De la recherche à la start-up, il y a un pas que de plus en plus de chercheurs, d’instituts et d’entreprises sont prêts à franchir. Dans ce passage à l’acte, la propriété industrielle est un passeport vers le succès.
Entrepreneurs tentés par la science, scientifiques tentés par la création d’entreprise… Les laboratoires de recherche regorgent de trésors inexploités qui pourraient vous propulser sur la voie du succès ! A ce jour, seule une fraction des inventions de chercheurs fait l’objet d’un dépôt de brevet. Et sur ces brevets, seuls 10 à 20 % donnent lieu à des transferts de technologie vers des entreprises. Mais la donne change. En témoigne la multiplication des ponts entre la recherche et l’entreprise, de France Brevets aux Satt (Sociétés d’accélération du transfert de technologies). La consécration de ces efforts est venue en mars dernier lorsque Reuters a même décerné au Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) le titre d’institut de recherche le plus innovant au monde, devant le Fraunhofer en Allemagne et le JST au Japon.
Ce dynamisme s’explique par un double facteur : d’abord, les mentalités évoluent. « Nos chercheurs, doctorants, post-doc ou enseignants, sont plus nombreux à se demander comment leurs découvertes pourraient être transformées en produit ou service utiles, indique Laurent Buisson, vice-président Développement et partenariats économiques à l’UPMC. Nos efforts de sensibilisation ont fini par payer. Aujourd’hui, on note un vrai intérêt parmi notre personnel pour l’entrepreneuriat. » Autre facteur favorable à la valorisation de la recherche : l’évolution des priorités des entreprises. « Aujourd’hui, elles sont de plus en plus axées sur le court terme. Elles ont donc délaissé la recherche appliquée, préférant la sous-traiter à des organismes comme le nôtre, note Jean-Charles Guibert, directeur de la valorisation du CEA. Cela nous a ouvert un réservoir de clients beaucoup plus intéressant qu’il y a dix ans. »
Multiplication des incubateurs liés à des centre de recherche
Mais ce ne sont pas toujours les entreprises qui viennent solliciter les laboratoires. Le phénomène inverse se produit aussi. « Un chercheur a une bonne idée, nous la brevetons et nous cherchons une entreprise pour la valoriser via un contrat de R&D associé à une licence d’exploitation. C’est ce que nous appelons le transfert de technologie », explique Jean-Charles Guibert. Un exercice dont les 14 Satt régionales se sont également fait une spécialité. « Notre mission consiste à détecter des opportunités de marché pour les laboratoires, tout en dérisquant l’investissement des entreprises », explique Norbert Benamou, le président du réseau.
Et si une découverte intéressante ne trouve pas preneur, qu’à cela ne tienne : certains instituts sont dotés de leur propre système d’incubation. C’est ainsi que l’UPMC et le CEA contribuent chacun à la création d’une demi-douzaine de start-up par an. De l’étude de marché préalable à la mise au point de la stratégie de propriété industrielle, en passant par la constitution de l’équipe et la capitalisation de la société : toute une logique entrepreneuriale se met en place. Une chaîne à laquelle concourent de nombreux acteurs : incubateurs, fonds d’amorçage ou sociétés spécialisées en transfert de technologies. De belles réussites en émanent : Soitec (semi-conducteurs), Movea (capture de mouvements), Fluoptics (imagerie chirurgicale), Biophytis (biotechnologies), Ucopia (systèmes WiFi) ou encore Intento Design (logiciels)…
Dans tous ces beaux succès, la propriété industrielle, le brevet en particulier, est un élément clef. « Dès que nous pouvons breveter, nous brevetons », affirme Laurent Buisson. Certes, la procédure est longue, coûteuse et complexe, mais « c’est un facteur d’attractivité et de visibilité extraordinaire pour un institut comme le nôtre », estime Jean-Charles Guibert. Pour les entreprises, investir dans une technologie protégée est un accélérateur. Selon France Brevets, une start-up munie d’un portefeuille de brevets a 50 % de chances de réussir dans les dix ans qui suivent sa première levée de fonds, contre 30 % pour une start-up dépourvue de brevets. Une bonne raison pour pousser la porte des labos.
Auteur : Claire Derville
Source : business.lesechos.fr