De 1846 à 1900 à Effiat, dans le nord du Puy-de-Dôme, Joseph Béchonnet a fabriqué des centaines de cornemuses de grande qualité. Un inventeur qui stimule toujours les facteurs contemporains.
Maçon devenu sabotier, Joseph Béchonnet (1820-1900) est aujourd’hui connu sur toute la planète de la musique traditionnelle pour la qualité et l’originalité de ses cornemuses, dotées d’un troisième bourdon derrière le boîtier, qu’il a fabriquées dans son village d’Effiat (Puy-de-Dôme) entre 1846 et 1900.
Les cornemuses à bouche et à soufflet signées Béchonnet tombées entre les mains des musiciens collecteurs de la génération folk au milieu des années 1970 n’en finissent pas de servir de base à de multiples copies et recréations depuis quarante ans.
En janvier 1978, Jean-François Chassaing, musicien, étudiant en ethnologie à Clermont-Ferrand, collecte le joueur de musette Béchonnet, dernier musicien « passeur » des Combrailles, Emile Mansard, dit Milounet. Ne restait plus qu’à tirer le fil de la pelote pour sortir les cornemuses du Massif central de l’« amnésie » dans laquelle elles étaient plongées.
Docteur en ethnologie, Jean-François Chassaing revient aujourd’hui dans un livre sur ses quarante ans de recherches et surtout de découvertes autour des cornemuses en France et du « phénomène » Béchonnet.
Un travail largement documenté par la découverte récente du « cahier Béchonnet », donné par Christian Coutard à la Maison du luthier de Jenzat. Joseph Béchonnet est en effet le seul facteur de cornemuses françaises à avoir laissé la trace de toutes ses ventes. « Un document musicologique majeur », souligne Jean-François Chassaing. Tenu par Joseph Béchonnet jusqu’à sa disparition, le cahier a ensuite été prolongé par la maison de lutherie Pajot Fils de Jenzat (Jean-Baptiste Pajot – 1863-1935 – avait racheté le fonds Béchonnet après 1900).
86 musettes à bouche, 50 musettes à soufflet sont notées dans le cahier, 41 sont en ébène, leurs hautbois mesurent entre 13 et 17 pouces, la liste des clients fait apparaître la description de 330 musettes, un millier d’anches doubles fabriquées par Béchonnet sont comptabilisées, celui-ci réalise une soixantaine de cornemuses pour les luthiers du village voisin de Jenzat, il vend aussi 18 vielles neuves…
Les instruments originaux encore utilisées aujourd’hui ou ceux exposés dans les musées témoignent aussi des très beaux soufflets fabriqués par Béchonnet, à 4 ou 5 plis, notamment ceux décorées de marqueteries à losanges.
Musette sans pareil
En 1886, à l’age de 66 ans, nous apprend Jean-François Chassaing, Béchonnet vend sans doute la plus belle cornemuse jamais réalisée, qu’il appelle « la belle musette sans pareille ». Le facteur d’Effiat est un « inventeur » qui perfectionne les instruments issus de la tradition, notamment par ce troisième bourdon sur le boîtier qui renforce les effets de multiphonie. Il travaille des bois de grande qualité, ébène, érable ; décore les soufflets et boîtiers de nacre et d’ivoire. « Il est le seul facteur de cornemuses à peindre ses instruments de motifs floraux », indique Jean-François Chassaing. Avant le renouveau folk, un tel savoir-faire n’a pas manqué de susciter l’intérêt des musicologues et des luthiers contemporains de Béchonnet. Le compositeur, musicien et collectionneur Laurent Grillet, a légué dès 1901 une cornemuse Béchonnet de 1892 au Conservatoire de Paris.
Autour de la publication du cahier Béchonnet, Jean-François Chassaing ouvre son livre par un bilan des recherches menées à ce jour sur les cornemuses de France. L’ouvrage se referme par la présentation des joueurs de cornemuse clients de Béchonnet à Effiat, de Pajot Fils et Pajot Jeune à Jenzat.
Pratique.
Béchonnet & Les cornemuses en France, par Jean-François Chassaing, édition : Les Amis de la vielle de Jenzat, 144 pages, 27 € (6 € de frais de port par correspondance) ; www.maison-luthier-jenzat.fr
Auteur : Jean-Marc Laurent
Source : www.leberry.fr