Ce Français qui veut recharger les portables grâce au soleil


C’est dans ses vieux cahiers d’écolier que Joël Gilbert a puisé un concept qui s’apprête à bousculer nos rapports à la téléphonie mobile. Fini les chargeurs, promet son invention : grâce à une couche photovoltaïque invisible placée sur l’écran, nos téléphones seront bientôt totalement autonomes en énergie. Le dernier fil du cordon qui lie encore le mobile à la terre s’apprête à être coupé.

Primé ce printemps par le prestigieux concours de l’innovation du Salon CTIA Wireless d’Orlando, le procédé s’inspire des couvertures lenticulaires transparentes des protège-cahiers, dont l’image changeait en fonction de l’angle de vision grâce à un réseau de minuscules lentilles transparentes. « Si une surface structurée peut modifier la propagation des ondes visibles, elle peut faire disparaître une image placée derrière, telle qu’une grille de cellules photovoltaïques », imagine le chercheur.

Capteur_solaire_GSM

Joël Gilbert dépose le premier brevet en 2006, puis croise la route d’un jeune ingénieur, Ludovic Deblois, qui rêve d’indépendance énergétique pour les pays du Sud. Ensemble, ils créent la start-up SunPartner en 2009, lèvent quelques subventions et lancent un programme de recherche avec plusieurs laboratoires spécialisés dans l’optique et la photonique. Deux ans plus tard, c’est dans l’aile discrète d’un château classé du XVIII e siècle, dans les environs d’Aix-en-Provence, que l’équipe, qui compte aujourd’hui une quinzaine de personnes, met la touche finale à sa pellicule d’énergie solaire : un film souple et transparent de200 microns d’épaisseur délivrant 10 milliwatts de puissance par centimètre carré. Plaqué sur l’écran d’un « smartphone », il peut recharger l’appareil exposé à la lumière du jour en six heures, mais une heure suffit pour 30 minutes de conversation.

Pour se rendre invisible à l’œil, le principe lenticulaire des vieux protège-cahiers a été perfectionné : la structure optique de la surface ondulée renferme des milliers de minuscules lentilles de 80 à 100 microns de diamètre qui recouvrent chaque pixel. A regarder de près, on devine la structure de la seconde couche du composé : un fin trait noir court en serpentin sur toute la surface du support. Il s’agit en fait d’une cellule photovoltaïque de nouvelle génération. « Cet agencement renforce l’effet de transparence sans altérer le rendement », poursuit l’ingénieur. Sa fabrication n’a rien de compliqué : elle utilise les mêmes procédés de lithographie que la microélectronique.

Pour développer les applications de ce film solaire, SunPartner crée en septembre 2009 une filiale, Wysips (« What You See Is Photovoltaic Surface »). La production de présérie commencera début 2012 dans une usine de semi-conducteurs de la région. Avant cette étape, un troisième composant doit être finalisé : la puce de contrôle de l’énergie, chargée de régler la puissance distribuée à la batterie. Un prototype est prêt, mais Wysips veut aller plus loin avec Gemalto, en concevant une puce de gestion qui transmette l’énergie solaire directement à l’application sollicitée, ce qui aurait pour effet de réduire encore les besoins énergétiques des portables.

Moins de 1 euro

Cette technologie a de quoi intéresser les fabricants : pour moins de 1 euro, le coût de commercialisation prévu pour ce film solaire, ils pourront réduire la taille de la batterie de 20 %. Des perspectives d’économie qui ont déjà conduit vers le château de la campagne aixoise plusieurs grands noms de la téléphonie mobile. « Avec une dizaine de brevets entourant sa technologie et la promesse d’une réponse écologique et économique à la question énergétique mobile, Wysips n’a pas de concurrent », pense l’un de ses investisseurs. L’entreprise pourrait annoncer la signature de plusieurs cessions de licences avant la fin de l’année. « Nos technologies seront accessibles sous cette forme à tous les fabricants », promet Ludovic Deblois. Si le marché répond comme il l’espère, sa start-up s’attend à réaliser 100 millions d’euros de chiffre d’affaires dès 2014.

Auteur : Paul MOLGA

Source : www.lesechos.fr


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