Histoires et Passés

La mort du milliardaire Michele Ferrero, inventeur très discret du Nutella


Retracer la vie de Michele Ferrero, mort le samedi 14 février, à Monaco, à l’âge de 89 ans, c’est d’abord évoquer le produit avec lequel cet homme aussi discret que sa fortune était grande (environ 20 milliards d’euros selon le magazine Forbes) s’est identifié : le Nutella, pâte à tartiner à base de noisettes, de chocolat et d’huile de palme, né en 1964. « Ferrero a été pendant de très longues années au premier plan de l’industrie italienne, réussissant à rester toujours à la mode grâce à des produits innovants et à son travail tenace et réservé », a commenté le nouveau président de la République italienne, Sergio Matarella.

Mais, avant de devenir la première fortune de la Péninsule et le parangon de ce fameux « capitalisme à l’italienne » fait de vertus familiales, de saine gestion du patrimoine et d’acharnement, Michele Ferrero, né le 26 avril 1925, fut d’abord, à sa manière, un artisan. La mort de son père, Pietro, en 1949, le laisse à la tête d’une entreprise de confiserie déjà florissante, sise à Alba (Piémont) et d’un produit d’appel, la Supercrema, dérivé du Gianduiotto piémontais, avec moins de chocolat (devenu cher après la guerre) et plus de noisettes (qui abondent dans la région). Seul problème, elle se tartine mal.

L’égal du bel canto

Il faudra quinze ans de tâtonnements et d’expériences pour que s’élabore dans le secret la recette du Nutella, dont les Italiens vont faire le plus grand usage et l’élever au premier rang de leur patrimoine culturel à l’égal du bel canto et de la peinture classique. Dès lors, le nom de Michele Ferrero s’efface au profit de celui de sa création. Aujourd’hui, 365 000 tonnes de Nutella sont produites chaque année par 30 000 salariés dans 14 usines à travers le monde et consommées par des centaines de millions de gourmands (en tête : les Allemands, les Français, les Italiens et les Américains). L’entreprise affiche un chiffre d’affaires d’environ 8 milliards d’euros.

Fort de ce succès, Michele Ferrero développe d’autres produits (Mon Chéri, Ferrero Rocher, Kinder, Tic Tac, Estathe, etc.) et bâtit un empire. Mais on ne le voit jamais dans la presse ni à la télévision. Les photos de lui sont rares, au point qu’on le surnomme « le Howard Hughes du chocolat ». La société a son siège au Luxembourg, le patriarche vivait à Monaco. « On ne doit apparaître dans les journaux que deux fois, disait-il. Dans son avis de naissance et son faire-part de décès. »

Mais c’est toujours dans le cœur de son Piémont natal, à Alba (31 300 habitants), que l’empreinte de Michele Ferrero est la plus visible. Baptisée « Nutellapoli », la ville célèbre également pour les truffes blanches, illustre le « capitalisme social » version Ferrero. Les salaires y sont plus élevés que dans le reste de l’Italie, la société prend en charge, outre la crèche pour les enfants du personnel, les activités sportives et culturelles, la mutuelle de santé « jusqu’à la mort » pour qui a travaillé trente ans chez Ferrero.

Les habitants d’Alba peuvent aussi, pour le chauffage, se brancher sur la petite centrale électrique de l’usine à un prix préférentiel. « Ce n’est pas une entreprise mais une oasis de bonheur, soutenait, en 2014, Francesco Paolo Fulci, président de Ferrero SPA. En soixante-dix ans, nous n’avons jamais connu un jour de grève. »

Éloigné des affaires par l’âge et la maladie, Michele Ferrero restait pourtant incontournable dans les choix stratégiques de l’entreprise. En 2009, il s’était opposé à ses fils, qui avaient déclaré étudier une option de rachat du confiseur anglais Cadbury et envisageaient une entrée en Bourse. « Si nous avions des actionnaires, ils nous demanderaient d’augmenter le chiffre d’affaires. Mais, pour faire un bon produit, il faut du temps », confiait un cadre de l’entreprise.

Michele Ferrero avait cédé la présidence du groupe en 2011 à son fils Giovanni, âgé aujourd’hui de 50 ans, juste après le décès de Pietro, qui avait succombé à un infarctus en Afrique du Sud, à l’âge de 47 ans.

Ses obsèques auront lieu à Alba, comme il se doit.

Auteur : Philippe Ridet

Source : www.lemonde.fr

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