La propriété intellectuelle a ses défenseurs en Russie


Il se trouve qu’en Russie la pensée scientifique prend souvent de vitesse les efforts que l’État déploie pour la protéger. Que les inventions ne soient pas seulement des valeurs personnelles mais également nationales qu’il est nécessaire de protéger des voleurs, on l’a compris dans le pays à la charnière des XVIe et XVIIe siècles. Alors même on s’est mis à réfléchir sur l’idée d’un système de protection de ces richesses incorporelles.

Les réflexions ont cependant été trop lentes. Les malentendus avec les découvertes et les inventions russes ont été très nombreuses au fil des siècles. Jusqu’à présent le débat ne décroît pas dans le monde pour décider qui a inventé la radio, le Russe Alexandre Popov ou l’Italien Guglielmo Marconi. Les opinions divergent également sur la machine à vapeur : les Russes sont persuadés qu’elle a été construite par Ivan Polzounov en 1765, mais l’histoire européenne attribue cette invention à James Watt. De même pour la lampe à incandescence : elle a été inventée par Alexandre Lodyguine en 1874, mais il ne l’a pas brevetée et le monde s’est vu offrir en 1879 la lampe d’Edison.

Cette triste expérience historique s’est avérée très utile. Aujourd’hui la protection des inventions et des droits d’auteurs fait l’objet de soins beaucoup plus sérieux que dans le passé.

Le contrôle de la situation est assumé par le Service fédéral de la propriété intellectuelle, des brevets et des marques (Rospatent). C’est un organe de pouvoir exécutif placé sous la tutelle du ministère de l’Enseignement et de la Recherche. C’est lui qui délivre les brevets et les certificats d’auteur.

Aujourd’hui, Rospatent travaille à la chaîne, recevant tous les ans jusqu’à 70 000 demandes de brevet et de certificats d’auteur. Ce système a ceci de particulier que la protection légale de la majeure partie des objets de propriété intellectuelle est soumise au régime d’autorisation préalable et non pas à celui de notification simple. C’est-à-dire qu’avant de délivrer un brevet ou un certificat d’auteur, les spécialistes de Rospatent procèdent d’abord à un examen de la demande quant à la forme et ensuite à un examen quant au fond. Même les marques sont soumises ici à une analyse minutieuse. D’où un personnel aussi nombreux : trois mille agents à peu près qui expertisent, trient, traitent les inventions et délivrent tous les jours jusqu’à deux milliers de titres de propriété.

Pour se faire délivrer un brevet en Russie, il faut attendre cinq à six mois. Ce qui n’est pas beaucoup, estiment les spécialistes de Rospatent, vu l’activité économique actuelle dans le monde. Mais du moment que la Russie se développe rapidement et que le nombre des demandes de titres de propriété doit augmenter de 3,5 à 4,5 fois, les ressources humaines disponibles sont manifestement insuffisantes. Rospatent a donc décidé de s’équiper de technologies avancées. Dès maintenant, un système électronique d’introduction des demandes est en cours de création. Dans l’avenir, les technologies de l’information seront présentes à chaque étape du circuit technologique

Depuis ces dernières années on a vu surgir en Russie des associations de producteurs et de structures publiques et sociales qui aident l’État à rendre ce système plus efficace. Il existe une Commission gouvernementale spécialement chargée de la lutte contre les atteintes à la propriété intellectuelle. Elle est dirigée par le premier ministre. L’année dernière, un Conseil consultatif pour la propriété intellectuelle a été créé, composé des chefs d’entreprises nationales et étrangères qui, désireux de protéger leurs produits contre le piratage, mettent en évidence les faiblesses du système russe de protection de la propriété intellectuelle et suggèrent à l’État comment il pourrait résoudre les principaux problèmes. D’autre part, les organes de l’Intérieur ont redoublé d’efforts en matière de prévention des infractions dans ce domaine délicat.

Depuis ces dernières années la législation réglementant la propriété intellectuelle a été sérieusement renouvelée. Des amendements et des additifs ont été apportés à la Loi sur les droits d’auteur et les droits assimilés, à la Loi sur les brevets de la Fédération de Russie. Une loi sur le secret commercial a vu le jour. Autant dire que la législation russe concernant la propriété intellectuelle répond dans son ensemble aux normes internationales. A ce jour, la Russie est membre de 14 des 24 accords internationaux qui intéressent ce domaine. A propos, le Code pénal russe comporte des articles spéciaux, à savoir l’article 146 traitant des violations des droits d’auteurs et l’article 147 consacré aux infractions aux droits attachés aux brevets. Le contrôle de l’application de ces dispositions est confié à une direction spécialisée du ministère de l’Intérieur.

Ce système est-il efficace ? Les lacunes sont évidemment encore nombreuses. Et pourtant, d’après le ministère de la Justice, au cours des neuf premiers mois de 2004, un millier d’actions ont été mises en mouvement et 670 personnes ont été sanctionnées. Dans la majorité des cas, elles ont été frappées d’amendes, mais des sanctions pénales ont également été prononcées sans que, il est vrai, les coupables aient été incarcérés, bénéficiant, en attendant, de peines avec sursis. Le système des procédures extrajudiciaires, administratives a également fonctionné. Pendant la même période la Chambre des litiges en matière de brevets a examiné deux milliers d’affaires portant principalement sur les moyens d’individualisation des marques. Sur ce total, il y avait deux centaines de cas de violation des droits attachés à des brevets, et les autres concernaient les revendications de marques. Ces chiffres sont trois fois plus importants que ceux constatés au cours des douze mois de 2003.

Et pourtant, les reproches adressés à la Russie au sujet du dédain manifesté par ses citoyens vis-à-vis de la propriété intellectuelle étrangère sont toujours nombreux. Par exemple, en avril dernier, la Représentation commerciale des États-Unis en Russie a demandé que des mesures soient prises sans tarder pour endiguer la production et la commercialisation de produits piratés, notamment sur support numérique, de CD et de DVD, sur le territoire du pays. Selon les dernières estimations de l’IIPA (International Intellectual Property Alliance), les pertes annuelles infligées aux titulaires de droits américains par le piratage en Russie se montent à 1 milliard de dollars. Indignés, les Américains ont même demandé la radiation de la Russie du Système général de préférences (SGP). Dans le cadre de ce système, la Russie exporte vers les États-Unis du titane forgé, de l’aluminium, des hydrocarbures, du ferro-chrome et du vanadium. Le SGP permet aux producteurs russes d’exporter vers les États-Unis des marchandises pour 430 millions de dollars par an en économisant ainsi 64 millions de dollars sur les droits de douanes (15% en moyenne).

Les griefs exposés par la Représentation commerciale des États-Unis ont été pris en considération par le gouvernement russe qui les a même inscrits dans le « Plan de mesures prioritaires de lutte contre les infractions dans le domaine de la propriété intellectuelle en Russie ». A noter que les Américains n’ont pas pu prouver leurs griefs, et la Russie aurait pu les négliger, mais la discussion a été profitable aux deux parties. Elles ont par exemple décidé, d’un commun accord, que la croissance et la baisse des quantités de produits piratés pouvaient être déterminées par le comportement du prix sur le marché d’un produit concret après la fermeture de l’usine qui l’a fabriqué.

Les Américains ont qualifié ces négociations de constructives. De l’avis du président du groupe de travail, Mme Novelli, au cours de sa réunion suivante, le groupe pourrait examiner la possibilité de radier quand même la Russie de la liste des pays placés sous surveillance particulière dans le cadre du SGP.

En Russie, on a toujours été conscient que la protection de la propriété intellectuelle est un problème international et que, de ce fait, il est nécessaire d’entretenir un dialogue permanent avec la communauté mondiale. Aujourd’hui, Rospatent assume dans le cadre d’un accord passé avec le Bureau international de l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (OMPI) le rôle d’organisme international de recherche et d’expertise préalable. Rien qu’en 2003, il a reçu 555 demandes de recherches internationales. D’autre part, il a présenté 87 comptes rendus d’expertise à la demande des offices de brevets de pays en développement.

Rospatent participe à l’activité des 18 principaux comités et groupes de travail de l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle. Un projet TACIS « Protection de la propriété intellectuelle » a été réalisé en Russie pour harmoniser les droits russes avec les normes de l’UE et des TRIPS (Trade-Related Aspects of Intellectual Property Rights). Des ponts ont été jetés avec l’Office européen des brevets (OEB). La documentation sur les brevets de la Fédération de Russie a été intégrée dans le système d’information ESP@CENET de l’OEB. Il est envisagé d’ouvrir l’accès aux informations russes dans le cadre du système de recherche européen destiné au large public. Des accords de coopération ont été conclus avec l’Office de la propriété intellectuelle de Mongolie, le Département des inventions de la République Démocratique Populaire de Corée. Des efforts sont produits pour développer la coopération avec l’Office des brevets de Bulgarie. Des points de convergence ont été trouvés avec l’Allemagne. Rospatent a déjà organisé avec la Cour fédérale des brevets plusieurs colloques internationaux.

Auteur : Iana Iourieva, RIA Novosti

Source : fr.rian.ru


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