Le géant américain ne possède plus le brevet nécessaire pour faire évoluer ses ballons dans les airs et connecter le monde entier à Internet.
Google, devenu Alphabet, a-t-il volé l’idée de ses ballons en haute altitude pour connecter le monde entier à Internet ? Le soupçon se fait de plus en plus lourd, alors qu’une petite entreprise américaine nommée Space Data poursuit le géant en justice. Déposée l’été dernier, la plainte de David contre Goliath a pris un tournant beaucoup plus inquiétant pour Google en juin.
Comme l’a révélé Wired récemment, Space Data a réussi à convaincre le Bureau américain des brevets et des marques que c’était elle qui avait déposé avant Google le brevet permettant aux ballons d’évoluer en altitude et de la modifier pour rester en état stationnaire. Pour la première fois, Google s’est vu retirer l’un de ses 36.000 brevets. Cette invention étant la pierre angulaire du projet du géant américain, celui-ci serait donc compromis en cas de défaite judiciaire.
Loon fait pourtant partie des projets phares de Google, qui rêve de connecter les 3 à 4 milliards d’êtres humains n’ayant pas accès à Internet dans le monde. Déployer une flotte de centaines de ballons partout dans le monde pourrait connecter des zones pour l’heure inaccessibles.
Une affaire qui remonte à 2007
Pour comprendre comment l’une des plus grosses entreprises actuelles se retrouve en très grande difficulté face à une petite entreprise, il faut remonter en 2007. A cette époque, comme le raconte Wired, Google est engagé dans une enchères avec Verizon sur l’ouverture des spectres radio par la Commission fédérale des communications (FCC). Le géant de Palo Alto cherche à faire monter le prix de la vente au dessus de 4,63 milliards de dollars, seuil à partir duquel les fréquences seront ouvertes à tous les utilisateurs.
Google fait donc une offre à 4,6 milliards de dollars, mais prend peur. Car le vainqueur devra équiper 40 % des Américains dans les quatre ans de ces nouvelles fréquences. Face à un coût qu’il juge prohibitif, Google se met en quête d’une solution plus abordable que le bon vieux câble.
Google aurait pu racheter Space Data
Cette solution, il la trouve en Space Data, une entreprise basée en Arizona qui commercialise depuis 2004 un service de communication sans fil grâce à des ballons. L’entreprise travaille notamment avec l’armée américaine en lui fournissant des liaisons radio plus performantes en réutilisant de vieux ballons météo. En septembre 2007, Space Data se présente à Google et reçoit un accueil très chaleureux.
Dès décembre, les discussions s’orientent autour d’une acquisition par Google de Space Data, avec la signature d’une clause de confidentialité. Cette dernière permet à Google de passer en revue les données commerciales et surtout techniques de Space Data. En février 2008, 12 employés de Google dont ses deux co-fondateurs, Sergei Brin et Larry Page, viennent rendre visite à Space Data et réalisent un vol test avec un ballon.
La signature semble toute proche, mais tout bascule : 10 jours après la démo, Google rompt abruptement les discussions. La raison ? Verizon vient de dépasser l’offre de Google, qui n’a donc plus à s’occuper de l’équipement de 40 % des Américains.
L’arme juridique, seule chance contre le géant
De cette acquisition manquée, l’idée chez Google germera pour devenir le projet Loon, présenté officiellement en 2013 par Sergei Brin lui-même. 100 brevets seront déposés dès 2012 par des ingénieurs de Google qui amélioreront l’idée de départ. Mais voilà : le plus important, qui permet de contrôler l’altitude du ballon, a été déposé par Space Data en… 2001.
Cette antériorité reconnue, Google se retrouve en très mauvaise posture avant le procès, qui est programmé pour l’été 2019. Space Data pourrait obtenir une injonction préliminaire prochainement, ce qui signifierait que Google (Alphabet) pourrait devoir arrêter d’utiliser la technologie d’ici au procès.
Cette solution juridique est aujourd’hui l’unique option pour Space Data, dépassée par la toute puissance de la communication du géant américain dans le domaine. « Soit nous faisions nos valises et nous laissions à Google 10 ans de propriété intellectuelle, soit nous nous battions pour protéger nos inventions bien plus anciennes », explique Spencer Hosie, un avocat de Space Data, à Wired.
L’image de chevalier blanc dans l’affaire Uber disparue
La petite entreprise s’attend cependant à une riposte d’envergure du géant, qui pourrait notamment faire durer la procédure en longueur alors que Loon est déjà testé au Sri Lanka et doit être généralisé d’ici 2020.
Cependant, et plus largement, cette reconnaissance par la FCC d’un brevet largement antérieur à celui déposé par Google met le géant dans une position très délicate. Alphabet, par sa filiale Waymo, est en effet mêlé à une affaire similaire avec Uber dans le cadre de la voiture autonome. La différence ? Cette fois-ci, c’est Uber qui est accusé de vol de technologie et qui pâtit d’une très mauvaise presse. Extrêmement revendicatif dès le début de l’affaire, Waymo est cependant revenu en arrière le 7 juillet dernier et a réduit l’ampleur de sa plainte.
Durant l’affaire Uber, Alphabet s’est ainsi défendu avec des arguments proches de ceux d’un chevalier blanc. Une image entamée par l’affaire Loon.
(source = les échos)