Les robots rêvent-ils de tatouages électriques ?
Feriez-vous confiance à un robot pour vous faire tatouer ? C’est le défi que se sont lancé Pierre Emm et Johann Da Silveira, deux jeunes ingénieurs français. Leur projet : « Le Tatoué », une imprimante 3D qui tatoue la peau.
« Aujourd’hui les gens se servent d’une tablette ou d’un ordinateur pour réaliser des motifs. Ils les impriment et les décalquent sur la peau. Pourquoi ne pas choisir de tout réaliser numériquement ? », se demande Pierre Emm, 30 ans. Avec son camarade Johann Da Silveira, le jeune ingénieur a eu l’idée de cette imprimante à tatouages lors d’un workshop parisien organisé en 2013 par le ministère de la Culture. Leur objectif : créer un robot-tatoueur capable d’encrer un être humain en toute sécurité et avec la qualité artistique d’un professionnel.
À l’époque, ces étudiants de l’École Nationale Supérieur de Création Industrielle de Paris mettent rapidement le projet en pratique. Ils empruntent une imprimante 3D à leur école pour la reprogrammer – « la hacker » comme dit Pierre – et débuter les tests.
Les dessins sont d’abord conceptualisés via des logiciels, puis réalisés sur un bras en plastique polymère. Pour leur premier essai sur peau humaine – gracieusement prêtée par un ami – le motif tenté est simple : un cercle complet pour vérifier le bon fonctionnement de la machine.
Sécurité et hygiène de rigueur
Trois ans s’écoulent où l’évolution du robot tatoueur avance progressivement et où les motifs se complexifient au fil des expériences. Ces derniers mois, les deux Parisiens ont travaillé en collaboration avec l’accélérateur d’innovation – un incubateur de projets technologiques – de Satt Lutech à Paris. Quatre mois à « bricoler le prototype 24h/24h », raconte Pierre, pour perfectionner les normes d’hygiène et la praticité de la machine.
La question de la sécurité est primordiale pour le duo. Le robot-tatoueur est équipé d’un senseur qui reconnaît le relief de la peau en temps réel. « Même si le bras bouge pendant l’encrage, la machine se réadapte dans la seconde », précise son inventeur.
Mais n’allez pas penser que les deux jeunes ingénieurs considèrent « Le Tatoué » comme un remplacement des tatoueurs professionnels. À leurs yeux, il s’inscrit naturellement dans l’Histoire du tatouage. « C’est un nouvel outil pour les artistes. Il y a eu l’aiguille et la main, puis l’électricité et les dermographes… Le digital est une suite logique », assène Pierre.
Ce qu’en pensent les principaux intéressés ? « Certains s’en fichent, d’autre sont curieux, d’autres encore ont hâte de voir ce que cela va donner » répond Pierre. Côté public, « les principaux sceptiques ne sont pas tatoués et ont une vision romantique de l’expérience ».
Approuvé par un ténor du tatouage
Pas de quoi les décourager pour autant. Venus à San Francisco en avril donner une conférence sur leur travail, Pierre et Johann ont rencontré Lyle Tuttle, tatoueur – entre autres – de Janis Joplin et d’Henry Fonda. Du haut de ses 84 ans, le vieil encreur américain se passionne pour la machine des Français. « Il nous a demandé ‘vous pouvez me tatouer avec cette machine ?’, il était complétement recouvert d’encrage, mais nous a trouvé une petite place pour y inscrire ’Why !’ ».
Ravi de son tatouage, le ténor de l’aiguille s’improvise VRP du robot et invite les Français à une fête pour les présenter aux plus grands encreurs de Californie. Une reconnaissance prometteuse pour les deux Parisiens. D’autant plus qu’en septembre, Pierre et Johann partiront en quête d’investisseurs pour financer la production de leur imprimante 3D améliorée et l’ancrer dans l’Histoire du tatouage.
Auteur : Moran KERINEC
Source : jactiv.ouest-france.fr