Le 1er mai 2008, une étape importante pour amplifier la croissance par l’innovation a été franchie : l’accord de Londres, qui permet une diminution sensible des coûts d’obtention du brevet européen, est entré en vigueur. Grâce à une simplification des obligations de traduction, le brevet européen est désormais plus accessible aux entreprises et particulièrement aux PME, écrivent Charles Beigbeder, président de la Commission recherche, innovation et nouvelles technologies du Medef, et Thierry Sueur, président du Comité propriété intellectuelle du Medef.
L’accord de Londres a permis, dans tous les milieux économiques, politiques et académiques, grâce à de nombreux rapports, des auditions publiques, des débats au Parlement et même une décision du Conseil constitutionnel, de montrer l’intérêt de tirer le meilleur parti de la propriété intellectuelle.
L’accord de Londres est un atout dans le jeu de l’innovation gagnante qui profite à tous les acteurs et partenaires de l’innovation, aux entrepreneurs comme aux chercheurs, à l’Europe comme à la France. Les grandes entreprises, qui déposent déjà près de 40 % des brevets d’origine européenne, déclarent avoir l’intention d’affecter prioritairement ces économies à leur programme de recherche et de développement. Les centres de recherche sont, quant à eux, convaincus qu’une telle réduction des coûts augmentera le nombre de leurs dépôts et leur permettra de s’assurer d’une protection de leurs inventions dans un plus grand nombre de pays européens.
Les PME et les inventeurs indépendants, enfin, pourront désormais opter pour une stratégie plus offensive de conquête des marchés et ne plus se confiner, lorsqu’elles lancent un produit nouveau, à leur marché national, souvent insuffisant pour amortir les investissements nécessaires et compenser les risques. Un nouvel équilibre, propice à l’innovation et à la croissance est donc créé.
Par cet acte de modernisation de l’économie qu’a représenté la ratification de l’accord de Londres, la France témoigne de sa considération pour le rôle stratégique du brevet et le service qu’il doit rendre à ses principaux utilisateurs, au premier rang desquels figurent majoritairement les entreprises.
Les débats suscités par les réformes du brevet au niveau national ont été l’occasion de donner à l’entreprise une plus juste place dans la gouvernance de la propriété intellectuelle. Le brevet ne peut pas être le domaine réservé de quelques experts pointus. Une filière de conseils et de spécialistes en propriété industrielle forte et clairement identifiée est une nécessité dans notre pays, mais la stratégie de brevet est au premier chef une affaire d’entrepreneurs. Une vaste campagne de promotion du brevet, fondée sur les avantages financiers qu’offre l’application de l’accord de Londres, doit d’ailleurs être engagée auprès des PME pour augmenter le nombre de dépôts de brevets et permettre à la France de mieux défendre ses innovations.
En effet, seulement 6 % des brevets européens sont aujourd’hui d’origine française. Le Medef est tout disposé à apporter son concours au ministère de l’Industrie et à l’INPI pour la mise en œuvre et le succès de cette campagne, notamment dans le cadre de son Tour de France de l’innovation. Plus généralement, le Medef entend, par ses propositions et ses actions, poursuivre sa contribution aux projets d’amélioration du système européen des brevets, formidable outil de circulation des savoirs, de négociation économique, d’animation et de gestion d’une économie de la connaissance.
Que reste-t-il à faire ? La rentabilité économique du brevet européen est aujourd’hui limitée par l’absence d’une structure judiciaire adaptée et donc efficace. En effet, l’entreprise qui veut faire valoir son brevet se retrouve en face d’une mosaïque de tribunaux nationaux dont les décisions pour un même brevet sont parfois contradictoires. De telles contradictions créent une forte incertitude juridique qui nuit gravement à l’activité des entreprises françaises et européennes et à l’économie tout entière. Il est donc indispensable que l’Europe se dote d’une juridiction européenne unique pour régler les litiges portant sur des brevets européens. Cette grande idée, à laquelle les entreprises sont fortement attachées, a été relancée par la Commission européenne l’année dernière et les présidences successives de l’Union, allemande, portugaise et maintenant slovène, ont posé des fondations solides pour une telle juridiction.
De nombreuses et difficiles questions restent néanmoins à résoudre. La légitimité de notre pays en la matière est forte et il est donc essentiel pour les entreprises que la France mette à profit sa présidence pour faire progresser ce dossier et arriver à un large accord au sein du Conseil européen sur une organisation efficace de cette juridiction et des règles claires de fonctionnement et de procédures. Bien entendu, le couronnement de l’édifice demeure l’avènement d’un véritable brevet communautaire, un brevet unique pour l’ensemble du territoire de l’Union, comme le prévoyait le programme de Lisbonne. Or, malgré les demandes réitérées de l’ensemble des entreprises européennes, le processus de création de ce brevet communautaire est en panne. Il sera donc important de mettre à profit l’élan acquis par la mise en place de la juridiction européenne des brevets, qui, si elle est un progrès essentiel pour le brevet européen actuel, est également un préalable indispensable à la création du futur brevet communautaire.
Là encore, le rôle de la France est crucial pour sortir ce projet de l’ornière et poser les bases d’un accord politique pendant sa présidence. L’Europe et ses entreprises attendent beaucoup de la France dans ce domaine où les enjeux pour la place de l’économie européenne dans la compétition internationale sont immenses. La création d’un brevet unitaire est aussi essentielle au marché unique que la création, avec l’euro, d’une monnaie commune. Il permettrait une plus large diffusion des innovations sur le marché, comme la monnaie unique facilite les échanges commerciaux des biens et services. Dans la dynamique du brevet simplifié, restons exemplaires pour l’innovation et œuvrons désormais dans le même esprit de réforme et d’efficacité, pour un système européen des brevets plus unifié.
Auteurs : Charles Beigbeder, président de la Commission recherche, innovation et nouvelles technologies du Medef, et Thierry Sueur, président du Comité propriété intellectuelle du Medef.
Source : www.latribune.fr
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