Histoires et Passés

Roland Moreno et sa carte à puce


Égocentrique, foutraque, paresseux… mais inventeur de génie : Roland Moreno a inventé voilà près de 40 ans, la carte à puce. Une invention géniale, devenue universelle, et qui lui a largement survécu.

Aujourd’hui, vous avez peut-être passé un coup de téléphone, validé un trajet en bus ou en train, retiré 20 euros au distributeur, consulté votre médecin ou accumulé des points de fidélité au supermarché.

Pour tout cela, sans même y penser, vous avez utilisé l’invention géniale d’un Français, Roland Moreno, inventeur un peu fou mais visionnaire : la carte à puce. Si sa trouvaille a eu du mal à convaincre au début, dans les années 70, elle s’est tellement généralisée qu’on ne compte plus ses applications à travers le monde.

L’homme, décédé il y a un peu plus d’un an, a tout du savant fou. Outre sa coupe à la Professeur Tournesol, il a tout de même débuté sa carrière en inventant des appareils aussi absurdes qu’une machine à tirer à pile ou face – la Matapof –, ou, alors qu’il n’a que neuf ans, un orgue à partition. De ces inventions farfelues, il disait que « à cette époque, on avait une relation avec les objets qui était fondée sur la fonction, la destination. Les miens n’en avaient pas. C’était une provocation… Un jour j’ai ajouté des robinets de baignoire sur un magnétophone. » Il crée également le « radoteur », une machine à algorithme destinée à inventer des mots-valises de manière aléatoire à partir des mots du dictionnaire. La trouvaille, inutile en apparence, lui permettra de trouver puis de vendre des noms de marques à des sociétés clientes…

En 1974, l’informatique n’a rien de domestique ni d’universel, mais Roland Moreno invente la « carte à mémoire ». « Dans son sommeil », disait-il en 2006. « Après avoir fumé un pétard », avait-il parfois malicieusement ajouté. Une carte qui prend d’abord la forme… d’une bague. Selon lui, il s’agit « d’un circuit intégré, inviolable ». La puce est prévue pour se loger dans une bague et servir à « ouvrir les portes, contrôler des titres de transport ou tenir un compte bancaire ». Il en dépose le brevet en mars 1974.

Sa société, Innovatron, est créée pour exploiter ce brevet – sans se douter des millions qu’il lui rapportera –, mais avant tout pour « vendre des idées ». Et ça marche. Les néologismes loufoques du radoteur font le bonheur de créatifs en panne d’idées

« Take the money and run »

En attendant, huit ans d’obstination et de persévérance lui seront nécessaires pour venir à bout des réticences d’hommes moins visionnaires que lui. Dès le début, il avait contacté banques, réseaux de transport public et autres industriels, lesquels doutaient de l’utilité ou de l’infaillibilité de son invention.

Le nom de code de son invention était TMR, pour « Take the money, and run ». L’hommage d’un bon vivant, amateur de culture à l’un des premiers succès de Woody Allen.

Il faut se remettre dans le contexte de l’époque : l’informatique est confinée au monde professionnel, et constituée de deux ou trois grosses sociétés comme IBM ou Bull. Roland Moreno représente alors plus une menace pour ces professionnels de la profession. Roland Moreno dit, à propos de Bull, que le géant a fait main basse sur ses brevets, et tenté de les contourner. Idem côté banques, qui ont mis « seize ans à comprendre les enjeux de la carte à puce », selon Moreno.

Ce sont les PTT qui donneront sa chance à l’inventeur : en 1983, à Lyon et Blois, les premières télécartes sont testées. Un an plus tard, le succès est là et les cabines téléphoniques à pièces agonisent. Déjà, 2000 cabines à carte les remplacent, et la France, avant le monde, s’habitue à cette si pratique carte à puce.

150 millions d’euros à titre personnel

En 1992, toutes les cartes bancaires françaises sont équipées d’une puce. Suivent la carte Vitale, les cartes SIM des téléphones portables, nombre de cartes de fidélité, et, avec le nouveau système sans contact développé, aussi, par Roland Moreno, les abonnements de transports en commun. La RATP travaille en partenariat avec lui pour élaborer ce qui deviendra le pass Navigo, et se généralise rapidement à toutes les grandes villes.

En 1994, alors que le brevet tombe dans le domaine public, Roland Moreno estime qu’il a touché 150 millions d’euros – à titre personnel – de royalties sur sa géniale invention.

À l’époque, près de 500 millions de cartes téléphoniques à puce ont été commercialisées…

Aux États-Unis, temple du capitalisme et patrie du billet vert, la carte de crédit en reste pourtant à la piste magnétique, sur un système datant de 1958. Il faut attendre l’an 2000 pour qu’enfin les banques américaines passent à la puce. Le géant American Express y est passé… en 2011.

Auteur : Joël CARASSIO

Source : www.vosgesmatin.fr

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