Si elle est mal vendue, la plus géniale des inventions devient un mauvais produit. Or les chercheurs ne sont pas tous des managers. Ils échouent parfois dans leur projet parce qu’ils ont sous-estimé certains pièges juridiques, fiscaux ou financiers.
C’est que, souvent, un inventeur concentre tous ses efforts sur la mise au point de son projet. Mais il ne prend pas le temps de se protéger. Résultat : à peine se lance-t-il sur le marché qu’il se fait confisquer sa marque, voire son idée. Selon le médiateur de la sous-traitance, Jean-Claude Volot, le vol de la propriété intellectuelle arrive désormais en quatrième position parmi les 35 mauvaises pratiques recensées dans les entreprises. Les grands donneurs d’ordre se servent sans vergogne dans le vivier des inventions venues de chez leurs fournisseurs. Comme ces derniers ne se sentent pas dans un rapport de force favorable, ils acceptent souvent sans broncher. Ils se disent qu’ils n’ont pas les moyens de résister.
Ces obstacles potentiels n’ont pourtant rien d’insurmontable. Mais, pour bien les négocier, encore faut-il les avoir anticipés. Associée au cabinet Virgile Avocats, Isabelle Vendeville détaille les étapes du carnet de route que doit impérativement suivre tout entrepreneur innovant.
1 Les précautions se prennent en amont
Au démarrage, il faut économiser sur tous les types de dépenses. Mais quand même pas au point de sacrifier les postes vitaux ! Or les questions d’ordre comptable et juridique le sont.
« L’entrepreneur craint souvent de ne pas pouvoir maîtriser le coût des honoraires d’avocat », reconnaît Isabelle Vendeville. L’idéal pour lui est de s’entourer d’un juriste en empathie avec le tempérament d’un créateur. Cette typologie de conseiller se reconnaît à son mode de rémunération : il budgétise ses honoraires, plutôt que de se faire payer au temps passé, car il sait très bien que son client n’en a pas les moyens. De tels professionnels du droit existent. « Ils ont une approche pluridisciplinaire et une compréhension des problématiques business des PME », poursuit notre avocate, qui ajoute : « cela leur permet d’anticiper au maximum les sources de difficulté. L’avocat qui a un pied dans l’entreprise sera impliqué dans la réussite du projet. »
La toute première des problématiques est donc la protection des inventions : le dépôt de brevet est le premier rempart, mais encore faut-il que l’invention soit susceptible de faire l’objet d’un brevet. Pour cela elle doit présenter un caractère suffisant d’originalité. Attention ! Les logiciels ne sont pas brevetables. Ils peuvent simplement être protégés par la loi (copyright). Quant à la protection des marques, elle s’obtient par un dépôt à l’Inpi. Dans tous les cas, l’arsenal juridique français permet d’éviter les abus de tiers (contrefaçon, concurrence déloyale).
La deuxième précaution indispensable tient à la forme sociale retenue dès la création. Elle doit être immédiatement adaptée à l’activité et à son évolution potentielle. Elle doit anticiper une optimisation du patrimoine existant ou à venir du dirigeant.
2 Les multiples formes du nerf de la guerre
Vient ensuite le financement : il convient d’identifier les aides à la création (financements type Oséo, notamment quand on est chômeur et créateur d’entreprises. Il ne faut surtout pas hésiter à demander à bénéficier du dispositif que le monde entier nous envie de crédit d’impôt recherche. Les régions sont aussi des émetteurs de subventions.
Ensuite, selon les phases de développement, il sera temps de recourir au « love money » en premier lieu (famille et amis). Les « business angels » ou fonds de capital-risque pourront être sollicités en phase d’amorçage ou d’accélération, c’est-à-dire dans les deux ou trois premières années. Les fonds d’investissements (« private equity ») n’auront vraiment leur utilité que vers la cinquième année.
« La documentation juridique doit être irréprochable. Le document juridique majeur est le pacte d’actionnaires qui doit gérer les relations entre associés, les prises de décision, les modalités de sortie des uns et des autres, le risque de conflit (notamment lorsque l’entreprise a plusieurs fondateurs), etc. », poursuit l’avocat.
Du coup, ce questionnement amène à soulever celui de la valorisation de l’entreprise. La réponse est importante, car c’est elle qui déterminera la quote-part du capital que l’entrepreneur sera prêt à attribuer aux investisseurs. C’est également le moment de mettre en place des outils antidilution du capital, à l’exemple des bons de créateur d’entreprise, bons de souscription d’action, etc.
3 Anticiper la cession
Il peut apparaître paradoxal de se préoccuper d’emblée de la sortie. Pourtant, il est sage d’avoir déjà une idée claire à ce sujet. Un acquéreur généreux peut se présenter à tout moment. Le cas échéant, la cession sera d’autant plus facilitée (et le prix n’en sera que plus élevé !) que les problématiques juridiques et fiscales auront été maîtrisées, gérées et optimisées longtemps auparavant.
Auteur : FRANÇOIS LE BRUN
Source : www.lesechos.fr
En savoir plus sur Invention - Europe
Abonnez-vous pour recevoir les derniers articles par e-mail.
