Depuis plus de dix ans, Ralph Wicky cherche le soutien de banques et d’investisseurs pour mettre sur le marché des pots de fleurs biodégradables. Récit du parcours d’un combattant qui ne veut pas se résigner.
Remplacer le plastique des pots de maraîchers par un matériau biodégradable et compostable : l’idée lui est venue il y a vingt ans déjà, alors qu’il commercialisait en France, Allemagne et Suisse, les premiers sacs poubelles fabriqués à partir d’amidon de maïs. « Le plastique est fabriqué avec du pétrole, qui sera de plus en plus rare et de plus en plus cher. Ce plastique est un déchet polluant : soit il est incinéré et produit des dioxines, soit il finit sa course dans la nature, sans jamais être dégradé », dit Ralph Wicky.
Avec Eurotek, sa société établie à Saint-Louis, il a passé deux ans à mettre au point un nouveau matériau entièrement compostable dans la terre, composé à 65 % de fibres de chanvre et à 20 % d’amidon de maïs. « Un matériau vraiment innovant, souligne-t-il. Il résiste à l’eau, se décompose au contact de la terre, en 50 à 60 jours, quelles que soient les conditions d’humidité et de température. Il permet de valoriser les tiges de chanvre habituellement brûlées. Il évite de sacrifier des terres arables destinées à produire de la nourriture. »

Ralph Wicky et ses pots pour l’horticulture et le maraîchage, en chanvre et maïs : « Un produit biodégradable, trop innovant pour obtenir des financements bancaires. »
Après deux années de recherches dans le laboratoire d’une société italienne, le mélange de fibres était au point. 4 000 pots échantillons étaient prêts pour les présenter aux maraîchers et horticulteurs. Le brevet était déposé en France, et à Berlin pour l’Europe. Mais là, première surprise : « Je découvre que le brevet européen n’existe pas vraiment, malgré une cotisation annuelle de 1 500 €. Il faudrait déposer un brevet dans chaque pays de l’Union européenne, non sans avoir fait traduire le dossier dans toutes les langues. Cela coûte une fortune : quelque 500 000 € pour l’union européenne, 260 000 € pour les États-Unis. Inaccessible pour un particulier ou une petite entreprise. »
Autres écueils : trouver les machines d’injection adaptées à ce nouveau matériau et les fonds pour lancer une ligne de fabrication. Ralph Wicky estime à 1 million d’euros l’investissement nécessaire pour fabriquer 10 à 15 millions de pots par an.
L’inventeur entreprend alors une longue tournée des banques et des organismes de soutien à l’innovation. « J’ai été soutenu par l’Anvar, aujourd’hui Oseo, par le Centre européen d’entreprise et d’innovation Alsace, par les Business angels. Tout le monde applaudissait. Mais l’un demandait des précontrats pour apporter son aide, l’autre un nouveau businessplan. Ces organismes qui ont des fonds européens et français pour soutenir l’innovation posent comme préalable le soutien des banques. Et celles-ci, toujours plus frileuses, exigent trois années de production avant d’accorder un prêt. C’est le chat qui se mord la queue. »
Ralph Wicky a aussi approché des investisseurs. « J’en ai rencontré dans toute l’Europe. Toujours très intéressés, mais jamais prêts à reconnaître mon travail. J’ai passé des milliers d’heures sur ce projet et dépensé plus de 100 000 €. Et de très grandes entreprises me proposent 5 000 € pour avoir la licence. D’autres veulent être actionnaires majoritaires. »
À 62 ans, il n’a plus le sou, mais ne désespère pas de trouver une solution satisfaisante : « Le marché est énorme, estimé à 25 milliards de pots par an dans toute l’Europe. » Avec un prix du pétrole qui ne fait que grimper, avec une législation européenne qui impose de réduire les déchets et de présenter des plans d’élimination, avec une demande grandissante en produits bio, Ralph Wicky est confiant dans la pertinence de son projet. « Face aux délocalisations, au chômage, seul le développement de produits vraiment innovants sauvera l’Europe. D’autres inventeurs en Alsace sont dans la même situation que moi, confrontés à des financeurs qui jugent les projets trop risqués car trop innovants. Avec un million d’euros, je crée immédiatement 20 à 30 emplois. »
Auteur : Élisabeth Schulthess
Source : www.lalsace.fr
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