R&D : l’Asie mise sur son réservoir de talents


Les pays d’Asie possèdent des réservoirs de jeunes cerveaux 5 fois plus importants que ceux de l’Europe et des États-Unis.

En 2010, la Chine comptera plus de 136 millions de jeunes âgés de 18 à 23 ans contre 133 millions en Inde. A la même date, l’Europe et les États-Unis ne compteront chacun qu’environ 27 millions d’adultes dans cette classe d’âge. Si l’on s’en tient à ces indicateurs les deux géants asiatiques vont dominer largement les puissances occidentales dans la course à l’économie de la connaissance que promettent tous les experts. Tous deux possèdent une richesse incomparable et pratiquement inépuisable : un réservoir de jeunes cerveaux 5 fois plus important que celui de l’Europe et des États-Unis. A priori, ils paraissent donc mieux armés pour assurer la relève des chercheurs et des ingénieurs en poste dans les laboratoires et les entreprises de haute technologie. « Le nombre d’étudiants dans l’enseignement supérieur est un indicateur de performance très significatif à l’heure où la concurrence entre les économies est basée sur la connaissance », indique le rapport publié cet été par la National Science Foundation (NSF) américaine (*).

L’organisme américain s’est surtout intéressé à l’impact des facteurs démographiques sur le secteur des hautes technologies. Les économies asiatiques, déjà championnes du monde de la production « low cost », vont-elles devenir les bureaux d’études du XXIe siècle, comme l’annoncent de nombreux observateurs ? Les pays occidentaux (États-Unis, Europe et Japon) vont-ils être débordés par les bataillons de découvreurs asiatiques ambitieux et infatigables ? « Le nombre de personnes dans le monde possédant un niveau d’éducation supérieur a triplé depuis les années 1980. Mais c’est en Asie que la progression a été la plus rapide », constate le document américain.

Un binôme éprouvé

L’enquête prend en compte les stratégies d’une dizaine de pays de la zone (**). La Chine et l’Inde sont naturellement les colosses qui inquiètent le plus l’Occident. Mais les petits dragons, comme Singapour, la Corée du Sud ou Taïwan, sont devenus des acteurs qui comptent dans le monde de la recherche. Le Japon reste la puissance dominante de la région, mais Tokyo se fait peu à peu grignoter par ses voisins. L’Inde forme presque autant de docteurs en sciences et en ingénierie (6.318 en 2003) que les Japonais (7.581) et la Chine en produit 50 % de plus (12.238). La Corée du Sud a également doublé le nombre de ses thésards en une dizaine d’années (3.192 en 2003, contre 1.421 en 1993).

Tous ces pays affichent des ambitions s’appuyant sur un binôme éprouvé : la formation des jeunes et des investissements massifs dans les nouvelles technologies. En fait, à quarante ans d’écart, la Chine, la Corée du Sud et Taïwan et les autres reproduisent à peu de chose près la stratégie gagnante qui a propulsé le Japon à la tête des puissances technologiques dans les années 1960.

Sur un point au moins, l’Europe n’est pas distancée. Le Vieux Continent reste la première pépinière du monde en nombre de doctorants en sciences et en ingénierie : près de 42.000 par an, soit largement plus que les États-Unis (29.000) et que l’ensemble des pays d’Asie (environ 25.000). Selon le rapport américain, en 2020 l’Inde aura repris le dessus sur son voisin du nord. Delhi devra alors gérer une imposante population de plus de 139 millions de jeunes en âge d’accéder, voire de revendiquer, un accès à l’enseignement supérieur et aux fonctions qui vont avec. Pénalisé par son système d’enfant unique, la Chine aura chuté à moins de 109 millions d’adultes de la même classe d’âge. A cet horizon relativement proche, la comparaison avec les pays occidentaux est encore plus éloquente. Dans treize ans, il n’y aura plus que 25,5 millions d’Européens et 26,7 millions d’Américains dans cette tranche d’âge supposée engendrer les « découvreurs de demain ». La montée en puissance de l’Asie se vérifie aussi, mais dans une moindre mesure, dans la production des publications scientifiques.

Priorité aux applications

Entre 1988 et 2003, la part des 10 pays est passée de 11 % à 19 % du total mondial. Certes l’Europe (32 %) et les États-Unis (30 %) sont encore largement en tête du hit-parade, mais la tendance est en faveur des nouveaux entrants. Le Japon reste maître chez lui, mais il se fait lentement rattraper par la Chine. Selon le magazine américain « Nature Nanotechnology », en 2006, la Chine pointait ainsi au troisième rang mondial dans le secteur des nanosciences (derrière les États-Unis et le Japon, mais devant l’Allemagne). La Corée du Sud se situait au huitième rang dans ce même classement. Mais, au pays du Matin-Calme, le scandale Hwang (***) a jeté le soupçon sur toute la communauté scientifique du pays.

En termes d’exportation de produits de haute technologie, l’Europe des 15 mène toujours le bal avec plus de 32 % du total mondial devant les États-Unis (16 %). La Chine pointe désormais à la troisième place avec 11,8 % du total et devance le Japon (8,6 %) et Singapour (5,7 %). En une dizaine d’années, l’empire du Milieu a pratiquement doublé sa part du gâteau. La Chine produit ainsi 70 % des photocopieurs et 55 % des lecteurs de DVD du monde, la plupart du temps à partir de technologies importées. Ces succès se sont construits au détriment de l’Europe (qui a perdu 5 points), du Japon (en recul de 7 points) et des États-Unis (qui ont lâché 8 points).

Reste, enfin, le nerf de la guerre : les budgets de R&D. En 2003, l’Asie des 10 dépassait l’Europe des 25 (229 milliards de dollars contre 210 milliards, totaux des dépenses publiques et privées). Le mode de calcul de ces montants (parité de pouvoir d’achat) est toutefois contesté par certains observateurs. Selon la NSF, la croissance des budgets de R&D est actuellement de l’ordre de 8,7 % par an en Asie, contre 5,4 % en Europe et 6 % aux États-Unis. En termes de dépenses rapportées au PIB, l’Asie a également dépassé l’Europe. La Corée du Sud et Taïwan font désormais partie des champions du monde avec plus de 2,5 % du PIB consacré à la recherche et au développement.

(*) Asia’s Rising Science and Technology Strength : Comparative Indicators for Asia, the European Union and the United States.

(**) Chine, Inde, Indonésie, Japon, Malaisie, Philippines, Singapour, Corée du Sud, Taiwan et Thaïlande.

(***) Un chercheur coréen compromis dans une fraude scientifique dans le domaine des cellules souches.

Auteur : Alain PEREZ

Source : www.lesechos.fr


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