En novembre 2014, se sont déroulés des travaux sur l’intérêt d’établir un délai de grâce pour les brevets en Europe. Ils ont réuni, à Munich, des représentants de toutes les nationalités et de tous les types d’organisations, qu’elles soient publiques ou privées. Il s’agissait d’évaluer la pertinence d’aligner la réglementation européenne à d’autres réglementations, notamment la réglementation américaine.
Un inventeur ne doit pas divulguer son invention avant d’avoir déposé un brevet. S’il le fait, il crée de l’art antérieur. Cela détruit alors tout caractère de nouveauté nécessaire pour qu’un brevet soit valable.
Toutefois, certains pays autorisent un inventeur à déposer un brevet après qu’il ait divulgué des informations sur son invention. Mais cela ne peut se faire que dans un délai limité. Ce délai s’appelle le délai de grâce. Aux États-Unis et au Canada, le délai de grâce est d’un an. Il n’est que de 6 mois au Japon.
L’idée est de protéger l’inventeur s’il se trouve dans certaines situations. Par exemple, s’il participe à un congrès international où il est utile qu’il puisse partager avec la communauté scientifique certaines avancées qu’il a faites.
L’Europe n’est encline à accorder de délai de grâce que dans des cas très restrictifs. Cela inclut des situations où l’on aurait soutiré de manière abusive des informations à l’inventeur, s’il a exposé des informations qu’il veut mettre dans le brevet au cours d’expositions répertoriées dans le cadre de la Convention de Paris. Il faut alors que l’inventeur demande un certificat. Un délai de grâce de 6 mois est accordé dans ces conditions par l’Office Européen des Brevets à partir de la date de divulgation.
Cependant, la date de priorité pour le brevet ne part qu’à partir de la date de dépôt du brevet. Cela signifie que si une autre partie dépose un brevet sur des données analogues au cours de ces 6 mois, le premier inventeur qui aura divulgué des informations sans les protéger par un brevet ne pourra pas se prévaloir de la priorité en matière de brevet.
La Chine fait partie des pays comme l’Inde et Israël où une tolérance est admise pour des divulgations réalisées lors d’expositions reconnues par les autorités, lors de réunions universitaires et à des divulgations réalisées à ou par des sociétés savantes.
Si les travaux de l’Office Européen des Brevets de novembre dernier avaient pour but d’étudier l’impact et l’intérêt de la mise en place d’un délai de grâce en Europe, la démarche s’inscrivait dans un cadre plus large, celui de la mise en place d’un système de brevet unifié au niveau international.
Dans le contexte actuel, les acteurs économiques les plus puissants prônent la suppression de barrières qu’ils ressentent comme préjudiciable à leurs développements. Il n’est pourtant pas certain que cela soit si favorable que cela à l’innovation.
Faisons un parallèle avec le domaine du vivant. Tout le monde sait que la biodiversité est essentielle à l’équilibre et la santé des écosystèmes. C’est la raison pour laquelle on plante différentes essences d’arbre dans une forêt. On prend soin des jeunes plants dans les premiers temps de leur croissance, car ils sont fragiles.
On met par exemple des protections pour éviter l’attaque de prédateurs. Elles ne seront retirées qu’une fois qu’ils auront atteint une taille critique et pourront être partie prenante de l’écosystème où ils ont été implantés. Les start-ups sont comme ces jeunes plants. Il faut pouvoir les soutenir dans les premières étapes de leurs développements.
Le fait que le système des brevets varie d’un pays à l’autre constitue une barrière de protection pour ces petites structures. Elle leur permet de profiter de niches qui leur auraient été difficiles d’accès si les espaces avaient été ouverts à des entreprises internationales plus puissantes et aux visées hégémoniques
Il est sans doute indispensable d’intégrer ce facteur de risque sur la création d’activités dans la marche vers l’harmonisation des dispositifs de protection de la propriété intellectuelle à l’international.
Auteur : Jean François Lacoste Bourgeacq / Fondateur Qiventiv Systems
Source : www.lesechos.fr