La Chine peut faire beaucoup mieux en matière de propriété intellectuelle. Les industriels suisses voulant s’y implanter doivent en tenir compte.
La protection de la propriété intellectuelle reste la préoccupation majeure des entreprises dans un certain nombre de régions du monde. C’est le cas notamment en Chine, à l’origine de la plupart des contrefaçons (productions frauduleuses). Les entreprises suisses désireuses d’investir dans l’Empire du Milieu risquent encore toujours de voir leurs technologies, marques ou modèles copiés. Avant de s’exécuter, elles seraient donc bien inspirées de définir une stratégie de protection de leur propriété intellectuelle. C’est en tout cas ce que ne cesse de leur rappeler Felix Addor, directeur adjoint de l’Institut fédéral de la propriété intellectuelle (IPI) à Berne. Sa recommandation vaut aussi pour les PME, dont il observe qu’elles ont souvent un comportement naïf sur le marché chinois. Car, en Chine, on n’a droit qu’à une seule tentative pour défendre sa propriété intellectuelle, déclare-t-il en substance. Celles qui le font trop tard ou insuffisamment, précise-t-il, finissent en général devant les tribunaux, risquent même des amendes dans le pire des cas, ce qui met amèrement fin à leur aventure chinoise.
Le seul remède efficace contre les mauvaises surprises consiste à consulter un avocat suisse spécialisé dans la protection industrielle et à définir avec lui une stratégie adéquate. Il convient en outre de prendre l’avis d’un spécialiste sur place qui connaît les habitudes, les lois et, last but not least, les fonctionnaires chargés du dossier. Le coût de ces précautions indispensables se justifie en général pleinement. Ce que Me Martin Bader, du BGW Management Advisory Group de Saint-Gall, traduit comme suit : l’utilité d’une bonne stratégie dépasse son coût à long terme. Car quiconque possède un produit promis au succès commercial doit s’attendre tôt ou tard à être contrefait en Chine. Mais les dispositions légales ne sont jamais plus efficaces que les tribunaux qui les appliquent. Les entreprises décidées à travailler en Chine doivent par conséquent prendre un certain nombre d’autres mesures avant de se lancer.
Règle de base : il ne faut surtout rien révéler qui présente pour l’entreprise une importance existentielle. On sait que dans un certain nombre de secteurs – ceux que la République populaire entend promouvoir – l’accès au marché n’est possible aux investisseurs étrangers que par le biais de joint ventures obligatoires. Cette collaboration forcée entraîne un transfert de savoir des entreprises étrangères vers les entreprises chinoises qui sont en partie des entreprises étatiques. Sont concernés par ce transfert la recherche et le développement, les processus de production, les structures organisationnelles, les stratégies de marketing et les produits. Souvent, le cœur innovant des entreprises se situe dans le produit lui-même ou dans sa fabrication.
La stratégie du secret est une mesure de précaution confirmée. Elle permet de protéger les innovations existentielles. Un constructeur de machines fabrique par exemple les parties innovantes dans le secret absolu en Suisse et le reste en Chine. Felix Addor ose qualifier d’essentielle l’obligation d’opérer une stricte séparation entre recherche-développement et production sur le plan organisationnel comme sur le plan géographique et de ne surtout pas rendre publiques les inventions centrales.
Autre aspect important, souvent sous-estimé : la politique du personnel. Le groupe industriel ABB essaie de réduire autant que possible les fluctuations de main-d’œuvre dans ses ateliers chinois. Car il est parfaitement conscient du fait qu’avec un collaborateur qualifié un savoir acquis quitte toujours l’entreprise.
La protection industrielle en Chine est encore jeune. Même si les Chinois sont ceux qui ont le plus augmenté leurs demandes de brevets (11,1%) à l’Office européen des brevets (OEB) en 2011. Un nouveau droit des brevets, inspiré de l’exemple allemand, est en vigueur en Chine depuis 2009.
Quelle que soit la protection légale, chaque entreprise doit évaluer pour son compte ses chances de succès sur le marché chinois. Et, en tant que détentrice de brevets, être prête à défendre ses intérêts contre les profiteurs devant les tribunaux. La confiance dans le système juridique chinois n’existe toujours pas. De fait, la frustration des entreprises européennes est moins due à la législation chinoise qu’à la façon dont elle est appliquée par les autorités du pays.
Auteur : Henri SCHWAMM, Université de Genève
Source : www.agefi.com
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