Depuis un peu plus d’un an, la cité forézienne fait partie de la famille « French Tech ». Son point fort ? Le design, mais pas seulement : médical, industrie, logistique… Ces jeunes pousses de Saint-Étienne innovent tous azimuts.
Depuis l’été 2015, Saint-Étienne fait partie de la deuxième « promotion » des villes French Tech. Son point fort ? Le design, mais pas uniquement. Médecine, sport, logistique, robotique: les cinq brillantes jeunes pousses qui que nous vous présentons ici innovent dans de nombreuses directions.
Logistique : Boa Concept injecte de l’intelligence dans les entrepôts
Meilleur exemple de cette diversité: aux côtés du très « design » studio de création digital Webqam, Boa Concept est l’autre jeune pousse stéphanoise à figurer dans notre dernier top 100 des start-up françaises. Habituée des taux de croissance à trois chiffres (+100% en 2016, +230% en 2015, +180% en 2014…), la société fondée en 2012 par Jean-Lucien Rascle et Chantal Ledoux n’opère pourtant pas dans le digital au sens strict. Mais plutôt en support: ses « convoyeurs intelligents » équipent les entrepôts logistiques d’acteurs du e-commerce comme Oscaro.com, Gémo, Motoblouz. Le principe? Des modules électroniques qui s’installent en un tour de main sur les tapis roulants ou les convoyeurs à rouleau du client, permettant de « cartographier » et d’optimiser le fonctionnement du transit des marchandises. Et surtout de s’adapter à tous les changements que le client va y faire. Pratique pour les e-commerçants et les logisticiens, dont l’activité comporte généralement de très fortes variations… Preuve que le concept intéresse la profession: cette année, la société a signé 9 nouveaux contrats, et a plus que doublé ses effectifs pour atteindre 25 salariés.
Industrie : Siléane, rien n’est trop robot pour nos usines
Mettre de l’intelligence dans les « usines du futur », c’est aussi le créneau de Siléane. Depuis sa création en 2002 par Hervé Henry, cette prospère PME innovante (10 millions d’euros de chiffre d’affaires, 70 salariés dont les trois quarts sont des ingénieurs) a développé une gamme de quatre robots pour le monde industriel. Rovaldy permet d’accrocher et décrocher à grande vitesse les pièces montées sur des cadres pour être soumises à un traitement de surface (galvanisation, métallisation…), Créadécor de reproduire à la perfection le geste d’un artisan (un dessin à l’aide d’un filet de chocolat sur un bonbon, par exemple), Flowpick est un expert du « picking » à grande vitesse (jusqu’à 300 déplacements par minute). Le dernier-né, Kamido, est capable de déterminer la meilleure manière de trier et d’attraper des produits qui lui sont présentés en vrac. Leur point commun? Des caméras qui commandent les « mains » du robot, et une bonne dose d’intelligence artificielle. De son marché d’origine (l’agroalimentaire), Siléane est partie à la conquête de nombreux industriels dans l’automobile (PSA, Renault), l’environnement (secteur où Kamido fait merveille dans le tri sélectif), la logistique…
Textile : BV Sport, la botte secrète des runners
Ce n’est pas vraiment une start-up (la société existe depuis 1996), mais c’est tout comme: le vrai décollage commercial de BV Sport remonte à 2007, lorsqu’elle est rachetée par Salvatore Corona. Ce dernier, qui vient alors de revendre sa société de BTP, trouve alors une toute petite structure (150 000 euros de chiffre d’affaires, un salarié)… mais un potentiel immense. « Le fondateur, Michaël Prüfer, par ailleurs champion olympique du kilomètre lancé à Albertville en 1992, était un visionnaire: il avait inventé une technologie de bas de contention adaptée aux sportifs de haut niveau, qui améliorait considérablement l’oxygénation du sang pendant l’effort. » Adoptée par l’équipe de France de football en 1998, l’innovation du docteur Prüfer connait un joli succès d’estime dans le milieu du sport professionnel. Salvatore Corona l’a imposée dans la quasi-totalité des équipes de football de L1 et L2, dans des clubs phares comme le Real Madrid, Arsenal ou Liverpool, auprès de la délégation française aux derniers J.O. Et l’a surtout fait connaître des sportifs amateurs, « qui représentent aujourd’hui plus de 90% de nos ventes ». Runners, trailers, marathoniens, triathlètes : le boom de ces disciplines a bien aidé la société, aujourd’hui présente dans 2 500 points de vente, et dotée désormais de sa propre unité de production à Saint-Étienne. Elle s’est aussi diversifiée dans les t-shirts, les socquettes, et autres gants en matière techniques pour cette cible très exigeante mais encore trop franco-française au goût du dirigeant. « Le prochain challenge de BV Sport, c’est l’export: il pèse 20% de nos ventes aujourd’hui, mais devrait passer à 50% dans trois à cinq ans ». De quoi booster un chiffre d’affaires qui connaît déjà une croissance à deux chiffres depuis 10 ans.
Médecine : Keranova compte en mettre plein les yeux
Déjà aux manettes d’Eye Tech Care, l’une des plus belles success-stories de la « med tech » française, inventeur d’un système de traitement non-invasif du glaucome, le docteur en chirurgie ophtalmologique Fabrice Romano a l’habitude d’en mettre plein les yeux. Aux investisseurs, notamment, puisque sa première start-up a cumulé 40 millions d’euros de fonds levés depuis sa création. Et que sa petite dernière, Keranova, est déjà dotée de 4 millions après un an d’existence (plus 1 million de Bpifrance pour faire bonne mesure). Son idée ? Industrialiser un procédé mis au point par des chercheurs de l’Université Jean-Monnet de Saint-Étienne, pour automatiser et raccourcir un grand nombre de geste en chirurgie de l’œil, et réduire ainsi de 90% le nombre d’interventions purement manuelles. A la clé : des interventions plus sûres et plus rapides. De quoi intéresser d’après le fondateur un bon millier de blocs opératoires dans le monde.
Design : Nov’In, un labo stéphanois à Las Vegas
Parmi la grosse vingtaines d’innovations françaises repérées par les organisateurs du très réputé CES de Las Vegas, on compte des noms déjà bien connus de la French Tech comme Awox ou Hôli… et une jeune pousse forézienne: Nov’In. Ce qui lui a valu un Innovation Award pour l’édition 2017 du plus important salon high tech au monde ? La « smartcane », canne intelligente produite en partenariat avec Fayet (le fabricant français de la fidèle baguette de Dr House), conçue pour détecter les anomalies (chute, baisse d’activité) et donner l’alerte si le possesseur de la canne rencontre effectivement un souci… Mais la façon dont elle a été inventée mérite aussi un oscar: co-fondé par Ismaël Meïté et Vincent Gauchard, Nov’In est l’un des pionniers de l’innovation collaborative. « Nous fonctionnons comme une boîte à idées digitales, explique Vincent Gauchard. Des internautes qui ont imaginé un produit innovant sans avoir les moyens ou les compétences pour le développer nous le soumettent en ligne ». Sur sa plate-forme de discussion, plusieurs dizaines de membres ajoutent ensuite leur grain de sel, affinent le concept et même le design, jusqu’à la fabrication. Ils ont été ainsi 400 à co-développer le sac à dos pensé pour la séance de sport du midi Karkoa (avec compartiments pour séparer la tenue de travail des affaires de sport, logement isotherme pour la boisson, etc.). L’apporteur de l’idée et les membres les plus actifs étant intéressés aux ventes du produit final, conçu et commercialisé par Nov’In. Le principe du crowdfunding appliqué à l’innovation, en somme… Avec des premiers résultats encourageants: les ventes de Karkoa, désormais décliné en plusieurs modèles, ont fait plus que tripler cette année.
Auteur : Adrien Guilleminot
Source : lentreprise.lexpress.fr