Le Premier ministre Xavier Bettel a annoncé lors du débat sur l’état de la Nation qu’un nouveau régime IP entrerait en vigueur dès 2018. Paperjam.lu a sollicité l’éclairage de Keith O’Donnell, managing partner chez Atoz.
Deux ans après l’annonce de la suppression progressive du régime sur la propriété intellectuelle, après plusieurs années de pressing de Bruxelles et conséquence de Beps, le Luxembourg s’apprête à se doter d’une nouvelle législation remplaçant le fameux article 50 bis de la loi concernant l’impôt sur le revenu, qui assurait une exonération de 80% sur les revenus nets d’une société émanant de redevances, plus-values et dommages-intérêts de l’utilisation, de l’exploitation, de la vente ou de l’aliénation des droits de la propriété intellectuelle au Luxembourg.
Selon Keith O’Donnell, le gouvernement luxembourgeois doit bien consulter les spécialistes du secteur afin de tirer profit des possibilités restreintes des règles Beps en matière de régime IP.
Le régime actuel a été aboli pour les nouveaux entrants en 2016 pour l’impôt sur le revenu des collectivités et l’impôt commercial communal, et début 2017 pour l’impôt sur la fortune, tout en restant en vigueur jusqu’en 2021 pour les autres.
Le Premier ministre Xavier Bettel a annoncé mercredi un nouveau régime dès 2018, sans en dévoiler les détails, comme l’indique Keith O’Donnell, managing partner chez Atoz, à Paperjam.lu.
M. O’Donnell, en quoi consiste le nouveau régime IP annoncé mercredi par M. Bettel?
«Lors du discours, une simple annonce a été faite selon laquelle un nouveau régime IP serait mis en place au Luxembourg qui sera applicable à partir de 2018. Aucun détail n’a été fourni quant aux modalités de ce régime.
Cependant, le nouveau régime luxembourgeois devra en tout état de cause respecter le cadre précis défini dans le rapport relatif à l’action 5 du plan d’action Beps (contre l’érosion des bases et le transfert de bénéfices, ndlr) publié en octobre 2015. Ce rapport donne les caractéristiques qu’un régime IP doit impérativement remplir pour être considéré comme non dommageable et conforme aux standards Beps nouvellement définis.
Le Luxembourg, comme tous les pays participant au projet Beps, devra établir un régime en ligne avec ce cadre qui ne permet à un contribuable de bénéficier d’un régime IP que dans la seule mesure où il a lui-même engagé les dépenses de recherches et développement ayant généré les revenus de propriété intellectuelle (approche dite de «lien» ou «nexus»). Le rapport définit aussi le type d’actif de propriété intellectuelle pouvant bénéficier du régime: seuls les brevets et autres actifs de propriété intellectuelle fonctionnellement équivalents aux brevets peuvent être couverts par le régime.
Une certaine marge de manœuvre est laissée aux États pour rendre ce régime plus attractif.
Keith O’Donnell, managing partner chez Atoz
Le cadre imposé par Beps est donc déjà défini de façon relativement précise. Cependant, une certaine marge de manœuvre est laissée aux États participant au projet Beps pour rendre ce régime plus attractif : possibilité d’augmenter à hauteur de 30% le montant des dépenses éligibles qui elles-mêmes feront augmenter le montant de revenu de propriété intellectuelle exonéré, interprétation de la notion d’actif de propriété intellectuelle pouvant bénéficier du régime, etc. C’est cette marge de manœuvre que le Luxembourg se devra d’utiliser pour faire en sorte que son régime soit le plus attrayant possible et rester compétitif dans un contexte fiscal où on s’oriente de plus en plus vers l’harmonisation.
Quel impact aura ce changement sur la Place ? Ce nouveau régime reste-t-il compétitif par rapport à ceux pratiqués dans les autres pays européens ?
«Ce régime devrait avoir un impact positif pour le Luxembourg et renforcer les activités de recherche et de développement au Luxembourg. C’est le but de tout régime fonctionnant selon le principe de l’approche ‘nexus’. Cependant, si le Luxembourg veut s’assurer que cet objectif puisse être atteint, il devra prendre, lors de l’élaboration du nouveau cadre législatif, toutes les mesures nécessaires afin de rendre son régime le plus compétitif possible.
Il faut en effet garder à l’esprit que les directives Beps en matière de régimes IP vont rendre les régimes IP mis en place dans les différents pays de plus en plus similaires. Si le Luxembourg veut rester compétitif en la matière, il devra faire les bons choix lorsqu’il sera amené à définir les modalités précises de son régime. Lorsqu’il faudra déterminer le type d’actif couvert par le nouveau régime, tout en respectant les exigences imposées par Beps, le Luxembourg devra tenir compte de la richesse de la propriété intellectuelle en consultant ses spécialistes afin de s’assurer que le nouveau régime soit bien en ligne avec les exigences de la pratique de la propriété intellectuelle qui évolue constamment. Il devra en outre utiliser toutes les options données aux États pour rendre son régime le plus attractif possible (par exemple la majoration de 30% des dépenses éligibles).»
Auteur : Camille Frati – Source : paperjam.lu