Tout le monde en parle sans vraiment savoir de quoi il retourne, et chacun y succombe à son insu. En pleine mutation, l’univers du design a ses règles esthétiques, mais il reste à mieux fixer celles concernant sa protection.
Aborder le domaine du design peut parfois intimider tant il semble complexe et monolithique pour celui non encore été initié à ses arcanes. Ce mot générique regroupe en fait diverses catégories qui se rapportent au graphisme, à l’industriel, ou à l’environnement. Plus récemment, on note l’émergence de classifications liées au produit, à l’électronique et au Web, dernier-né de la famille.
Les intérêts des sphères auxquelles le stylisme se rapporte étant tout autant diversifiés, les spécialistes se posent eux aussi des questions. Les académiques s’interrogent sur le bien-fondé de son universalité, notamment face à la diversité des cultures. Les pragmatiques voudraient savoir si on peut l’intégrer à l’entreprise. Comment alors gérer la partie innovation, défendre les créations et quelle approche tenir face à son management ? Les professionnels (consultants, designers indépendants, agence de designers, département de design intégré dans l’entreprise, service marketing, agence de communication, agence de développement de Web design, agence de conception, de développement et de lancement de produits) se questionnent quant à eux sur la création d’un code international de surveillance des acteurs en présence (surveillance qualité).
Très tendance
Le design a le vent en poupe et se développe malgré les difficultés économiques. La profusion des concours, projets et autres forums de recherches le prouvent. Face à une « laideur qui se vend mal », à une constante évolution des technologies, à une exigence accrue – et justifiée – du consommateur, se profile un constat : nombre de produits très ciblés séduisent uniquement par leur look.
Cet « air de famille » tend à représenter la carte de visite de l’entreprise, une sorte d’élément distinctif et immatériel… si cher au secteur des droits de propriété intellectuelle. A cette observation, se rajoute un dénominateur commun. Si un bon produit se vend bien – car il répond parfaitement à un besoin précis à un moment donné -, un beau produit se vend mieux. Surtout dans cette culture naissante où le paraître et la beauté des individus sont sérieusement quantifiés.
Les règles du jeu
Obtenir des données statistiques sur le design relève de la gageure puisque, justement, il n’a pas de réalité délimitée. Une difficulté qui fait d’ailleurs le charme et l’intérêt de ce monde fluctuant d’acteurs sociaux et économiques, dont les natures et aspirations diffèrent. Le seul leitmotiv commun est la recherche d’une esthétique appliquée à un produit (objet, industrie), à un lieu (résidence, magasin), ou à un concept plus abstrait (site Web, informatique, manga).
Pour corroborer le tout, les professions, parcellarisées et éparpillées, se fondent dans d’autres professions. C’est sans doute la raison pour laquelle chaque pays ne compte pas moins d’une vingtaine d’associations dont les membres partagent soit un même centre d’intérêt, soit une spécialité technique (design médical). Des lieux d’échanges témoignant d’une profusion d’idées, d’innovations et de concours. Par exemple, le Fedrigoni UK lance en septembre 2002 le « 2002 Imaginative paper awards ». En France, le Ministère de l’Industrie a lancé deux études : une sur les pratiques du design en PMI, une autre sur l’offre de design (agences et free lance ). Les résultats seront disponibles et devraient être communiqués au public lors de la remise des prix de l’Observeur du design qui aura lieu courant du novembre à Paris.
Qu’ils soient internationaux ou locaux, ces groupements visent toutefois à s’universaliser. Leurs réseaux et leur interopérabilité sont denses et, même si chacun reste attaché à son objectif premier, des pistes communes de réflexion s’établissent. Le thème choisi par le congrès de l’Icsid : « Fruit de l’expérience, le design entre l’innovation technique et l’amélioration du service vis-à-vis de l’utilisateur final » (Titre original : Reflecting experience, design between industrial innovation and enhanced user services) reflète bien cette tendance. L’ergonomie deviendrait-elle une composante à part entière de la recherche ? L’International Council of Societies of Industrial design regroupe, depuis sa création (1957) plus de 150 000 membres designers professionnels venant de 150 associations nationales de 53 pays. Le prochain congrès se déroulera à Hanovre, du 8 au 10 septembre 2003.
De son côté, le Design Management Institute organise son prochain congrès autour de la question « Comment réunir à la fois le design, la stratégie d’entreprise et les questions technologiques, tout en cherchant des opportunités pour réussir dans le monde complexe auquel nous sommes confrontés » (Titre original : How do you meet the challenge of fusing design, strategy and technology and find opportunities for success in the complex word we are all confronted with ?). Vaste programme pour des professionnels conscients des dures réalités du marché…
L’âge de raison
Loin de s’endormir sur leurs acquis, les protagonistes cogitent et s’agitent. Le dessin ou modèle n’est plus le petit frère du brevet, il devient majeur. Enfin ! L’Union européenne est consciente de ce mouvement. Encore utopique il y a deux ans, le modèle communautaire est presque devenu réalité. Depuis que le règlement sur les dessins et modèles communautaires a été adopté par le Conseil en décembre 2001, les modèles industriels divulgués ont été protégés à dater du 6 mars dernier.
Mais le plus intéressant reste à venir : désormais, il sera possible pour les designers-créateurs et entreprises innovantes de déposer une demande auprès de l’OHMI. Cela leur permettra de s’assurer du droit d’utilisation exclusive de leurs créations et donc de s’armer contre les imitations serviles et autres contrefaçons. La date des premières demandes d’enregistrement de modèle communautaire enregistré n’est pas encore connue, mais l’OHMI se prépare activement afin de pouvoir recevoir les dépôts dès le début 2003.
Comme une bonne nouvelle n’arrive jamais seule, le site Internet de la société américaine de gestion des copyrights vient d’ouvrir au public. Les opérations de gestion (prise de licence, photocopie électronique d’ouvrages, calcul des paiements de droits d’auteur ou copyright) sont maintenant facilitées par ce serveur(1). Et Eurêka(2), le portail conçu pour les PME-PMI, vient également de mettre à leur disposition les informations concernant l’innovation. Tout un ensemble de protections qui, au final, aideront le design à passer du stade abstrait au concret, mais toujours en nous séduisant…
1. Copyright clearance centre inc.
www.copyright.com
2. Eureka, European network for market orientated R&D.
www.eureka.be
Cecile Barrio
Division Dessins et Modèles
OHMI (Office de l’Harmonisation dans le Marche Interieur)
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