Lancé fin mai en France, le leader du crowdfunding, pourvoyeur de belles histoires, bénéficie d’une aura mondiale. Mais la machine Kickstarter, véritable outil marketing pour jeunes entreprises prometteuses, ne s’emballe que si on sait bien la manier. C’est un peu le passage obligé de toute entreprise en croissance. Démarrer une campagne Kickstarter et attendre sagement que la notoriété et les euros pleuvent.
Bercés par les récits de levées de fonds fulgurantes, les entrepreneurs sont de plus en plus nombreux à sauter le pas du crowdfunding. Après l’ouverture, le 27 mai, de la version française de Kickstarter, les communiqués de presse et les articles sur les start-up pas peu fières d’avoir bouclé leur tour de table en à peine 48 heures se sont multipliés. Beaucoup de projets français ont réussi à dépasser leurs prévisions de départ en un temps record, laissant à penser que faire un « carton » sur ce site était facile. Avec sa force virale et son audience colossale, Kickstarter a des allures de route vers le jackpot. Mais qui peut le toucher? A priori, comme pour le bon vieux rêve américain, c’est ouvert à tout le monde.
Le site dit vouloir soutenir les petits projets créatifs et innovants en faisant du vote et des dons de la foule les seuls juges. Mais en regardant de plus près les profils des candidats qui cartonnent, on ne trouve pas que des débutants. Comme l’avait montré cet article de Wired en février 2015, après le succès de la montre Pebble (article ici), Kickstarter accueille de plus en plus d’entreprises déjà confirmées qui utilisent le site pour tester le marché auprès du grand public et lancer la pré-production d’un objet innovant grâce aux fonds levés. Kickstarter génère un trafic monstre, c’est un peu la seconde étape après la love money, quand on veut tester son produit et le faire connaître d’un large public.
Mais cette force de frappe ne se décuplera que si elle s’appuie sur une solide préparation, un réseau fourni et une notoriété bien établie. Ce peut être le fait d’avoir été, précédemment, repéré par Google et d’avoir donc fait l’objet de nombreux articles. Cela peut être aussi d’avoir participé à un salon professionnel et d’y avoir présenté son prototype à des dizaines de contacts. Ou encore d’avoir profité de la tournée que le CEO de Kickstarter a faite en France quelques mois avant le lancement de son service dans l’hexagone pour lui mettre le produit entre les mains.
Bénéficier du label « Financé sur Kickstarter » constitue un gage incontestable de réussite pour les start-up, un bel élément de story-telling qui peut aider l’accès aux financements. « C’est un excellent outil de communication pour une entreprise en croissance, qui permet de toucher un très grand nombre de clients potentiels en un temps record », conclut Jean-Baptiste Hironde.
Une combinaison de chance, de travail et de notoriété préalable semble donc nécessaire pour faire tomber les dollars. Car le seul facteur chance ne suffit pas. Les campagnes estampillées « Kicstarter Staff Pick » propulsent des objets sur le devant de la scène et donnent un vrai coup de pouce mais, selon les premiers intéressés, il faut se battre pour y arriver. « C’est un peu comme sur l’App Store, les applis mises en avant sont celles qui font le plus de recettes ou de buzz ou celles qui sont susceptibles de faire parler et de plaire. Présenter des produits ou des projets cools et innovants fait partie du travail de Kickstarter. »
Un art pour saisir l’air du temps plus que le pur hasard. Bien sûr, il y aura toujours des histoires aussi délirantes que celle de la salade de pommes de terre (article ici), cas d’école du buzz made in Kickstarter, mais sa probabilité de réalisation est celle d’un gain au Loto. « Certains bons produits échouent et d’autres, moins intéressants, cartonnent mais ça, ça n’est pas propre à Kickstarter. C’est la dure loi du business et les impostures tiennent rarement », conclut Olivier Ezratty, persuadé du bon sens d’un écosystème qui ne couronnera que celui qui aura été capable d’allier produit de qualité et campagne marketing intelligente.Voilà qui est rassurant.
Source : L’Entreprise