Directive 2004/48/CE sur le respect des droits de PI – Un pas supplémentaire pour l’harmonisation des droits de PI en Europe


La directive 2004/48/CE relative aux mesures et procédures pour assurer la mise en œuvre des droits de propriété intellectuelle (PI), adoptée le 29 avril 2004, réglemente les mesures, les procédures et les réparations qui peuvent être ordonnées par les autorités judiciaires compétentes, à la requête de toute personne autorisée pour ce faire, dans le cas d’une atteinte à un droit de propriété intellectuelle. A la différence des normes juridiques européennes antérieures dans le domaine du droit de PI, l’harmonisation réalisée par cette directive n’est pas limitée à une branche particulière du droit de PI, telle que le droit d’auteur ou le droit des brevets. Ayant un effet horizontal, la directive s’applique principalement à toute atteinte aux droits de PI tels qu’ils sont établis par la législation communautaire (règlements sur la marque communautaire, sur les dessins ou modèles communautaires, sur les obtentions végétales, etc.), et/ou par les droits nationaux des États membres (le droit sur les brevets, le droit sur les modèles d’utilité, la législation sur le droit d’auteur, etc.). L’objectif de la directive est de rapprocher les systèmes législatifs afin d’assurer un niveau de protection élevé, équivalent et homogène dans le marché intérieur (considérant nº 10).

La directive a pour but de transférer les dispositions de l’accord sur les ADPIC relatif à la mise en œuvre des droits de propriété intellectuelle (articles 41 à 50 et article 61) dans le droit européen. Il est ainsi garanti que ce traité international conclu dans le cadre de l’OMC sera interprété de manière uniforme par les juridictions européennes (considérants 4 à 7). De plus, elle a pour cible de mettre en œuvre d’autres instruments qui assurent le respect des droits de PI, qui ont été identifiés comme étant les mesures «de meilleure pratique» dans certains États membres. Étant donné que la directive constitue uniquement un degré minimum d’harmonisation et qu’elle doit être transposée dans les droits nationaux pour l’automne 2006 au plus tard (article 20, paragraphe 1), les États membres sont libres d’introduire des mesures ou procédures plus favorables aux titulaires de droits pour ce qui concerne la mise en œuvre des droits de PI (article 2, paragraphe 1). Néanmoins, dans certains domaines, la directive va au-delà du niveau de protection existant actuellement dans certains États membres.

La question de savoir si les mesures et procédures prévues par la directive devraient aussi s’appliquer aux infractions commises par les consommateurs ou par les particuliers a fait l’objet de controverses – en particulier en ce qui concerne le partage de fichiers sur Internet. La proposition originelle de la Commission avait opté pour une formulation restrictive. Cependant, la version finalement adoptée par le Parlement européen et le Conseil n’a pas retenu une telle limitation. Les procédures et mesures fournies peuvent, en principe, être aussi utilisées contre des particuliers et des consommateurs finaux. Seul un petit nombre de mesures, par exemple celles concernant les droits d’information contre les tiers, est restreint aux actes réalisés à des fins commerciales.

Les bénéficiaires de la directive sont avant tout les titulaires de droits de PI. Ils sont autorisés à demander que soient appliquées les mesures de mise en œuvre et les procédures fournies par la directive. D’autres personnes autorisées à utiliser ces droits, telles que par exemple les licenciés, les organismes de gestion collective des droits de PI et les organismes de défense professionnels, peuvent aussi se voir accorder le droit de demander l’application de telles mesures et procédures, pour autant que cela soit permis par le droit national applicable (article 4).

La directive fait une distinction entre quatre grandes catégories de mesures civiles qui peuvent être requises par les bénéficiaires en cas d’atteinte aux droits de PI: des mesures pour la protection des preuves de l’atteinte à la PI (articles 6 et 7), le droit à être informé quant à l’origine et aux réseaux de distribution des marchandises et des services qui portent atteinte à un droit de PI (article 8), des mesures provisoires et conservatoires pour la prévention des atteintes et pour la protection des demandes de dommages et intérêts (article 9), et des mesures compensatoires et correctrices dans le cas d’une atteinte à un droit de PI établie par décision judiciaire (articles 10 à 13), en particulier quant à sa mise en œuvre et au montant des dommages et intérêts civils.

Les dispositions sur la protection des preuves visent à résoudre le problème classique des cas d’atteinte à la PI dans lesquels les preuves décisives sont généralement sous le contrôle du contrevenant lui-même et/ou sont faciles à faire disparaître. Afin de protéger ces preuves lors des procès pour atteinte aux droits de PI, la directive permet aux autorités judiciaires, à la demande d’une personne dont les droits ont été violés, d’ordonner que des preuves spécifiées qui se trouvent sous le contrôle de la partie adverse soient produites par cette dernière (article 6). De plus, et ce même avant l’engagement d’une action au fond, les autorités judiciaires doivent être en mesure de prendre des mesures rapides et provisoires pour préserver les preuves pertinentes et ainsi permettre la mise en œuvre des droits de PI (article 7).

Les mesures de protection des preuves sont complétées par un droit à l’information, qui a constitué la mesure la plus demandée et la plus discutée par les titulaires des droits, les fournisseurs, les utilisateurs et leurs groupes de pression lors du procédé d’adoption de la directive. Le droit à l’information permet aux personnes dont le droit a fait l’objet d’une atteinte d’exiger auprès des autorités judiciaires compétentes une ordonnance d’information contre le contrevenant ou d’autres personnes, lorsqu’il est démontré que ceux-ci ont été, à un niveau commercial, en relation avec les marchandises ou services contrefaisants, ou qu’ils ont fourni des services commerciaux utilisés dans des activités contrefaisantes (article 8, paragraphe 1). Étant donnée l’ordonnance d’information, les personnes concernées sont obligées de donner des informations quant à l’origine et aux réseaux de distribution des marchandises et des services qui portent atteinte à un droit de PI. Cependant, en raison de la limitation quant au domaine commercial, il est désormais clair que les simples particuliers et les consommateurs finaux ne pourront pas faire l’objet d’une requête d’information. A contrario, il n’est pas impossible que dans le cadre de l’exécution d’une ordonnance d’information soient découverts des actes de contrefaçon réalisés par des particuliers ou des consommateurs finaux.

Les mesures provisoires et conservatoires, qui peuvent être ordonnées par les autorités judiciaires sur requête d’une personne impliquée, sont créées afin d’empêcher des atteintes futures ou imminentes aux droits de PI et afin d’assurer le recouvrement des dommages et intérêts avant que le jugement final ne soit prononcé. Elles contiennent, par exemple, la saisie ou la remise des marchandises qui sont soupçonnées de porter atteinte à un droit de PI (article 9, paragraphe 1, point b), et la saisie conservatoire des biens mobiliers et immobiliers du contrevenant supposé, y compris le blocage de ses comptes bancaires et autres avoirs (article 9, paragraphe 2).

Concernant les dommages et intérêts, le Parlement européen et le Conseil se sont -contrairement à la proposition originelle de la Commission- abstenus de mettre en œuvre toute sorte de dommages et intérêts punitifs, comme il en existe dans le droit américain (considérant nº 26). La directive sur le respect des droits de PI établit clairement que le contrevenant doit uniquement payer les dommages et intérêts civils appropriés pour réparer le préjudice actuel subi par le titulaire du droit en raison de l’atteinte à son droit. Les autorités judiciaires sont autorisées à fixer les dommages et intérêts de deux façons :

  1. En principe elles prendront en compte tous les aspects appropriés, tels que les conséquences économiques négatives, y compris le manque à gagner dont la partie qui a subi l’atteinte a souffert, tous les bénéfices injustement réalisés par le contrevenant et, dans des cas appropriés, des éléments autres que des facteurs économiques, tels que le préjudice moral causé au titulaire du droit du fait de l’atteinte.
  2. À titre d’alternative, elles peuvent, dans des cas appropriés, fixer les dommages et intérêts sous forme d’un montant forfaitaire, sur la base d’éléments tels que le montant des redevances ou des droits qui auraient été dus si le contrevenant avait demandé une licence ou avait demandé l’autorisation d’utiliser le droit de PI en question (article 13).

En addition ou indépendamment des dommages et intérêts, les autorités judiciaires compétentes peuvent ordonner le rappel et la destruction des marchandises contrevenantes (article 10), ou prononcer des injonctions interdisant la continuation des actes contrevenants (article 11). Si une partie concernée a agi de manière non intentionnelle et sans négligence, les États membres sont libres d’adopter des mesures qui autorisent alternativement la fixation d’une réparation pécuniaire au bénéfice de la partie lésée (article 12).

Enfin, à côté de ces mesures juridiques, la directive prévoit certaines mesures supplémentaires de soutien destinées à combattre la contrefaçon et la piraterie, telles que la publication des décisions judiciaires aux frais du contrevenant (article 15) et l’élaboration de codes de conduite par des associations privées destinés à contribuer au respect des droits de PI (article 17).

Auteur : Michael Veddern, Institute for Information, Telecommunications and Media Law (ITM), Université de Münster (Allemagne)


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