La reproductibilité des inventions biotechnologiques : un défi au cœur de la brevetabilité


Dans le domaine de la biotechnologie, où l’on manipule des systèmes vivants complexes et souvent imprévisibles, la notion de reproductibilité des inventions revêt une importance capitale. Au sein de l’Office européen des brevets (OEB), la brevetabilité repose sur un principe clé : une invention doit être décrite de manière suffisamment claire et complète pour qu’un « homme du métier » puisse la reproduire sans expérimentation excessive. Cette exigence, inscrite dans l’article 83 de la Convention sur le brevet européen (CBE), pose des défis particuliers dans le contexte biotechnologique.

Contrairement aux innovations mécaniques ou chimiques, les inventions biotechnologiques impliquent des systèmes vivants dont la variabilité biologique peut rendre leur reproductibilité incertaine. Cette complexité soulève des questions sur l’adéquation de l’exigence de divulgation suffisante au vivant. Par exemple, certains procédés biotechnologiques, tels que la mutagenèse, produisent des résultats imprévisibles, ce qui peut compliquer leur mise en œuvre par un tiers.

La jurisprudence des Chambres de recours de l’OEB illustre ces défis. Dans plusieurs décisions, l’OEB a précisé que la reproductibilité d’une invention peut concerner deux aspects principaux : la capacité à exécuter techniquement l’invention et la validation des effets revendiqués. Si une invention est techniquement réalisable mais produit des résultats fluctuants, cela peut remettre en question sa brevetabilité. Par ailleurs, un manque de reproductibilité des effets revendiqués peut entraîner le rejet ou l’annulation d’un brevet.

Un exemple notable est la décision T 617/07, où l’OEB a examiné un brevet sur des anticorps monoclonaux. L’Office a estimé que la description de l’invention n’était pas suffisamment claire pour permettre à un homme du métier de reproduire les effets revendiqués, ce qui a conduit à l’annulation du brevet. Cette décision met en lumière l’importance de fournir une description détaillée et précise, même dans des domaines où la variabilité biologique est inhérente.

En France, la loi n° 2004-1338 du 8 décembre 2004 relative à la protection des inventions biotechnologiques transpose la directive 98/44/CE du Parlement européen et du Conseil du 6 juillet 1998. Cette loi précise que les inventions portant sur un produit constitué en totalité ou en partie de matière biologique, ou sur un procédé permettant de produire, de traiter ou d’utiliser de la matière biologique, sont brevetables sous certaines conditions. Elle exclut cependant les procédés biologiques pour l’obtention d’animaux ou de végétaux, ainsi que les procédés visant à modifier l’identité génétique d’un animal de manière à provoquer des souffrances inutiles.

En conclusion, la reproductibilité des inventions biotechnologiques est un critère essentiel mais complexe, qui nécessite une approche rigoureuse et adaptée. L’OEB continue de développer sa pratique et sa jurisprudence pour répondre aux défis posés par les systèmes vivants, tout en garantissant que les brevets reflètent une réelle contribution à l’état de la technique.


En savoir plus sur Invention - Europe

Abonnez-vous pour recevoir les derniers articles par e-mail.

C'est à vous !

search previous next tag category expand menu location phone mail time cart zoom edit close