Depuis quelques mois, Erik Kermorvant, prof de maths costarmoricain de 47 ans, commercialise son invention : l’« Eker ». Testée et approuvée par plusieurs classes d’école, cette équerre en forme de « L » (et non pas de triangle) vise à faciliter la vie des écoliers. 1.125 exemplaires se sont écoulés en deux mois.
« Petit, mes copains m’appelaient » l’ingénieur » », sourit Erik Kermorvant, sous le regard amusé de Marie, sa fille de 9 ans. À 47 ans, ce prof de maths créatif affectionne toujours les inventions. Il a ainsi installé chez lui, à Plérin (22), un fil à linge qui disparaît quand on ne s’en sert pas (« Il est rétractable, comme les laisses pour chiens »). Il a aussi réfléchi à un outil pour retrouver les clés ou les doudous égarés… Mais depuis mars 2014, les trouvailles de ce formateur à l’Espé (École supérieure du professorat et de l’éducation) de Saint-Brieuc ne se limitent plus au cercle domestique. Lors d’une formation, des enseignants lui ont demandé s’il existait un outil pour éviter les difficultés des élèves avec les équerres. Les enfants confondent les angles, le trait de leur crayon dépasse au-delà de l’angle droit, qui est souvent un peu arrondi…
Une première Eker sur imprimante 3D
L’idée d’Erik Kermorvant : créer une équerre en forme de « L ». Adieu l’hypoténuse (le plus grand côté du triangle rectangle) ! Les élèves ne peuvent plus se tromper d’angle, puisqu’il n’y en a plus qu’un. La graduation débute pile dans l’angle droit, contrairement à certaines équerres. Enfin, les enfants peuvent utiliser le côté interne du « L » et éviter l’effet arrondi de l’angle droit. « J’ai d’abord acheté des équerres de fenêtre en métal en forme de » L » et j’ai collé du papier millimétré dessus mais la précision n’était pas suffisante ». Le prof se tourne alors vers l’IUT de Saint-Brieuc, qui lui suggère de protéger son idée et d’utiliser les imprimantes 3D du Fab Lab (*) Saint-Brieuc Factory. En mai 2014, les « Eker » ainsi créées sont testées en classe de CM1 dans l’école de la jeune Marie Kermorvant, Port Horel, à Plérin. Conclusion des enseignants : cette équerre devrait devenir la règle. Ils soulignent « un tracé plus net, un gain de temps dans le positionnement de l’équerre et le tracé de l’angle ». Quant aux réflexions des élèves : « L’Eker est bien mais un peu petite », « elle est plus pratique », « elle tourne dans tous les sens », « il n’y a pas les millimètres », « on ne voit pas les traits à travers »…
« Les entreprises sont frileuses »
En septembre 2014, le prof de maths crée donc une Eker transparente, plus grande et avec des millimètres. Elle est testée en CE2 dans des écoles de Trégueux (22) et Boquého (22). L’essai est concluant et l’enseignant décide de démarcher les entreprises pour la fabriquer. « Au début, je voulais produire en Bretagne. » Mais Erik Kermorvant essuie de nombreux refus. « » Ça va coûter trop cher « , « On ne va jamais en vendre « … Les entreprises sont frileuses pour tenter quelque chose de novateur », déplore l’inventeur. Une société jurassienne de cinq salariés accepte finalement de produire l’Eker. « Son dirigeant m’a dit : » Je me fais concurrencer par les Chinois. Il faut que je trouve quelque chose de novateur pour maintenir mon activité. » Quelqu’un m’a conseillé de produire en Chine, mais mon objectif n’est pas de faire de l’argent sur le dos des gens. »
Des idées d’inventions plein la tête
La production a débuté en octobre dernier. Les deux premiers mois, 1.125 Eker sont vendues, entre 1,80 et 4 €, sur le site www.objetdecobois.com. « C’est un bon début », commente le concepteur.
Pour multiplier les diffuseurs, Erik Kermorvant doit désormais diminuer sa marge. « Elle est déjà inférieure à 30 %. Il faut réduire notre coût de production. On n’est qu’au début de l’aventure. » L’enseignant bénéficie d’un autre coup de pouce de l’IUT de Saint-Brieuc : un groupe d’étudiants en techniques de commercialisation va travailler sur le développement commercial de l’Eker. « C’est tout nouveau, je découvre l’entrepreneuriat. Il faut du temps, de l’énergie. Il faut y croire. C’est intéressant mais ce n’est pas mon métier.
Je ne changerai pas ! » Pour autant, l’enseignant a des projets en tête : « Un rapporteur ; une Eker de tableau, en bois ; une règle en demi-ellipse pour inciter les enfants à mettre les doigts au milieu et pas sur le côté ; une » Xeker « , qui permet de faire des perpendiculaires, des symétriques ou des médiatrices… Ça m’a donné envie de diffuser des idées que j’avais déjà. » « L’ingénieur » n’a pas fini de nous surprendre.
* Lieu où le public peut utiliser des outils, notamment des machines pilotées par ordinateur.
Auteur : Alix Froissart
Source : www.letelegramme.fr