ENQUETE – Contrats critiqués, luttes d’influence, stratégie floue… Deux ans après sa création, l’AID, qui organise le Forum Innovation Défense du 2 au 4 décembre, n’a pas vraiment trouvé sa place dans l’écosystème militaire.
Nom de code : Brain. Présenté en avril 2019 au salon Sofins, le grand raout des forces spéciales organisé sur le camp de Souge (Gironde), ce drone unique au monde avait impressionné industriels et opérationnels. Développé par la start-up bordelaise Robotics Industry avec le soutien de Thales et du 13e régiment de Dragons parachutistes (13e RDP), cet engin multi-milieux peut être doté, au choix, de rotors pour en faire un drone de reconnaissance, de roues pour en faire un drone terrestre, d’un bras articulé pour les missions de déminage, ou même de flotteurs pour le transformer en drone naval de surface. « C’est sept drones en un seul, résume le fondateur de Robotics Industry Marco Calcamuggi. Pour répondre au besoin des forces spéciales, on a conçu le drone de façon à `ce que les opérateurs puissent passer d’une version à l’autre en quelques secondes, sans outil. » Présenté à la ministre des Armées Florence Parly lors du salon Sofins, le projet n’attendait plus que le soutien de l’AID pour pouvoir être testé en opérations.
Las, le projet n’a jamais reçu les 500.000 euros demandés. Il ne sera pas non plus présenté lors du Forum Innovation Défense, organisé par l’Agence d’innovation de défense (AID) du 2 au 4 décembre. Malgré l’insistance de la start-up, mais aussi de Thales et du 13e RDP, l’AID, créée en 2018 pour accélérer l’innovation au profit des armées, a refusé à deux reprises de soutenir le projet. Robotics Industry, qui avait embauché plusieurs salariés et investi 200.000 euros dans Brain, a vu sa situation financière se dégrader, et a dû se placer en redressement judiciaire en février dernier. « J’avais trouvé un fonds d’investissement prêt à mettre 3 millions d’euros dans la société, à condition que le projet Brain soit soutenu par l’AID, raconte Marco Calcamuggi. On avait l’occasion de créer le leader européen des drones modulaires, avec un marché mondial que Thales estimait énorme. Le refus de l’AID a tout fait capoter. »

La décision de l’AID a provoqué la colère du Commandement des opérations spéciales (COS), friand d’innovation rapide, mais aussi du président de la région Nouvelle-Aquitaine Alain Rousset, soutien de la première heure de la start-up. « La situation de Robotics Industry est la conséquence d’une politique de l’Agence d’Innovation de Défense, qui n’a pas voulu suivre le financement des projets engagés avant sa création, accuse l’élu dans une lettre au mandataire judiciaire datée du 3 novembre, dont Challenges a obtenu copie. Les commandes attendues n’ont pas été engagées, alors qu’elle auraient été le levier qui aurait permis de faire rentrer des investisseurs privés. Sans ces commandes, la situation financière (de l’entreprise) s’est dégradée, avec pour conséquence sa mise en redressement judiciaire. »
« Machine à dire non »
L’AID aura-t-elle manqué de nez ? Le directeur de l’agence, Emmanuel Chiva, assure que cette sélectivité fait partie du job, vu le nombre de dossiers reçus et traités (3.530 en tout) par la centaine d’employés de l’AID. « On estime qu’on devrait avoir, chaque année, environ 400 projets au stade de l’ « idéation » pour pouvoir, in fine, en déployer une dizaine, souligne-t-il. Cela signifie que, quelque part, l’agence est une machine à dire non. Il y a beaucoup de projets éliminés.
Auteur : Florence Parly – Source : www.challenges.fr
une centaine d’employé qui coûtent un bras ! Il ne reste plus rien pour financer l’innovation, Alain Rousset est loin de son projet « Pactole » à Lacq, qui lui était si très sérieusement innovant (et vraiment rentable) qu’il n’a été compris par personne ou presque . . . .
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