Le créateur de jeux : Entre droit artistique et droit industriel


Une création à la croisée des chemins

Qu’il s’agisse de jeux vidéo, de jeux de société ou de jeux éducatifs, le créateur de jeux se trouve dans une position juridique singulière. Sa création est à la fois :

  • Une œuvre de l’esprit, protégée par le droit d’auteur (copyright)
  • Un objet industriel, susceptible d’être protégé par le droit des dessins et modèles, voire par le droit des marques

Ce statut hybride reflète la richesse du jeu comme produit culturel, artistique et commercial.

Le droit d’auteur : Protéger l’originalité

Le droit d’auteur protège les éléments originaux du jeu :

  • Le scénario, les dialogues, les règles innovantes
  • Les illustrations, musiques, textes, mécaniques narratives

Pour bénéficier de cette protection, le jeu doit être reconnu comme une œuvre de l’esprit, c’est-à-dire :

  • Formalisée (pas une simple idée)
  • Originale, portant l’empreinte de la personnalité de son auteur

Cette protection est automatique dès la création, sans dépôt nécessaire. Elle confère à l’auteur :

  • Un droit moral (paternité, respect de l’œuvre)
  • Des droits patrimoniaux (reproduction, adaptation, diffusion)

Le droit industriel : Protéger la forme et l’identité

Le jeu peut aussi être protégé par le droit des dessins et modèles, qui concerne :

  • L’apparence visuelle du jeu (plateau, cartes, pions, interface)
  • Les éléments graphiques ou ergonomiques

Cette protection nécessite un dépôt officiel, souvent auprès de l’INPI ou de l’EUIPO. Elle est utile pour :

  • Prévenir la copie de l’aspect visuel
  • Valoriser le design comme actif commercial

Le droit des marques peut également s’appliquer :

  • Pour protéger le nom du jeu, son logo, ou ses éléments distinctifs
  • Pour garantir une identité commerciale durable

Une protection distributive : Complémentarité des droits

Le jeu est souvent protégé par plusieurs régimes juridiques en parallèle :

  • Le droit d’auteur pour les éléments créatifs
  • Le droit des dessins et modèles pour le design
  • Le droit des marques pour le branding

Cette protection distributive permet une couverture complète, mais nécessite une gestion rigoureuse des droits, notamment en cas de collaboration ou de cession.

Le créateur : artiste, entrepreneur, stratège

Le créateur de jeux est souvent :

  • Auteur au sens du droit d’auteur
  • Designer au sens du droit industriel
  • Entrepreneur lorsqu’il édite ou commercialise son jeu

Il doit donc :

  • Choisir un statut juridique adapté (auteur, micro-entrepreneur, société)
  • Sécuriser ses droits par des contrats clairs
  • Anticiper les usages commerciaux et les risques de contrefaçon

En conclusion

Le statut du créateur de jeux est un équilibre subtil entre art et industrie. Il reflète la nature même du jeu : une œuvre qui divertit, qui pense, qui se vend. Pour être pleinement reconnu et protégé, le créateur doit naviguer entre plusieurs régimes juridiques, avec vigilance et stratégie.

Et si le jeu est un terrain d’expression, le droit est son terrain de protection.


En savoir plus sur Invention - Europe

Abonnez-vous pour recevoir les derniers articles par e-mail.

2 réflexions sur « Le créateur de jeux : Entre droit artistique et droit industriel »

  1. Avatar de CASSAGNE

    Il ne faudrait pas oublier, dans l’histoire, ma malheureuse tentative de vouloir s’ouvrir le « Droit d’auteur » aux inventeurs en modifiant simplement une phrase de la loi ! Certes je n’ai pas été choisi, à cause de l’appartenance du syndicat créé à la CGT. Dommage. Cette modification aurait permis d’améliorer ,vraiment le statut de l’inventeur indépendant ! Salutations Serge CASSAGNE

    J’aime

    1. Avatar de Peter TEMEY

      Bonjour Serge,

      Je fais partie de ceux qui s’opposaient à ton projet, moins en raison du syndicat lui-même qu’à cause de son volet sur le droit d’auteur.

      Concernant le syndicat, j’étais initialement favorable à sa création. Il manque un syndicat professionnel pour les inventeurs indépendants, et son affiliation à la CGT ou à d’autres organisations m’importait peu.
      Notre opposition est née de l’inclusion de l’auteur d’une invention, une notion qui n’a aucun rapport avec le statut de l’inventeur indépendant.

      Nous nous sommes également battus contre les entreprises de services qui vendaient des « Copyrights » pour des brevets d’invention internationaux, au prix d’un simple brevet national.

      Pour ce qui est de Dubois et de son groupe, j’ai subi des menaces de mort et de nombreuses procédures judiciaires. Seul Didier Ferret agissait avec une réelle conviction personnelle, et il a d’ailleurs été condamné suite à une plainte de l’INPI.

      Quand tu parles d’une simple modification de phrase, la réalité est plus complexe et tu commets une confusion. La première année d’une demande de brevet confère temporairement un droit d’auteur qui protège la rédaction de la demande, mais en aucun cas l’aspect technique de l’invention.

      La Convention de Berne ne protège absolument pas les créations techniques ; seule la Convention de Paris, via le brevet d’invention, le fait.

      Si le droit d’auteur peut avoir un parallèle pour les marques, dessins et modèles, il n’a aucune pertinence pour les créations techniques. Il y a un vide juridique total en matière de droit d’auteur pour l’aspect technique.

      Le seul parallèle possible se situe au niveau de l’enveloppe Soleau, qui ne constitue qu’une simple preuve datée.
      Par ailleurs, considérer qu’un inventeur qui réalise un prototype personnel (« son monstre », « son prototype de validation ») est une œuvre d’art et bénéficierait d’une protection automatique et juridique est impossible.

      Modifier la Convention de Berne pour y ajouter la catégorie des œuvres techniques relève d’un accord international, et ce n’est pas un syndicat qui pourrait accomplir une telle tâche.

      Si ton projet de syndicat avait été davantage axé sur les droits des inventeurs indépendants — par exemple, en proposant de prolonger la durée du brevet d’invention de 20 à 25 ans pour eux, et que ces années supplémentaires permettent de réduire les annuités des 10 premières années — cela aurait été plus concret et utile pour les inventeurs indépendants.

      Cordialement

      J’aime

C'est à vous !

search previous next tag category expand menu location phone mail time cart zoom edit close