Les restrictions risquent de tuer dans l’œuf ce nouveau véhicule d’investissement, pointent les « business angels ».
Pas encore voté, déjà critiqué. Le compte PME innovation, dont les contours ont été dévoilés lundi par Michel Sapin dans « Les Echos » , suscite un certain scepticisme chez les « business angels », alors que ceux-ci réclamaient une telle mesure de longue date. « La montagne accouche d’une souris », regrette Gonzague de Blignières, fondateur de Raise. Jean-David Chamboredon, le président du fonds Isai, qui a porté ce sujet auprès des pouvoirs publics, alerte sur « un syndrome PEA PME ». « Tel quel, le dispositif ne va pas fonctionner. On se demande même si le gouvernement n’a pas tout simplement intérêt à le retirer du collectif budgétaire », affirme-t-il.
Deux critiques majeures
Issu des travaux réalisés lors des Assises de l’entrepreneuriat en 2013, le compte PME innovation (ex-compte entrepreneur-investisseur) doit permettre aux entrepreneurs de réinvestir plus facilement leurs plus-values lors de la revente de leur entreprise. Bercy propose d’instaurer un report de taxation si les sommes sont investies dans des start-up, l’intérêt étant que les éventuelles moins-values viendront compenser les plus-values. Avec pour objectif de créer un écosystème favorable à l’amorçage de jeunes entreprises. Initialement prévu dans la loi Macron II, ce dispositif a été reporté au collectif budgétaire de fin d’année lorsque le texte de l’ex-ministre de l’Économie est passé à la trappe. Entre-temps, certaines restrictions ont été introduites, risquant de tuer dans l’œuf ce nouveau véhicule. Premièrement, le compte PME innovation sera accessible uniquement aux salariés ou dirigeants possédant au moins 10 % de leur société, ou aux actionnaires détenant plus de 25 %. « Cela veut dire que les « business angels » existants ne pourront jamais utiliser ce compte puisque nous atteignons rarement ce niveau de détention, réagit Jean-David Chamboredon. Seuls les entrepreneurs vendant leur société à partir de 2017 seront en outre éligibles. L’effet « écosystème » sera donc très lent. » Gonzague de Blignières considère de son côté qu’il faut arrêter de parler de seuils. « On va éliminer les dirigeants actionnaires à 9,99 % ou les actionnaires à moins de 24,99 % du capital… »
L’autre critique porte sur le traitement en matière d’ISF. Dans sa première mouture, le compte PME innovation prolongeait l’exonération d’ISF pendant deux ans en cas de réinvestissement dans des start-up. « Cette idée avait reçu un très bon accueil chez les entrepreneurs. L’objectif était d’éviter qu’ils s’installent hors de France ou qu’ils fassent des montages complexes avec des holdings pour échapper à l’ISF », explique Jean-David Chamboredon. Or le projet final ne retient pas ce report de deux ans. « C’est absurde ! Si le « business angel » perd tout, il devra quand même payer l’ISF », souligne Gonzague de Blignières. Reste à savoir comment le compte PME innovation évoluera durant le débat budgétaire, face à une majorité qui a déjà remis en cause le régime des actions gratuites… Les entrepreneurs sont inquiets.
Auteur : Ingrid Feuerstein
Source : www.lesechos.fr