la concurrence (comme sélectionner les concurrents qui ont le droit ou non de l’utiliser). Ce type de brevet est attribué quand il est considéré comme capital pour le secteur en question et que son attribution classique poserait un sérieux problème à la concurrence et l’innovation du secteur. Ainsi le coût de recherches et développement du détenteur du brevet peut être rentabilisé et la concurrence peut profiter de cette innovation majeure.
Le brevet montre cependant ses limites en matière d’attrait industriel, notamment trois très connues.
La première est que le brevet protège un mécanisme et non une idée, si on brevette le mécanisme d’une machine à laver, la concurrence peut produire et breveter une machine à laver qui fonctionne totalement différemment. Ceci explique en quoi le brevet logiciel en Europe ne fonctionne pas, le brevet protègerait le code source et qui serait publié. Or, on sait qu’un logiciel est facilement reproductible en procédant différemment (en changeant de langage par exemple) d’autant que le code source est à disposition ce qui rend le brevet logiciel inutile aux industriels à l’heure actuelle. Des dispositions existent aux États-Unis (et tentent d’arriver en Europe) pour protéger les logiciels plus efficacement.
Le brevet logiciel, en vigueur aux États-Unis, protège l’idée même du logiciel, la fonctionnalité et non l’implémentation. Cela interdit à d’autres éditeurs de logiciels d’inclure des fonctionnalités semblables et ce de manière très large. C’est aussi une menace pour les Logiciels Libres, basés sur le droit d’auteur, mais des idées à disposition de tous.
La seconde est que le brevet a une durée de vie limitée de 20 ans, ce qui est beaucoup et peu à la fois. Si, pour le mécanisme d’un objet mécanique il est facile de refaire les plans à partir d’un objet fini, c’est autre chose pour d’autres domaines comme la chimie. En effet, retrouver la recette d’un produit chimique malgré la liste des ingrédients est difficile car le produit fini n’explique pas comment se font les mélanges, les cuissons, etc. Il peut être intéressant pour ces produits de ne pas breveter le produit pour que la protection dure plus longtemps. C’est ce que fait Coca-Cola pour sa recette secrète, la première version a été brevetée durant 20 ans mais à cause de l’interdiction de la cocaïne, la recette a été modifiée et non divulguée et la recette est toujours exploitée commercialement et inconnue des concurrents depuis près d’un siècle.
La dernière est que le dépôt doit se faire dans chaque pays du monde pour être intégralement protégé. Ce qui bien évidemment coûte cher et demande du temps et des ressources humaines et linguistiques. Cela explique d’ailleurs que ce sont de plus en plus des entreprises qui procèdent à ce type de protection.
Pour montrer l’attrait des brevets, nous allons montrer quelques statistiques concernant les dépôts. D’après l’OMPI (Organisme Mondial de la Propriété intellectuelle) le nombre de dépôts était le suivant par pays en 2010 :
– 44 890 pour les États-Unis ;
– 32 180 pour le Japon ;
– 17 558 pour l’Allemagne ;
– 16 707 pour la France ;
– 12 295 pour la Chine ;
– 9 668 pour la Corée du Sud ;
– 7 288 pour la France ;
– 4 908 pour le Royaume-Uni ;
– 4 078 pour les Pays-Bas ;
– 3 728 pour la Suisse ;
– 3 314 pour la Suède.
Notons que la plupart des dépôts se font par des entreprises ou organismes, les personnes individuelles étant de moins en moins nombreuses depuis une décennie à le faire.
Comme nous venons de le voir, le brevet est un outil de protection intellectuelle très intéressante pour la société, l’industrie et surtout très puissant. Aujourd’hui, les télécommunications déposent de très nombreux brevets et, avec la croissance du secteur, il est important de reprendre les technologies du concurrent même brevetées, d’autant que la durée de protection étant de 20 ans, c’est une éternité pour le secteur.
Un peu de stratégie autour des brevets
Les brevets sont un outil judiciaire très puissant qui permet de grandes rentrées d’argent tout comme de détruire une entreprise concurrente. C’est pourquoi il existe maintenant des stratégies pour exploiter au mieux les brevets, du moins pour les grandes entreprises.
Tout d’abord, il y a ce que l’on nomme les Patents Troll. Ce sont des entreprises dont le but est uniquement de posséder des brevets, qu’ils rachètent ou déposent à tout va. Une fois le porte feuille garni de quelques centaines, voire milliers d’entre eux, l’objectif sera de fructifier le tout.
L’objectif premier est d’attaquer des entreprises qui violent ces brevets afin de gagner de nombreux procès ou de trouver des accords à l’amiable à son avantage. Le second est de vendre l’entreprise à une autre, les entreprises qui produisent de nombreux produits ont toujours peur des procès concernant des brevets, car les conséquences peuvent être dramatiques. Beaucoup d’entreprises peuvent payer cher pour éviter des procédures qui peut leur empêcher de vendre leurs produits et ternir ainsi leurs images. Ainsi les possesseurs de l’entreprise peuvent faire une grande plus-value si elle est rachetée par un grand groupe.
Il existe une autre stratégique, cette fois plus défensive. Plutôt que de s’attaquer sur des brevets futiles, des entreprises décident de mettre en commun leurs brevets. Plus précisément, ils confient à une organisation contrôlée par ces entreprises des brevets qu’ils peuvent utiliser chacune pour se défendre en cas d’attaque par un autre concurrent. Cela permet à des entreprises d’avoir plusieurs dizaines de milliers de brevets à disposition pour se défendre, cette stratégie est assez dissuasive pour la concurrence. Bien entendu, il est impossible pour une des entreprises d’une telle organisation d’attaquer un autre membre de l’organisation.
La dernière possibilité est de racheter les brevets que les concurrents mettent à la vente, ou de forcer un peu la vente, pour augmenter le nombre de brevets à disposition. Cela permet au vendeur d’apporter un peu d’argent frais, surtout si les brevets ne concernent plus les secteurs d’activité de l’entreprise. L’acheteur peut bénéficier ainsi d’une protection plus vaste sur son secteur d’activité.
La guerre des brevets
Dans la suite de la dépêche, nous trions les attaques selon l’entreprise qui provoque la guerre des brevets en intentant une action en justice à un concurrent sur le sujet.
Apple
La guerre des brevets en télécommunication ayant explosé avec l’apparition des smartphones, à cause du potentiel économique qui en découle de ce nouveau marché, Apple est le constructeur le plus actif dans le domaine pour défendre son unique produit parmi les plus populaires du secteur.
Si les batailles juridiques de Apple sont anciennes, la plus connue étant celle qui affronta la marque de Cupertino face à Microsoft durant les années 90, aucun brevet n’était en jeu et tout reposait sur la notion de droit d’auteur de l’interface graphique. Si cela n’est pas liée à la guerre des brevets directement, Microsoft et Apple ont scellé un accord à l’amiable à la fin de la procédure et se sont engagés à ne pas s’attaquer à l’avenir sur la question des brevets. Cela explique entre autre l’absence d’attaque mutuelle depuis l’explosion de la guerre entre ces compagnies.
Steve Jobs expliqua dans sa biographie que Android était, selon lui, le pillage de plusieurs années de travail et donnait à des consommateurs des produits mal finis. Des attaques par ailleurs très similaires aux déclarations contre Microsoft dans les années 80 et 90. Avant son décès, il affirma s’engager dans la guerre contre Android pour stopper sa progression dans les ventes ce qui expliquera les nombreuses attaques qui vont suivre, contre les constructeurs de téléphones.
La bataille entre Apple et Motorola débuta en 2010, la marque à la pomme attaquant son concurrent pour violation de brevets concernant les écrans tactiles aux États-Unis. En contre attaque, Motorola rétorque qu’en contre-partie une vingtaine de brevets étaient violés par Apple sur ses produits mobiles. Cependant, le juge Richard Posner refusa les plaintes croisées pour manque de preuves et considéra que le préjudice sur l’image de marque et des produits était très spéculatif.
La bataille se poursuit alors sur un autre territoire, l’Allemagne. En décembre 2011, le tribunal saisi condamne Apple pour violation du brevet concernant le GPRS et a interdiction de vendre la plupart des produits de la marque. Mais la procédure d’appel a bloqué cette décision, d’autant que c’est Apple Inc. qui est touché et non Apple Germany, seule entité qui vend réellement ces produits en Allemagne. Le brevet étant considéré comme vital, la justice a demandé que Apple et Motorola trouvent un terrain d’entente et pour le moment les négociations n’aboutissent pas, sur des brevets considérés comme FRAND.
Mais la bataille retourne aux États-Unis, cette fois c’est Motorola qui attaque sur 4 brevets Apple. Fin août 2012, le tribunal explique que 3 des 4 brevets concernés ne seraient pas étudiés. Contre cette nouvelle, Motorola relance une procédure avec 7 nouveaux brevets à son actif. Sur les brevets rejetés, étaient entre autre la lecture via un faisceau laser, l’optimisation de requêtes réseaux sans-fils et le comportement de l’interface utilisateur en fonction de données de capteurs et de stimulus.
Apple attaqua un autre constructeur en 2009, il s’agit du taïwanais HTC. L’affaire est portée devant ITC, l’International Trade Commission, et Apple clame la violation de dix brevets de la part du concurrent. Finalement un seul sera retenu et Apple emporte cette affaire en 2011 sur un brevet qui permet d’ouvrir l’application de téléphonie ou le navigateur Web si on tapait sur un numéro de téléphone ou une URL. HTC est sommée par l’organisation de modifier ces produits sous peine d’interdiction de vente.
Fort de son succès, début 2012 Apple relance l’offensive en demandant l’interdiction de la commercialisation de deux modèles de HTC aux États-Unis : One X et Evo 4G en se basant sur la violation des brevets précédents, HTC n’ayant pas modifiés à temps ces produits (date butoir du 19 avril). Aujourd’hui la commercialisation est de nouveau possible pour HTC selon l’ITC.
HTC acquiert une société américaine en 2011 et 2012 de puces électroniques S3 qui avait attaqué Apple de son côté avant l’acquisition (en 2010). Peu après l’achat de l’entreprise, HTC apprend que le brevet concerné par la procédure n’a pas été retenue et perd une nouvelle fois contre l’entreprise californienne. HTC ayant riposté en août 2011 en portant plainte à nouveau contre Apple pour violation de brevet sur la possibilité d’utiliser plusieurs terminaux connectés à un réseau Internet sans fil. La procédure est toujours en cours aujourd’hui.
En 2012, Apple a tenté de poursuivre HTC au Royaume-Uni pour 4 brevets. Les technologies visées étant le défilement des galeries de photos, les gestes multitouchs à deux doigts (comme le zoom), de déverrouillage du téléphone par glissement de doigt et l’interversion des claviers virtuels. Finalement seul le premier brevet a été examiné et HTC a été blanchi en juillet dernier.
Mais le plus grand concurrent de Apple sur le marché se nomme Samsung, et cette dernière ne sera pas épargnée par les attaques multiples de l’entreprise américaine. En 2011 les hostilités débutent avec des injonctions dans plus de dix pays du monde entier, sur 4 continents et une cinquantaine de procédures. Cette attaque mondiale porte sur la plupart des terminaux de Samsung de l’époque, dont le fameux Galaxy et Galaxy SII. En Europe, Samsung perd le droit temporairement de commercialiser la Galaxy Tab pour cause de violation de la propriété intellectuelle sur le design de l’iPad, en effet il est impossible de breveter un « design » du moins en Europe.
Apple attaque à nouveau Samsung à la sortie du Galaxy SIII sur des brevets portant sur Siri, la reconnaissance vocale de rl’iPhone et l’iPad et ce aux États-Unis.
Il faudra attendre fin août 2012 pour que la guerre explose, en effet la justice américaine condamne la marque coréen de 1 milliards de dollars de dommage et intérêts envers Apple. Les brevets concernés portaient sur les coins arrondis des appareils et notamment l’effet de rebond en cas de fin de déroulement d’une liste sur un écran tactile. Fin septembre, la justice doit trancher sur le blocage de vente de 8 appareils de Samsung. Samsung a fait savoir qu’elle porterait l’affaire en appel et bloquerait l’éventuel blocage des ventes aux États-Unis par une procédure en appel. Or, comme les modèles concernés sont anciens, il est probable que les modèles ne soient plus vendus d’ici la fin de la procédure…
Microsoft
Les ennemis d’hier sont les alliés d’aujourd’hui, si Microsoft et Apple ne s’attaquent plus, ils joignent leur effort pour lutter contre la montée en puissance de Android qui menace leurs intérêts dans ce secteur en pleine croissance.
Mais avant de s’en prendre à Android indirectement, Microsoft attaque Tomtom en 2009. L’entreprise hollandaise est poursuivie pour violation de 9 brevets devant la cours américaine, et de 5 brevets devant l’ITC. Les brevets touchent de multiples aspects des systèmes de navigation par GPS. Entre autre : l’ordinateur de bord embarqué sur une automobile, les annonces de directions selon la distance entre deux virages, les noms de fichiers longs sur les systèmes de fichiers FAT, système de fichier optimisé pour les mémoires flashs et quelques éléments d’interfaces. Un mois plus tard, en mars 2009, Tomtom accepte un accord à l’amiable avec Microsoft en payant l’usage pour ces brevets et donne la possibilité à Microsoft d’utiliser 4 de ses brevets sans condition.
HTC, Samsung, Wistron, General Dynamics Itronix, LG, Acer, Quanta et d’autres sont des entreprises qui versent quelques dollars pour chaque exemplaire de leur produit utilisant Android. Microsoft a menacé ces compagnies d’éventuelles poursuites concernant des brevets. Il y a également des licences d’utilisation de brevets FRAND qui ont été signés, au sujet du niveau de la batterie d’un périphérique ou la synchronisation de données.
Mais parmi les constructeurs d’adnophones, Motorola n’a pas cédé à la pression. C’est pourquoi Microsoft l’attaque en justice au sujet de 9 brevets dont le travail hors ligne et les noms de fichier longs sur les systèmes FAT. Motorola a perdu son procès américain en mars 2012 sur 4 brevets. Même Linus Torvalds, créateur du noyau Linux, a tenté de défendre Android dans cette affaire.
La bataille ne s’arrête pas là, Motorola a riposté sur le brevet concernant le format de vidéo H.284 en Allemagne et a obtenu en mai la victoire contre Microsoft. Mais les produits concernés, Windows et la Xbox, ne pouvaient être interdits de vente.
Microsoft a poursuivi la bataille en Allemagne aussi notamment sur l’affaire des longs noms dans le format de fichier FAT et a gagné une nouvelle fois cet été.
L’entreprise de Redmond ne s’arrête pas, en 2011 il s’en prend à Barnes & Noble devant la justice de l’État de Washigton et l’ITC. Les sous-traitants de cette entreprise, Foxconn et Inventec, sont aussi touchés pour l’assemblage du modèle phare, le Nook. Les brevets cette fois concernent l’accélération de la navigation sur le Web, méthode de l’annotation des livres numériques et la disposition des bureaux virtuels.
Nokia
L’ex-constructeur numéro un mondial de la téléphonie mobile compte sur son historique de brevets pour stopper l’hémorragie de la chute de ses ventes.
La première victime est le constructeur de puce Qualcomm. L’affaire débute en 2005 en Europe avec l’aide de Ericson, Nec et d’autres constructeurs. En effet, ces constructeurs accusent le fondeur d’abus de position de dominante concernant les brevets sur la technologie CDMA, utilisée notamment pour le réseau GSM et 3G. Qualcomm riposte aux constructeurs la violation de brevets. Nokia, en 2007, riposte avec 6 brevets, notamment sur la possibilité de visionner la télévision sur périphérique mobile, mais cette fois devant la cour américaine.
Finalement, avant la fin de l’année les plaintes sont retirées et les entreprises acceptent la vente de licences d’utilisation des brevets.
Un autre concurrent fera cependant les frais de l’ex-leader du marché, cette fois c’est Apple, sur des brevets touchant la technologie sans-fil. L’affaire se déroule en 2009 devant l’ITC. Apple lança une contre-attaque et dans de nombreux pays du monde. Finalement, en 2011 alors qu’aucun jugement ne fut réellement rendu, Apple céda face à Nokia. En effet, Apple pouvait perdre le droit de vendre ses modèles aux États-Unis et évita ce sort en payant Nokia pour obtenir des licences d’utilisation du brevet.
Oracle
Oracle est une entreprise leader dans le secteur des bases de données. En 2010, l’entreprise rachète Sun Microsystem et pense pouvoir tirer profit de ses technologies qui sont massivement utilisées.
Alors qu’elle essuie l’échec de la reprise d’OpenOffice.org, la majorité des développeurs ayant rejoint LibreOffice, Oracle a jugé intéressant de profiter de l’utilisation de Java dans Android.
C’est pourquoi, en 2011, une bataille juridique engagea Oracle et Google. Google est accusé d’utiliser illégalement des APIs de Java, 37 en l’occurrence et Oracle ne demande pas moins d’un milliard de dollars en compensation devant la justice américaine. En juin 2012, Google gagne la bataille arguant que Sun Microsystem avait libéré en très grande partie Java en 2006-2007 et que les parties non libérés n’étaient pas réutilisés dans Android.
Oracle, déçue de la décision, a fait appel mais doit pour le moment un million de dollars à Google pour rembourser partiellement les frais de procédures.
Sony
L’entreprise Sony d’origine japonaise s’en prendra pendant 2 ans avec l’entreprise coréenne LG. Cette affaire, pourtant débutée par Sony a bien faillit lui coûter cher.
Revenons en arrière, Sony saisi la justice américaine pour que LG ne commercialise plus ses smartphones en l’état pour violations de différents brevets, nous sommes fin 2010.
Mais LG va riposter aux États-Unis et en Europe en demandant l’interdiction de vente de la console PS3 de Sony, pour violations de 4 brevets au niveau du lecteur Blue Ray. Nous sommes en février 2011.
Moins d’un mois après, la justice hollandaise, saisie dans le dossier, rend son verdict et les PS3 ne peuvent plus être vendus en Europe (car toutes les PS3 européennes passent par le port de Rotterdam). Quelques jours plus tard, les stocks sont saisis et menacés d’être détruits. C’est le coup de l’arroseur arrosé.
Il faudra attendre mars pour que la Cours de Justice européenne donne gain de cause à Sony pour éviter un terrible scénario pour ses ventes. LG maintient malgré tout sa plainte aux USA et fait appel de la décision européenne et demande à Sony 180 millions de dollars de redevances.
Kodak
Kodak est une entreprise célèbre dans le monde photographique argentique. Avec l’avènement des appareils photos numériques et des smartphones, l’entreprise a beaucoup perdu de son prestige et a accumulé une dette colossale s’élevant à 750 millions de dollars en ce début d’année. L’empire Kodak étant basé essentiellement sur la vente et le développement des pellicules photographiques.
Après avoir cessé de nombreuses activités, elle compte revendre des brevets aux enchères, sans succès aujourd’hui malgré l’intérêt de Apple, Samsung, Microsoft ou Google. L’entreprise compte profiter de ses brevets pour tenter quelques procès…
Kodak commence par attaquer Apple et RIM en janvier 2010. Le brevet en question porte sur la possibilité d’afficher l’aperçu de la photo directement depuis l’appareil de prise de vue, brevet essentiel pour n’importe quel appareil photo numérique. Cette plainte fait suite à une demande de vente de licence que les deux marques ont refusé. Finalement, en juillet 2012, Kodak perd face à l’ITC qui juge le brevet invalide, probablement à cause de la non paternité de l’invention.
Apple riposte en 2011 devant l’ITC sur des brevets sur l’imagerie ce qui n’aboutira pas.
Depuis un an, Kodak cherche à vendre ses brevets. Mais Apple conteste la paternité de plusieurs brevets de Kodak sur l’imagerie, notamment des brevets provenant d’un projet d’appareil photo qu’il ont développé ensemble dans les années 90 : QuickTake. Kodak porte l’affaire devant le tribunal en charge de sa liquidation judiciaire. Finalement Kodak obtient gain de cause durant l’été 2012.
En mal de liquidité, Kodak continue à poursuivre Apple et cette fois HTC en janvier 2012 devant une cour fédérale américaine. En cause, un brevet sur la possibilité d’échanger des photos directement depuis l’appareil. L’instruction poursuit son cours aujourd’hui.
Quelle a été la stratégie mise en œuvre ?
Quelques données
Aujourd’hui la guerre des brevets touche essentiellement le secteur des smartphones, même si en d’autres lieux et époques, cela fut aussi très houleux. Ce secteur en pleine expansion est une grande ressource pour les constructeurs de téléphonies mobiles.
La fabrication d’un smartphone complet d’aujourd’hui demande environ 250 000 brevets selon l’International Herald Tribune. Et pourtant, aux États-Unis, l’entreprise qui a déposé le plus de brevet est IBM avec 6 000 brevets uniquement sur l’année 2011. Cela signifie qu’à ce rythme, il faudrait près de 15 ans à IBM pour déposer autant de brevets qu’un smartphone en nécessite. Samsung était 2e avec près de 5 000, Microsoft 6e avec près de 2 000 et Apple 39e avec moins de 1 000.
Tous contre Android
D’après les accords entre Apple et Microsoft, la guerre directe n’est pas à l’ordre du jour entre eux. Et dans le secteur du smartphone, ils ont un ennemi commun : Android qui domine la concurrence et menace très sérieusement les activités des deux firmes dans le secteur.
Cependant, une rivalité directe avec Google serait néfaste pour eux alors que c’est l’entreprise qui détient Android. En effet, Google ne tire pas ses bénéfices des ventes d’Android, même si indirectement c’est une aubaine pour l’entreprise de Montain View. Battre Google sur le domaine des brevets ne lui ferait pas de mal. De plus, Apple a le souvenir de s’être bataillé face à des grandes firmes sur le terrain judiciaire comme Microsoft et a beaucoup souffert de la situation, il est plus judicieux de s’adresser aux constructeurs plus fragiles sur ce terrain. Et surtout, Google pourrait répliquer Microsoft ou Apple sur les autres marchés que les smartphones, comme le Web.
Google est en retrait de cette guerre, notamment pour des questions juridiques et d’image. L’entreprise n’apparait qu’à l’occasion de l’attaque de la part d’Oracle concernant Java. Cependant, Google a tenté d’aider HTC en lui fournissant des brevets dans sa lutte contre Apple. C’était sans compter sur l’ITC qui refusa ces brevets dans l’affaire, en effet Google restait le réel détenteur du brevet car la vente n’était pas totale et l’ITC n’autorise pas d’attaquer une autre firme sur des brevets qu’on ne possède pas directement.
Par ailleurs, Google procéda au rachat de Motorola,ce qui rapporta les brevets de ce constructeur historique. Depuis l’attaque sur ce constructeur stoppa, l’achat de Google ne devant pas être étranger à cette situation soudaine.
HTC pensait profiter de l’achat de S3 pour gagner sa lutte contre Apple ce qui n’aboutit pas.
Ces procédures aboutissent à de nombreux appels, ce qui a double effet. Non seulement cela permet éventuellement de changer la donne dans la bataille judiciaire mais aussi en cas d’interdiction de vente d’un produit, cette sentence peut être suspendue. Une procédure d’appel durant des mois voire des années, cela laisse au constructeur le temps de vider les stocks et le remplacer par de nouveaux modèles.
Notons d’ailleurs que la finalité n’est pas une histoire d’argent mais de part de marché et d’image. Interdire à un concurrent de vendre son produit sur un territoire est bien plus profitable pour le constructeur concurrent qui améliore son image et ses parts de marchés par l’occasion.
Le brevet logiciel de retour en Europe ?
Sachez que l’Union Européenne procède actuellement à l’examen d’un brevet unifié au sein de l’union. Le concept est qu’un brevet peut être déposer et être valable dans toute l’Union Européenne avec un simple dépôt dans l’une des trois langues suivantes : français, allemand ou anglais. Cela permettrait de faciliter la procédure pour défendre son innovation dans les 27 pays et ne nécessiterait plus une traduction systématique dans les 22 langues de l’union. Si cela ne pose pas de problème particuliers, l’objectif sera de définir à nouveau ce qui est brevetable ou pas et les brevets logiciels, refusés en 2005, refont leur retour sur la table des négociations. Quand on sait qu’une bonne partie de la guerre des brevets présentés plus haut est du au brevet logiciel en général (ce qui explique les guerre judiciaires essentiellement aux États-Unis), son admission dans l’UE serait probablement dommageable pour l’innovation.
Si vous souhaitez lutter contre les brevets logiciels au sein de l’UE, vous pouvez lire le communiqué de l’APRIL et les soutenir dans cette lutte.
Le petit mot de la fin
Comme nous pouvons le voir, cette guerre des brevets est particulièrement active et touche l’ensemble des acteurs du secteurs des nouvelles technologies. Les brevets couvrent un large spectre d’utilisation des produits et cette guerre remet en cause la possibilité d’avoir des smartphones complètement utilisables. Cette guerre des brevets pose la question de savoir jusqu’où une idée peut être innovante et non évidente pour obtenir un brevet et en obtenir l’exclusivité de réalisation.
Notons que les principaux perdants de cette guerre déchainée ne sont pas les différents constructeurs suivant les décisions de justice. Non, les principaux perdants sont l’innovation et les consommateurs, qui ne peuvent bénéficier que de produits atrophiés de manière artificielle.
Auteur : Renault
Source : www.siteduzero.com
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