Dépôt de brevet : la longue marche de la rédaction à l’obtention
Déposer un brevet est un subtil travail juridico-technique. Le néophyte a toutes les chances de s’y perdre. Pour les recherches d’antériorité, la rédaction et les extensions internationales, mieux vaut se faire aider.
On aimerait se dire qu’il est facile de déposer un brevet. Qu’il suffit d’aller à l’Institut national de propriété industrielle (INPI) à Courbevoie (94), avec son croquis à la main pour en ressortir aussitôt, rassuré d’avoir protégé son invention pour les 20 ans à venir. La réalité est plus complexe. Pour s’en rendre compte, il suffit de surfer sur la Base brevets du site de l’INPI et de consulter un brevet d’invention. Passée la découverte ludique, le document, qui dépasse souvent les 25 pages, devient vite indigeste. « C’est à la fois technique et juridique. Chaque mot compte ! » constate Madjid Djemai, créateur d’un matériau en titane renforcé de céramique, imprimable en 3D, à destination des marchés aéronautique et médical. « C’est long d’obtenir un brevet. Si vous faites une erreur, l’INPI vous renvoie votre copie et vous prenez six mois dans la vue. » Madjid est un cas à part. Il dépose lui-même ses brevets et ses marques. Pour cela, il a suivi plusieurs formations à l’INPI. « Cela ne s’improvise pas », alerte-t-il à l’attention de ceux qui souhaiteraient faire l’économie d’un conseil en propriété industrielle.
Pour déposer un brevet qui tient la route, la première démarche consiste donc à se former ou à dénicher un cabinet de conseil en PI, en s’assurant que ce prestataire connaît bien le secteur d’activité concerné. Le brevet est ensuite rédigé ensemble, l’inventeur et le prestataire. Avec quelques précautions d’usage. « Il faut se retenir de communiquer autour de l’invention tant que la demande de brevet n’est pas officiellement déposée, rappelle Valérie Feray, cofondatrice du cabinet Ipsilon. La demande devient publique au bout de 18 mois. Durant ce délai, l’entreprise conserve la possibilité de se rétracter. »
Procédure directe auprès de l’OEB
Les entreprises peuvent aussi choisir de déposer directement leur première demande auprès de l’Office européen des brevets en vue d’un brevet étendu à plusieurs pays en Europe. Les délais et modes d’examen sont identiques à ceux de l’INPI.
De son côté, l’INPI analyse la rédaction de la demande, émet un avis sur sa pertinence et édite un rapport de recherche qui établit une liste de brevets et de documents en relation avec elle. Mais attention ! C’est toujours à l’entreprise de veiller à ce que son invention n’empiète pas sur le brevet d’autri. Une fois sa demande déposée, l’entreprise dispose d’un délai de 12 mois pour décider dans quels pays elle souhaite étendre sa protection. Pour l’Europe, il faut s’adresser à l’OEB ( Office européen des brevets ), à Munich. Le document, semblable à celui déposé en France, peut être rédigé en français, anglais ou allemand. Lorsque le brevet est délivré, le demandeur doit choisir dans quels pays européens il souhaite l’étendre.
Tarif réduit à l’INPI pour les start-up et PME
En France, un brevet s’obtient au bout de deux à trois ans. En additionnant les taxes de l’INPI et les honoraires du prestataire, le brevet coûte 3.000 euros minimum. Plus longue, la procédure européenne dure cinq à six ans, et le brevet revient à 5.000 euros minimum. Plus rapides, les États-Unis se chargent de l’affaire en deux à trois ans. Le Japon décroche le pompon : sept à huit ans d’attente ! « Il existe dans le monde d’autres procédures unifiées, précise Valérie Feray. Un brevet eurasien couvre la Russie et les anciens pays de l’URSS. Un brevet couvre les pays du Golfe. Deux procédures unifiées couvrent différentes zones d’Afrique subsaharienne. Il faut déposer individuellement dans les autres pays, notamment en Amérique du sud ou en Asie ».
Enfin, puisqu’il existe une procédure européenne, les français peuvent légitimement se demander quel est l’intérêt de continuer à déposer en France. Martine Clémente, directrice de l’action économique de l’INPI, argumente: « Pour les PME et les start-up, le brevet est subventionné. Les taxes oscillent entre 250 euros et 500 euros seulement. Il s’obtient bien plus rapidement que le brevet européen, et permet de bénéficier de la protection internationale durant un an (voire davantage), le temps de choisir les territoires où l’on souhaite se protéger. Enfin, il permet de travailler avec l’INPI pour effectuer des recherches, à des coûts avantageux. »
Auteur : Henri de Lestapis – Source : www.lesechos.fr